RSF - Reporters sans frontières

09/30/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/01/2025 08:05

Pérou : Recrudescence des attaques contre les journalistes d'investigation

Reporters sans frontières (RSF) exprime sa profonde inquiétude face à une série d'actes de surveillance, de harcèlement judiciaire et de menaces contre au moins huit journalistes d'investigation au Pérou, qui ont tous enquêté sur des affaires de corruption impliquant la présidente Dina Boluarte et son entourage proche. RSF appelle les autorités à enquêter de toute urgence sur ces affaires et à garantir l'exercice du journalisme indépendant en toute sécurité.

En septembre 2025, huit journalistes d'investigation péruviens ont été soumis à des mesures de surveillance, à des procédures judiciaireset à des demandes d'interceptionde leurs communications, par des agents de police, des hauts représentants de l'État et des personnalités politiques, en représailles à leur travail. Tous ont révélé des affaires de corruption impliquant la présidente Dina Boluarte, son frère Nicanor Boluarte et l'actuel ministre de la Justice Juan José Santivanez. Ces attaques ne sont pas des incidents isolés mais s'inscrivent dans une stratégie employée par les détenteurs du pouvoir pour discréditer, harceler et criminaliser les journalistes qui enquêtent sur la corruption au plus haut niveau.

"RSF exprime sa solidarité avec ces journalistes visés pour leur travail d'investigation et exhorte le ministère public à enquêter d'urgence sur les plaintes pour surveillance et harcèlement, et à garantir des conditions sûres pour l'exercice du journalisme indépendant. Ces actions visent à intimider et à réduire au silence ceux qui enquêtent sur les affaires de corruption au sommet de l'État. Nous rappelons aux autorités péruviennes que la surveillance et la criminalisation des journalistes constituent une violation grave de la liberté de la presse et du droit du public à l'information.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Surveillance et menaces

Le 3 septembre, le colonel à la retraite Harvey Colchado, qui a dirigé d'importantes opérations anticorruption avant d'être démis de ses fonctions dans des circonstances controversées, a publiquement dénoncéces entraves. Lors d'une conférence de presse, il a confirmé que des agents des services de renseignement de la police surveillaient des journalistes, en prélude à d'éventuelles attaques. La journaliste Karla Ramirez Camarena, responsable de l'unité d'investigation de l'émission d'information Panoramasur la chaîne Panamericana TV, a été spécifiquement désignée comme cible par le colonel à la retraite. Le 31 août, elle avait elle-même déjà signalédans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux, être victime de menaces d'attaques déguisées en agressions de rue, après avoir révélé des liens de corruptionimpliquant le ministre de la Justice Santivanez, Nicanor Boluarte et des policiers.

Le 10 septembre, le directeur du portail d'information IDL-Reporteros Gustavo Gorriti, qui est un célèbre journaliste d'investigation au Pérou, a fait l'objet de diffamations et de menaces de mortde la part du maire de la capitale, Lima, et candidat à l'élection présidentielle de 2026 Rafael López Aliaga. Le journaliste a révélé l'affaire Lava Jato-Odebrecht, l'une des plus importantes affaires de corruption de la dernière décennie, entre des personnalités politiques et l'entreprise de BTP brésilienne Odebrecht. En 2022, il avait également rapporté que Rafael López Aliaga faisait l'objet d'une enquête pour blanchiment d'argent.

Demandes de levée du secret des communications

Le 4 septembre, un procureur affecté au ministère de la Justice a demandé la levée du secret des communicationspour deux journalistes qui ont révélé des affaires de corruption concernant l'entourage de la présidente. Il s'agit du journaliste du site d'information Latina Noticias Rodrigo Cruz Arana, qui a révélé que la voiture présidentielle avait été utilisée pour la fuite d'un homme politique en cavale et qui a enquêté sur Nicanor Boluarte dans l'affaire dite du "Cofre", sur l'utilisation abusive du véhicule présidentiel. Le journaliste César Prado Malcaest également visé, après avoir enquêté sur les réseaux de corruption liés à l'ancienne procureure générale Patricia Benavides et sur l'infiltration d'organisations criminelles dans le système judiciaire. Le parquet a accepté cette demande, augmentant ainsi le risque que les juges autorisent bientôt l'accès aux communications de ces journalistes, ce qui constituerait une violation directe de la liberté de la presse.

Criminalisation par le biais de plaintes infondées

En juillet 2025, l'actuel ministre de la Justice Juan José Santivanez, qui était alors chef du bureau intergouvernemental de surveillance, a accusétrois journalistes de la chaîne Latina TVde l'avoir "surveillé". Bien que l'affaire ait été initialement classée sans suite faute de preuves, le ministre a fait appel après sa prise de fonction en août et a réussi à faire rouvrir l'enquête en septembre. En conséquence, quatre journalistes de l'équipe de l'émission télévisée Punto Final font désormais l'objet d'une enquête, sont surveillés et victimes de poursuites judiciaires abusives : la présentatrice Mónica Delta, le réalisateur Juan Subauste, le journaliste d'investigation Carlos Hidalgoet le caméraman Jorge Rodríguez.

Le Pérou occupe la 130e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presseétabli par RSF en 2025.

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Publié le30.09.2025
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