11/06/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/06/2025 12:02
Reporters sans frontières (RSF) a organisé, ce mercredi 5 novembre à Paris, un hommage à Antoni Lallican, photojournaliste indépendant français tué le 3 octobre en Ukraine lors d'une attaque ciblée de drone russe. Ses proches, les rédactions avec lesquelles il a travaillé et ses confrères et consœurs se sont rassemblés pour honorer la mémoire d'un photographe qui, inlassablement au fil des années, avait choisi d'aller là où la guerre bouleverse les vies, pour en témoigner avec humanité.
Photojournaliste de 37 ans, Antoni Lallican, a été tuéle 3 octobre à Komychouvakha, commune dans l'est de l'Ukraine, par un drone FPV (First Person View) russe, alors qu'il photographiait des constructions de fortifications destinées à freiner l'invasion russe. Une soirée d'hommage, organisée par RSF à Paris ce 5 novembre, a rassemblé ses proches et ses collègues dans un bar qu'il aimait avec une exposition de ses photos. Dans des témoignages empreints d'émotion, ses collègues de Mediapart, Libération, Le Monde et La Vieont rappelé le travail exigeant et profondément humain d'Antoni Lallican.
"C'est terrible de voir à quel point aujourd'hui il y a un mépris du droit international et de la protection des journalistes. Mourir ne fait pas partie des risques acceptables du métier. Le travail des journalistes, c'est d'être là où on ne veut pas qu'il soit. Ce n'est pas de fuir l'incendie, c'est d'aller vers l'incendie. Antoni a fait un travail qui restera, et nous lui rendons hommage. La justice doit se faire, pour identifier les auteurs de cet assassinat.
"Il avait ce dosage parfait de grande rigueur et de grande humanité"
"C'était quelqu'un d'extrêmement minutieux. Je me souviens par exemple de cet appel, presque un an après un reportage, pour vérifier la légende d'une photo : était-elle prise au huitième ou au neuvième étage de l'immeuble? Il voulait s'assurer d'avoir la bonne information. Ce qui faisait de lui un grand journaliste et un grand photoreporter, c'est qu'il avait ce dosage parfait de grande rigueur et de grande humanité", raconte la journaliste de Mediapart, Justine Brabant, qui avait travaillé avec lui en Ukraine. "Il avait une intelligence dans sa communication", renchérit Emmanuel Grynszpan, journaliste du Monde, avant d'appeler à ce que les enquêtes en courspermettent de trouver les coupables, car "des preuves de ce meurtre existent". Pour la rédactrice en chef adjointe de La Vie, Pascale Tournier : "C'était un photographe des âmes. Face au chaos du monde, il arrivait à trouver une forme d'harmonie." Professionnel, il préparait ses missions avec précautions. "Les photographes ne sont pas des têtes brûlés, être reporter c'est mesurer les risques. Antoni avait cette rigueur", rappelle le directeur du service photo de Libération, Lionel Charrier.
Un photographe engagé
Antoni Lallican avait rejoint le photojournalisme après une reconversion au début de la trentaine. De la France des Gilets jaunes jusqu'à l'Ukraine, en passant par le Haut-Karabakh, partout où il allait, il plaçait l'humain au centre de son objectif. Depuis près de quatre ans, il sillonnait inlassablement l'est du pays bouleversé par l'invasion russe ; il s'y est rendu plus d'une dizaine de fois depuis 2022. Son travail Un été dans le Donbasslui avait d'ailleurs valu d'être sélectionné au prix RSF de la photoen 2024. Témoin lucide, il avait vu les changements de cette guerre, jusqu'à la récente intensification des attaques de drones FPV russes. Dans l'une de leurs dernières conversations avant sa mort, il confiait à sa compagne : "les gens ont peur, personne n'ose sortir dehors. Quelque chose à changé."
Dernier reportage dans le Donbass
Ses dernières notes de reportage en octobre 2025 montraient la détresse des civils dans le Donbass, face à l'avancée de l'armée russe : "Partir en abandonnant tout derrière soi où rester avec le risque d'être tué lors d'une frappe russe. À Droujkivka, la question occupe toutes les discussions, alors que les Russes ne sont plus qu'à une quinzaine de kilomètres de la ville. Face à l'augmentation des bombardements et à la présence de drones au-dessus de la ville, les autorités ukrainiennes ont émis mi-août un ordre d'évacuation concernant les moins de 18 ans. Les mineurs ont jusqu'à la mi-octobre pour quitter la ville."
Antoni Lallican est le quatrième journaliste français tuéen Ukraine depuis le 24 février 2022. Le 3 octobre, jour de l'attaque, il était avec Georgiy Ivanchenko, photographe indépendant ukrainien, grièvement blessé et amputé d'une jambe. Depuis 2022, seize reporters ukrainiens et internationauxsont morts pour avoir couvert l'invasion russe de l'Ukraine, dont troisen octobre 2025.