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09/16/2025 | News release | Distributed by Public on 09/16/2025 04:47

Avis d’Expert : Éric Turquin, le maître-enquêteur de l’art ancien, lève le voile sur un marché en pleine effervescence [16/09/2025]

Depuis plusieurs décennies, Éric Turquin s'impose comme une figure incontournable du marché de l'art ancien. Détective hors pair, il a authentifié des chefs-d'œuvre de Caravage, Fragonard, Cimabue ou Chardin, permettant à ces trésors de rejoindre des collections prestigieuses, dont les collections du Louvre. En exclusivité pour Artprice, Éric Turquin partage son regard unique sur les transformations du marché de l'art ancien, et prodigue ses conseils aux collectionneurs. Plongée au cœur d'un univers fascinant où passion, expertise et indépendance se conjuguent au service de l'art.

Dans cette interview exclusive, Eric Turquin, expert incontournable du marché de l'art ancien, partage son regard sur les évolutions qui redessinent le marché. Il décrypte l'évolution des sujets recherchés, et comment aiguiser votre regard pour bien sélectionner les œuvres d'art ancien. Une plongée dans l'expertise à la française, où passion et rigueur ouvrent la voie à des découvertes exceptionnelles.

Le marché de l'art ancien n'a jamais été figé : il bouge, se transforme. Depuis quelques années, quelles évolutions observe-t-on et comment ces changements redéfinissent-ils le marché ?

Tout d'abord, le marché de l'art ancien traduit des changements concernant les goûts des collectionneurs, qui évoluent au gré des modes. Certaines catégories d'œuvres sont aujourd'hui boudées. Par exemple, les natures mortes flamandes et hollandaises du XVIIe siècle, autrefois recherchées, se vendent beaucoup moins bien. À l'inverse, la peinture baroque connaît un retour en grâce. Les tableaux caravagesques, longtemps jugés trop sombres ou violents, atteignent désormais des prix records. Ce mouvement de redécouverte porte le marché, y compris sur des sujets autrefois invendables.

Mais les mutations sont aussi structurelles. Autrefois, les grands acheteurs français étaient des médecins, avocats ou notaires. Aujourd'hui, ces professions libérales ont disparu du marché, laminées par la fiscalité et les charges. Le phénomène est global : les fortunes se concentrent. Une minorité d'acheteurs extrêmement fortunés fait flamber les prix des chefs-d'œuvre les plus rares, tandis que le marché intermédiaire s'enlise. En revanche, le bas du marché - les objets à moins de 1 000 euros - prospère grâce aux ventes en ligne qui redynamisent le commerce des petites brocantes ou des livres abordables.

Internet a bouleversé la donne à bien des égards

Internet attire des acheteurs nombreux mais souvent peu connaisseurs. Il y a quarante ans, les transactions étaient dominées par les professionnels, et les particuliers restaient minoritaires. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Mais cette désintermédiation a un coût : les marchands, véritables passeurs de savoir, se font plus rares. Or, leur rôle pédagogique était crucial. Ce sont eux qui apprenaient à distinguer un meuble ancien d'une imitation du XIXe, ou la main d'un grand sculpteur d'un tirage affaibli.

La connaissance ne passe pas seulement par le regard, mais aussi par l'expérience directe.

Monsieur Eric Turquin. Courtoisie Cabinet Turquin, Paris

Comparer le poids de deux assiettes en céramique, sentir la différence entre les tirages sur les sculptures en bronze : voilà des apprentissages que l'on ne trouve pas en ligne. Et même en peinture, où le toucher n'est pas recommandé, rien ne remplace le face-à-face avec un galeriste passionné. Je me souviens d'une exposition orchestrée par Michel Poletti et Alain Richarme à la galerie L'Univers du Bronze, où quatre exemplaires d'une même sculpture de Barry étaient présentés côte à côte. Entre une première version énergique, retravaillée par l'artiste, et le dernier tirage, affadi, l'écart sautait aux yeux. En quelques minutes, j'ai appris davantage qu'en des années à l'École du Louvre.

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Ce marché semble aujourd'hui particulièrement actif en France. Quelles sont les évolutions économiques et législatives qui ont permis le développement du marché de l'art ancien ?

En France, le marché de l'art ancien se porte en effet très bien. Il faut dire que nous avons été fortement soutenus, à commencer par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, qui a décidé d'abaisser le taux de TVA à l'importation. Cette mesure favorise l'entrée des objets d'art en France et constitue un signal extrêmement fort pour l'ensemble de la profession.

Et quand je dis la profession, je ne pense pas seulement aux experts ou aux commissaires-priseurs.

Ce soutien concerne aussi les photographes, les transporteurs, les encadreurs, les restaurateurs, les laboratoires d'analyse… tout un écosystème qui participe au dynamisme du marché de l'art et à la vie économique. C'est relativement nouveau en France, car ce marché a longtemps été perçu comme sulfureux, marginal. En réalité, il fait vivre des milliers de personnes.

Au départ, Bruno Le Maire envisageait d'augmenter la TVA à l'importation, jusqu'à 20 %. Puis il a compris les implications et les enjeux. Il a finalement fixé ce taux à 5,5 % pour les objets d'art, soit le plus bas de toute l'Union européenne. C'est une décision extrêmement favorable, qui a été vécue comme un véritable encouragement par l'ensemble de la profession.

Ça, c'est un premier aspect. Le deuxième aspect est beaucoup plus négatif. Le Brexit a été, dans mon domaine, une véritable catastrophe économique. Le marché anglais s'est fortement dégradé et, malheureusement, il n'a pas été remplacé. Londres n'est plus la grande capitale de l'art ancien que j'ai connue. J'y ai commencé ma carrière dans les années 1980, car c'était là qu'il fallait être. J'y suis resté huit ans et c'était alors extraordinaire. Les ventes d'art ancien de juillet attiraient le monde entier : dans les rues de Londres, on entendait parler portugais, espagnol, grec, russe… Tous les grands collectionneurs italiens, espagnols, portugais, français, se retrouvaient là-bas.

Depuis le Brexit, y a-t-il un report de l'activité sur la France ?

Oui, bien sûr, cela profite à la France. Nous en récoltons des retombées, mais il faut bien voir que, de l'autre côté de la Manche, c'est tout un savoir-faire et une expertise qui ont disparu, et qui ne sont peut-être pas remplacés. Surtout, il ne viendrait plus à l'esprit d'un Français de vendre à l'étranger : les ventes se font désormais sur place. Et il se trouve que la France est un grenier extrêmement riche en œuvres d'art.

Lire aussi : France : un Marché de l'Art à suivre [25/03/2025]

Il faut aussi souligner un phénomène essentiel : la circulation de l'information et la médiatisation des ventes grâce à Artprice. Ne vous sous-estimez pas : Artprice joue un rôle majeur dans cette diffusion quasi universelle des informations sur les ventes aux enchères. Aujourd'hui, on peut vendre un tableau à Varsovie, à Stockholm, à Paris ou à New York avec la même visibilité. Bill Gates disait un jour : « Je ferai de la planète un village». Eh bien, il avait raison. Il a gagné : c'est devenu un village. On n'a plus aucune raison de déplacer une œuvre vers la place de marché voisine. Internet permet de vendre sur place, et cela change tout.

C'est la clé de ce que j'appelle une véritable explosion - et non un simple report - du marché français, du moins dans ma spécialité. Je ne me prononce pas sur les autres, mais pour l'art ancien, il y a incontestablement un décollage. Il résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : la circulation de l'information via Internet, la baisse de la TVA à l'importation, certaines dispositions fiscales favorables et, bien sûr, le Brexit.

Avant 1992, la législation française pesait lourd sur les collectionneurs. Quel impact a eu sa réforme sur le marché et la confiance des propriétaires ?

Absolument. Jusqu'en 1992, la France vivait sous une législation spoliatrice qui permettait aux musées de faire des affaires sur le dos des collectionneurs. On appelait cela le "droit de rétention". Concrètement, lorsqu'un tableau était exporté, les musées avaient le droit de le saisir au prix d'exportation, c'est-à-dire au prix déclaré. Imaginez, dans le cas d'une succession ou d'une expertise trop prudente : les musées pouvaient rafler des œuvres majeures à des prix dérisoires.

Plus grave encore : ils pouvaient interdire la sortie d'un objet du territoire, sans aucune compensation pour son propriétaire. C'était une spoliation pure et simple. Un exemple parlant est celui du duc d'Harcourt : lorsqu'il a voulu vendre deux tableaux de Fragonard, il a été contraint d'en céder un au Louvre. Voilà le climat qui régnait.

Henri MARTIN (Toulouse, 1860 - Labastide-du Vert, 1943)

Portrait d'Adeline Martin, la soeur de l'artiste

Toile et châssis d'origine.Hauteur : 81 cm Largeur : 65 cm

Signé, dédicacé et daté en haut à gauche 'A ma chère soeur Adeline / Henri Martin / 87'

Provenance :

Offert directement par l'artiste à sa soeur Adeline Martin Dupech

Par descendance, collection de Jean Dupech, Carcassonne en 1935

Collection Particulière

Estimation: 60.000/80.000€

Avec la création du grand marché européen en 1992, et une réflexion nouvelle sur la relation entre l'État et ses citoyens-collectionneurs, une réforme a vu le jour : la législation sur les Trésors nationaux. C'est une excellente loi - peut-être encore perfectible - mais elle a eu un mérite immense : elle a rendu confiance aux propriétaires d'objets d'art. Le conservateur de musée n'était plus perçu comme un prédateur potentiel, mais comme un interlocuteur bienveillant, parfois même un allié. Cela a complètement changé les rapports entre collectionneurs, État et experts.

Avant, certains propriétaires redoutaient de montrer leurs tableaux : « Pour être heureux, vivons cachés ». C'était catastrophique. Quand je travaillais à Londres dans les années 1980, nombre d'œuvres arrivaient du continent, de France notamment, via la Suisse ou le Luxembourg, alors paradis fiscaux. Cette fuite était une des raisons pour lesquelles j'ai choisi de m'installer en France. En tant que Français, je trouvais insupportable cette absence de stratégie, qui ne faisait qu'encourager la fraude. Mon pari était que la législation finirait par changer, et avec elle les mentalités. C'est exactement ce qui s'est produit.

Une législation plus équilibrée a clairement dynamisé le marché des enchères : les ventes d'art ancien ont considérablement accéléré en France, avec près de 100 000 œuvres adjugées dans l'Hexagone en 2024.

Dans cette abondance d'œuvres, comment un collectionneur débutant peut-il s'y retrouver et se former tout en évitant les pièges du marché ?

Au départ, il est sage de se tourner vers un bon marchand ou un spécialiste reconnu. En art contemporain, les meilleurs collectionneurs ont un advisor. De la même façon que ceux qui entreprennent de grands travaux font appel à un architecte, le novice en art ancien gagne énormément à s'entourer d'un professionnel.

Le rôle du marchand n'est pas seulement de vous faire gagner du temps : il agit comme un véritable tamis, sélectionnant les objets les plus pertinents et offrant une vision d'ensemble, celle d'un expert. Les nouveaux acheteurs feraient bien, lorsqu'un objet les intrigue, de ne pas se limiter à une simple recherche sur un site internet, mais de prendre contact, de poser des questions, d'échanger.

L'art ancien est une spécialité exigeante. Il requiert un minimum de culture historique, une connaissance du marché, et surtout une curiosité active. Les pièges sont nombreux, mais l'effort en vaut la peine : dans une fourchette de 1 000 à 10 000 dollars, il est tout à fait possible de mettre la main sur un tableau digne d'un musée. Il suffit de chercher, d'apprendre, de s'impliquer et de dialoguer avec les professionnels. C'est là que la magie opère : entre patience et guidance experte, un acheteur peut accéder à des trésors.

Parmi les récents trésors expertisés par le Cabinet Turquin bientôt en salles des ventes :
Le Banquet des Lapithesde Laurent de La Hyre, en vente le 15 novembre 2025 chez HDV DE LA MADELEINE, Orléans

Estimation : 500 000 - 700 000 €

David et Goliath de Guido Reni,en vente le 25 novembre 2025 chez Artcurial, Paris

Estimation : 2 000 000 - 4 000 000 €

Guido RENI (1575-1642)

David contemplant la tête de Goliath, XVIIe siècle

Huile sur toile, 227 × 145,5 cm

La révélation de la toile redécouverte chez l'expert Éric Turquin à Paris le 5 juin 2025.

Elle sera vendue en novembre chez Artcurial. Le tableau est estimé entre 2 et 4 millions d'euros.

En savoir plus :
Voir la méthode et les belles découvertes du Cabinet Turquin

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