10/02/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/02/2025 09:54
L'Allemagne doit reconnaître pleinement sa responsabilité juridique dans le génocide et les autres crimes coloniaux qu'elle a commis en Namibie et accorder des réparations aux descendants des victimes, a déclaré Amnesty International le 2 octobre 2025, à l'occasion de l'anniversaire de l'un des « ordres d'extermination » donnés dans le cadre du génocide colonial perpétré par l'Allemagne contre les peuples autochtones Ovahereros et Namas. Plus d'un siècle après les proclamations allemandes d'extermination, les descendants de ces peuples continuent d'en subir les conséquences.
En outre, les gouvernements allemand et namibien doivent garantir la participation pleine, effective et constructive des peuples Ovahereros et Namas à tout processus ou mécanisme de réparation visant à remédier aux violations des droits humains commises par le passé et à l'héritage durable de l'époque coloniale allemande.
Le gouvernement allemand ne reconnaît pas son obligation légale d'accorder des réparations aux peuples Ovahereros et Namas. Or, en vertu du droit international, les États ayant perpétré des crimes coloniaux et d'autres violations sont tenus d'accorder des réparations pleines, rapides et adéquates, notamment sous forme de restitution, d'indemnisation, de réhabilitation, de satisfaction et de garanties de non-répétition.
En 2021, dans une déclaration conjointe des gouvernements namibien et allemand, les autorités allemandes acceptaient de verser au gouvernement namibien environ 1,1 milliard d'euros sur une période de 30 ans en vue de financer des « programmes de reconstruction et de développement ». Cependant, l'aide au développement ne saurait se substituer à des réparations pleines et effectives. Lorsque l'ancienne puissance coloniale fixe les conditions de l'aide fournie à l'ancienne colonie, l'aide au développement risque de renforcer et de perpétuer les héritages coloniaux et les hiérarchies de pouvoir, au lieu de les briser.
Il est honteux que plus d'un siècle après le génocide perpétré par les forces coloniales allemandes contre les Namas et les Ovahereros, l'Allemagne n'ait pas mené de véritable consultation avec ces peuples ni accordé des réparations.
Tigere Chagutah, directeur régional pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe à Amnesty InternationalPar ailleurs, les négociations entre les deux gouvernements ayant abouti à la déclaration étaient biaisées, puisqu'elles n'incluaient pas de réelle participation des représentants des peuples Ovahereros et Namas.
« Il est honteux que plus d'un siècle après le génocide perpétré par les forces coloniales allemandes contre les Namas et les Ovahereros, l'Allemagne n'ait pas mené de véritable consultation avec ces peuples ni accordé des réparations, a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe à Amnesty International. Il n'y aura pas de véritable justice tant que les personnes concernées seront exclues des discussions. Les victimes et les populations touchées doivent être au cœur de tout processus visant à réparer l'héritage colonial. »
Par ailleurs, la Namibie a manqué à ses obligations envers les Ovahereros et les Namas, car elle n'a pas garanti la participation réelle et constructive de leurs représentants lors des discussions avec l'Allemagne.
Les organes de suivi des traités et les rapporteurs spéciaux des Nations unies critiquent l'absence de participation des populations concernées à la conception de la déclaration, affirmant que « les Ovahereros et les Namas eux-mêmes doivent pouvoir élaborer le processus de réparation ».
Le premier génocide du XXe siècle
Dans ce qui est aujourd'hui reconnu par les experts comme le premier génocide du XXe siècle, les troupes coloniales allemandes ont systématiquement exécuté et affamé des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants Ovahereros et Namas entre 1904 et 1908.
On estime que 80 % de la population Ovaherero et 50 % de la population Nama ont été tués au cours de cette période.
Ceux qui ont survécu aux massacres ont été capturés par les troupes allemandes et placés en détention dans des konzentrationslager (« camps de concentration » en allemand) installés par les autorités coloniales à travers la Namibie. Des milliers de prisonniers sont morts des suites de la malnutrition, des maladies et de l'épuisement causés par les conditions inhumaines, la torture et le travail forcé auxquels ils étaient soumis. Les femmes et les filles étaient systématiquement violées et soumises à d'autres formes de violence sexuelle. Les crânes des prisonniers morts dans les camps ont été expédiés dans des universités et des musées allemands pour des recherches pseudo-scientifiques racistes, et beaucoup se trouvent aujourd'hui encore en Allemagne.
Subir les conséquences du génocide
La dépossession des terres ancestrales et la perte du patrimoine culturel dues au génocide causent des dommages irréparables et des souffrances transgénérationnelles aux descendants des Namas et des Ovahereros.
« Aujourd'hui, les Ovahereros et les Namas sont une minorité en Namibie. Notre faible nombre est la conséquence vivante du génocide, et cette réalité continue de nous hanter. Elle nous rend vulnérables d'un point de vue politique, nous laissant peu de chances de façonner la direction du pays par les urnes. D'où l'indifférence du gouvernement namibien à l'égard de nos revendications quant à la participation aux négociations qui nous concernent », a déclaré Jephta Nguherimo, militant namibien et fondateur de l'OvaHerero People's Memorial & Reconstruction Foundation (Fondation pour la mémoire et la reconstruction du peuple OvaHerero).
Plus de 100 ans après la spoliation de leurs terres, les Ovahereros et les Namas n'ont toujours pas accès à certaines de leurs terres ancestrales et à certains sites du patrimoine culturel.
Aujourd'hui, les Ovahereros et les Namas sont une minorité en Namibie. Notre faible nombre est la conséquence vivante du génocide, et cette réalité continue de nous hanter. Elle nous rend vulnérables d'un point de vue politique, nous laissant peu de chances de façonner la direction du pays par les urnes.
Jephta Nguherimo, militant namibien« Il est inadmissible que les descendants des victimes aient besoin d'une autorisation pour se rendre sur leurs terres ancestrales afin d'organiser des commémorations et de rendre hommage à leurs ancêtres, a déclaré Tigere Chagutah. Comme si cette dépossession coloniale ne suffisait pas, les peuples autochtones de Namibie sont aujourd'hui confrontés à de nouvelles formes de spoliation, du fait de l'extraction des ressources naturelles et de la transition vers les énergies renouvelables. »
Les peuples Ovahereros et Namas réclament la restitution des dépouilles de leurs ancêtres tués pendant le génocide et des objets anciens volés toujours conservés dans des musées et universités en Allemagne.
Ils demandent également la préservation des lieux de sépulture de leurs ancêtres morts dans les camps de concentration et de travail forcé.
« Nous, les Namas Gaogus, continuerons de lutter pour une justice réparatrice ; comme l'a si bien dit notre ancien président de l'Association des chefs traditionnels Namas (NTLA), Gaob PSM Kooper : » Mourons en combattant » », a déclaré la NTLA.
Complément d'information
Le 2 octobre 1904, le général Lothar von Trotha, commandant des forces impériales allemandes, publia une proclamation appelant à exterminer le peuple Ovaherero. Quelques mois plus tard, le 22 avril 1905, ce même général publia une proclamation appelant à exterminer le peuple Nama.
On estime que plus de 75 000 Ovahereros et Namas ont été tués entre 1904 et 1908, aux côtés de milliers d'autres membres de peuples autochtones, notamment parmi les Sans et les Damaras.
En 2023, des représentants de l'Autorité traditionnelle Ovaherero, de l'Association des chefs traditionnels Namas (NTLA) et du Mouvement des peuples sans terre ont déposé une plainte auprès de la Haute Cour de Namibie, demandant que la déclaration conjointe des gouvernements namibien et allemand soit déclarée illégale, au motif que cet accord viole la Constitution namibienne et le droit international.
Le projet de construction d'un grand programme d'énergies renouvelables par une coentreprise britannico-allemande sur les terres ancestrales des Namas, dans le parc national de Tsau/Khaeb, est contesté par l'Association des chefs traditionnels Namas, qui l'accuse de perpétuer des pratiques coloniales de spoliation des terres. Dans une communication adressée au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, la NTLA et ses partenaires de la société civile font valoir que le peuple Nama n'a pas été dûment consulté sur le développement du projet, ce qui constitue une violation de ses droits en tant que peuple autochtone à l'autodétermination et au consentement libre, préalable et éclairé.
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