RSF - Reporters sans frontières

12/22/2025 | Press release | Archived content

Pérou : RSF s'inquiète de l'inaction des autorités après deux tentatives d'assassinat de journalistes en décembre

Reporters sans frontières (RSF) s'inquiète de l'absence de réaction publique des autorités péruviennes face à la recrudescence des violences contre les journalistes en 2025. Au cours du seul mois de décembre, le journaliste Juan Fernando Núñez Guevara a été assassiné et deux autres professionnels des médias ont été victimes de tentatives d'assassinat : Mitzar Castillejos Tenazoa, qui reste dans un état critique, et Anthony Rumiche Rodríguez, dont le véhicule a été criblé de 20 balles devant son domicile. Cette année, trois journalistes ont été assassinés au Pérou, dont un sous le gouvernement intérimaire actuel.

Le 19 décembre, le véhicule du journaliste Anthony Rumiche Rodríguez, de la chaîne de télévision Prensa Callao TV, a été pris pour ciblepar une vingtaine de coups de feu devant son domicile à Callao, une région voisine de la métropole de Lima, quelques heures après qu'il eut couvert une conférence de presse du gouvernement régional et contesté les restrictions imposées à l'exercice du journalisme d'investigation. Il n'a pas été blessé, selon les informations recueillies par RSF. Le journaliste a publié plusieurs articles sur des allégations de corruption au sein du gouvernement régional, dont le gouverneur, Ciro Castillo, a été qualifié de "fugitif" par la presse et fait l'objet d'une enquête pour crime organisé et collusion aggravée.

Quelques jours plus tôt, le 12 décembre, Mitzar Castillejos Tenazoa, présentateur sur Radio Latin Plus 107.7 FM et rédacteur en chef du site d'information Bato a Informarte Noticias, a été victime d'une fusilladeà Aguaytía, dans la région amazonienne d'Ucayali, alors qu'il se rendait au studio d'enregistrement de son émission. Il est toujours dans un état critique. Le 6 décembre, Juan Fernando Núñez Guevara, directeur du média numérique Kamila TVet représentant local de l'Association nationale des journalistes du Pérou (ANP), a été assassiné pardes hommes armés circulant à moto dans la province de Pacasmayo, dans le nord du pays.

Malgré la gravité de ces attaques et leur succession rapide, RSF n'a constaté aucune déclaration publique de haut niveau en défense du journalisme, ni aucune information vérifiable sur des avancées substantielles dans les enquêtes susceptibles de dissuader de nouvelles attaques. Ce silence et cette absence de résultats alimentent un climat d'impunité qui touche particulièrement le journalisme régional et d'investigation. Contactées par RSF, les autorités n'ont pas répondu.

"Après un meurtre et deux tentatives de meurtre de journalistes en quelques semaines seulement, l'absence de réponse publique claire et de progrès vérifiables dans les enquêtes envoie un message extrêmement dangereux. L'inaction alimente l'impunité et laisse la presse régionale - le secteur qui enquête le plus et qui est le plus exposé - à la merci de ceux qui cherchent à la réduire au silence.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Crise institutionnelle et propagation de la violence

Le Pérou traverse une crise politique et institutionnelle persistante depuis décembre 2022. Au cours de cette période, le Congrès a approuvé et promu des réformes juridiques affectant directement les enquêtes criminelles et les poursuites liées aux crimes complexes. Ces mesures comprennent notamment des changements réduisant les délais de prescription, restreignant la collaboration effective, modifiant la définition juridique du crime organisé - en excluant certaines économies illicites comme l'exploitation minière illégale - et durcissant les conditions des actes d'enquête, tels que les perquisitions et les saisies, désormais soumises à la présence obligatoire des avocats de la défense. Elles affaiblissent également les mécanismes de recouvrement des avoirs d'origine illicite (confiscation d'avoirs). Le régime autoritaire a également promulgué des règles qui empêchent l'enquête sur certains acteurs ou certaines structures, sapant ainsi les efforts de lutte contre la corruption et le crime organisé.

Dans le même temps, la reddition des comptes publics s'est gravement dégradée depuis 2022. Après l'arrivée du président par intérim en septembre 2025, aucune conférence de presse présidentielle n'a été organisée et seules trois interviews avec des médias pro-gouvernementaux ont été enregistrées, selon les observations locales.

Recommandations de RSF :

Face à cette situation, RSF appelle les autorités péruviennes à réagir de manière proportionnée à la gravité de ces événements, en prenant des mesures immédiates et vérifiables :

  • Responsabilité publique :publier une déclaration officielle de haut niveau en défense du journalisme, accompagnée de mises à jour vérifiables sur l'avancement des enquêtes.

  • Renforcement du mécanisme de protection : améliorer l'efficacité et la coordination du mécanisme de protection des journalistes, affaibli par une réduction budgétaire progressive depuis 2022 et par un manque d'articulation institutionnelle.

  • Lutte contre l'impunité : donner la priorité au lien avec le journalisme et veiller à identifier et sanctionner non seulement les auteurs, mais aussi les commanditaires des attaques.

Le Pérou se classe 130e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2025 de RSF, après avoir occupé la 125e place en 2024.

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Publié le22.12.2025
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