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01/20/2025 | Press release | Distributed by Public on 01/20/2025 05:09

Inondations : enjeux et solutions

En France, l'inondation est le premier risque dit « naturel » par le nombre de personnes exposées (18,5 millions pour les inondations par débordement de cours d'eau et/ou submersion marine) et l'importance des dommages qu'il provoque (53 % des indemnisations accordées depuis 1982 par le régime des catastrophes naturelles, soit 7,3 milliards d'euros), en métropole et en outre-mer. Au total, on estime qu'environ 85 % des communes françaises ont au moins un concitoyen résident en zone inondable (Source chiffres : Rapport du Sénat 2024).

Afin de mieux appréhender ce risque, et ne pas agir dans l'émotion de la crise, il est important de bien connaître les inondations et la façon dont ce phénomène va être impacté par le changement climatique. Mieux les connaître, c'est aussi mieux les comprendre, mieux les anticiper, mieux réagir quand elles surviennent, en somme, mieux s'adapter.

Les info clés

  • Il existe plusieurs types d'inondations, elles peuvent avoir des causes multiples et parfois se cumuler ; de fait, des solutions variées peuvent être mises en place pour atténuer le risque, qui doivent être adaptées à la situation.

  • L'impact du changement climatique sur ces phénomènes doit être intégré à leur gestion et anticipé.

  • Les solutions fondées sur la nature permettent de réduire le risque d'inondations, avec des bénéfices pour le milieu naturel ; à ce titre, la prévention des inondations et la gestion des milieux aquatiques doivent être pensées de concert.

  • Il est nécessaire aujourd'hui d'apprendre à vivre avec les inondations et d'ancrer la culture du risque.

Actualités

Depuis le 25 novembre 2024 et jusqu'au mois de mai 2025, les Agences de l'eau demandent leur avis à la population des grands bassins hydrographiques sur les enjeux de l'eau et les risques d'inondations. En effet, dans le cadre de la révision des PGRI(plan de gestion des risques inondations) et des SDAGE(schéma d'aménagement et de gestion des eaux) une consultation est menée pour s'exprimer sur le sujet et orienter les futures grandes orientations de ces politiques. N'hésitez pas à vous exprimer sur les sites dédiés : Seine Normandie, Artois-Picardie, Rhin Meuse, Loire-Bretagne, RMC, Adour-Garonne.

Inondations : de quoi parle-t-on ?

Selon le code de l'environnement, une inondation est « une submersion temporaire par de l'eau de terres émergées, quelle qu'en soit l'origine, à l'exclusion des inondations dues aux réseaux de collectes des eaux usées, y compris les réseaux unitaires. Sur le littoral, l'inondation par submersion marine s'étend au-delà des limites du rivage de la mer (…) » (article L. 566-1). Une inondation peut donc être la conséquence de plusieurs évènements, qui parfois se combinent, menant à ce qu'une terre habituellement au sec soit recouverte d'eau. On parle de risque inondation quand ce phénomène d'excès d'eau, à l'origine naturel, impacte les activités et vies humaines : « Le risque d'inondation est la combinaison de la probabilité de survenue d'une inondation et de ses conséquences négatives potentielles pour la santé humaine, l'environnement, les biens, dont le patrimoine culturel, et l'activité économique ».

Source schéma : OIEAU

Les différents types d'inondations

Une inondation a pour origine un phénomène naturel, dont l'ampleur peut être amplifié par les activités humaines (artificialisation, endiguement, changements climatiques…), qui peut avoir plusieurs origines. Les différents types d'inondations ne sont pas forcément indépendants les uns des autres : un même territoire peut être touché en même temps par plusieurs types d'inondations qui se cumulent et se renforcent.

La crue ou le débordement de cours d'eau

Une crue est un « phénomène caractérisé par une montée plus ou moins brutale du niveau d'un cours d'eau, liée à une croissance du débit » (EauFrance). Souvent, la crue amène à ce que le cours d'eau déborde de son lit mineur et l'eau envahit le lit majeur. On peut alors parler d'inondation. C'est généralement un phénomène météorologique (par exemple, de fortes pluies) qui en est à l'origine.

Quelle est la différence entre une crue et une inondation ? Souvent associés ou confondus, les deux termes sont en réalité distincts : une inondation est la résultante d'une crue quand cette dernière déborde du lit mineur, ce sont les aléas, et il y a risque inondation quand cela impacte des activités ou aménagements.

Source schéma : OIEAU

Les crues ont normalement lieu tous les ans mais elles peuvent être plus ou moins importantes, les niveaux d'eau montant plus ou moins haut. À ce titre, les crues sont souvent caractérisées en fonction de leur puissance par leur période de récurrence ou période de retour. Cette période est une moyenne à long terme du nombre d'années séparant deux évènements de grandeur équivalente. Les fortes crues, centennales (100 ans), one une chance sur 100 de se produire chaque année. Une crue dite décennale (10 ans) est une crue moyenne à forte, qui une probabilité sur 10 de se produire. Mais alors une crue centennale… a lieu tous les cent ans ? Et non ! Il s'agit de probabilité, pas de délai fixe, et la récurrence des évènements n'est pas forcément régulière ; deux « crues du siècle » peuvent ainsi se succéder à quelques années d'intervalle. En 25 ans, une crue centennale à une chance sur 4 de se produire. Le risque d'en connaître une au cours d'une vie est donc élevé.

Source schéma : Eau France

Le ruissellement

Quand l'eau de pluie ne s'infiltre pas dans le sol ni ne s'évapore, elle ruisselle, c'est-à-dire qu'elle va s'écouler sur le sol, sur un bassin versant, jusqu'à ce qu'elle rencontre un élément du système hydrographique (une rivière, un marais…), un réseau de drainage ou un point bas où elle s'accumulera. Le ruissellement peut ainsi venir accentuer une inondation liée à une crue mais aussi être à l'origine d'une inondation éloignée de tout cours d'eau.

Dans ce cas, l'eau qui ruisselle rencontre des sols ne permettant pas l'infiltration. Avec des fortes pluies et des terrains en pente, elle va alors s'accumuler dans une zone plus basse, sans évacuation rapide, où des habitations sont présentes, en dehors de toute connexion avec le réseau hydrographique. Les inondations en ville sont ainsi souvent liées à un débordement des collecteurs d'eaux pluviales, dont les capacités sont dépassées. Sur les terres agricoles, le ruissellement s'accompagne de l'érosion des sols et peut provoquer des coulées de boue.

Source schéma : Eau France

La remontée de nappe

L'eau est présente en surface mais aussi sous terre. Et les eaux souterraines peuvent également représenter un risque inondation. Une nappe phréatique représente l'eau contenue dans les interstices du sol, des roches non-imperméables. On parle d'aquifère pour désigner la partie du sol ayant la capacité à contenir de l'eau (roches poreuses, comme le sable, ou fissurées, comme le calcaire) : l'eau s'y accumule, comblant les interstices, et occupe ainsi tout ou partie de l'aquifère (zone saturée). Quand l'aquifère est complètement remplie d'eau, et qu'elle se situe dans les premières couches géologiques sous le sol, l'eau ne peut plus y entrer et la nappe déborde en surface. Le sol n'est plus en capacité d'accueillir et de capter le surplus d'eau. C'est l'inondation.

Source schéma : Eau France

Les submersions marines

Sur le littoral, on retrouve ces inondations spécifiques. Des vagues importantes, généralement liées à des tempêtes (la chute de la pression atmosphérique augmentant temporairement le niveau de la mer), des vents forts et des grandes marées, entrent dans les terres.

Source schéma : Eau France

L'impact des inondations

Quand l'inondation survient et qu'elle rencontre des activités humaines, elle peut entrainer des conséquences dramatiques.

  • Des vies humaines sont en jeu. Pour l'être humain, on considère que des hauteurs d'eau supérieures à 50 cm sont dangereuses. De la même manière, quand la vitesse du courant dépasse 0,5 m/s, on peut être emporté ou blessé par des objets charriés à vive allure. Quand les inondations ne sont pas anticipées, notamment quand elles interviennent rapidement et que la population ne peut pas être évacuée à temps, les risques sont ainsi importants.

  • La présence d'eau, la puissance du courant mais aussi des éléments charriés par l'eau, qu'ils soient naturels (arbres, sédiments) ou non, font également des dégâts matériels. Les voitures commencent à flotter à partir de 30cm d'eau. Les bâtiments et habitations sont impactés, mais aussi les industries (ce qui induit des risques d'accident), les infrastructures de transport (routes, ponts…) ou encore les réseaux d'eau potable et d'assainissement. Les barrages et les digues peuvent également rompre, avec un risque de sur-accident et d'amplification de l'inondation. Sur les berges et en terres agricoles, les ruissellements et débordements participent également à l'érosion des sols et à leur appauvrissement.

  • Les milieux et la biodiversité peuvent eux aussi être impactés, emportés et détériorés par des inondations violentes. S'ils ont une capacité de résilience, ils peuvent en revanche être durablement impactés par la dégradation de la qualité de l'eau, tout comme les humains. En effet, les inondations puis le retrait de l'eau peuvent prendre avec eux des substances dangereuses. Après un passage sur des terres agricoles, les engrais et pesticides sont également emportés ; en milieu urbain, ce sont plutôt les hydrocarbures ou les métaux lourds qui peuvent être concernés.

  • Parlons santé mentale : les inondations ont des impacts psychologiques non-négligeables, qui peuvent perdurer bien longtemps après le retrait de l'eau. La peur et les pertes engendrent des traumatismes, certains sinistrés se mettent à souffrir de symptômes anxieux et dépressifs.

La nécessité des crues

Si les inondations peuvent être dramatiques, cela ne doit pas amener à oublier que les crues sont, elles, des phénomènes naturels nécessaires au bon fonctionnement des milieux aquatiques. Certaines espèces en dépendent : le brochet par exemple, dont les zones de frayères sont situées dans les bras secondaires ou les prairies inondées qui doivent être maintenues en eau peu profonde au moins 40 jours ; la migration de certains poissons, comme les saumons ou les anguilles, est déclenchée par le signal des crues. Enfin, généralement, les milieux humides liés à des débordements réguliers sont riches en biodiversité. Les crues et débits importants en hiver permettent également de décolmater les cours d'eau, de déplacer les bouchons vaseux des estuaires plus au large, d'apporter de l'eau douce aux coquillages… En zones inondables, l'eau et les limons viennent enrichir les sols agricoles, les nappes phréatiques se rechargent.

Pour aller plus loin, voir le dossier thématique Crue et biodiversité de l'ARB Centre-Val de Loire

Des causes naturelles et anthropiques

Si les inondations ont des causes naturelles, nos activités humaines viennent les aggraver, que ce soit par l'impact du changement climatique ou par l'aménagement du territoire.

Des conditions météorologiques et topographiques

Des évènements naturels sont à l'origine des inondations (Voir « les différents types d'inondations »). Des fortes pluies, des orages ou des tempêtes amènent un excès d'eau qui se répercute en fonction de la topographie du territoire.

Le relief du territoire va jouer sur l'impact de fortes pluies sur la rapidité des inondations.

  • Les crues lentes, quand le temps de la montée est supérieur à 12h, se produisent sur des grands bassins versants, en zone de plaine. Les pluies qui tombent durablement sur ce vaste territoire ruissellent vers les différents cours d'eau qui se déversent progressivement dans les rivières, puis les fleuves principaux. La fonte des manteaux neigeux et les nappes phréatiques peuvent également alimenter ces écoulements. Cela peut représenter des quantités et hauteurs d'eau importantes mais la montée se fait progressivement, de l'amont vers l'aval. L'inondation peut également durer longtemps. La zone inondée peut ainsi se situer à un endroit plus éloigné des pluies, résultant de la concentration de l'eau tombée sur les têtes de bassin.

  • Sur des petits bassins versants, des pluies courtes et denses, sur des petits bassins versants, peuvent entraîner des crues rapides voire éclaires (moins de quelques heures). Cela est particulièrement vrai en zone de montage, avec les fortes pentes. On parle alors de crue torrentielle. Les cours d'eau de montagne, torrents et rivières torrentielles, se caractérisant par un fort transport solide, les crues rapides résultent également souvent du contournement ou de la rupture d'un barrage naturel constitué des embâcles qui s'étaient accumulées à un certain endroit.

Certaines régions de France sont plus sujettes à de fortes précipitations également. On peut penser aux territoires d'Outre-Mer qui connaissent des saisons des pluies et des cyclones. Des précipitations de 250mm en un jour se produisent en moyenne au moins une fois tous les deux à dix ans aux Antilles. L'arrière-pays méditerranéen connaît également ce qui est parfois appelés des épisodes « cévenoles » : des flux d'air chaud, chargés d'humidité et remontant de la Méditerranée, provoquent de violents orages du littoral au relief. Ces précipitations intenses peuvent apporter plus de 200 mm d'eau en une journée.

L'aggravation des phénomènes extrêmes par le changement climatique

Le changement climatique va accentuer les extrêmes météorologiques et notamment les épisodes de fortes précipitations. En effet, selon la loi de Clausius-Clapeyron, + 1°C dans l'atmosphère, c'est + 7 % d'humidité dans l'air. L'air peut donc contenir plus d'eau et doit en contenir plus pour arriver à saturation : les pluies sont plus importantes et séquencées. Selon le GIEC, un évènement de fortes précipitations aura en moyenne 2,7 fois plus de chance de se produire si le climat se réchauffe de + 4°C (les prévisions pour les cyclones et les tempêtes sont plus incertaines). En France, le Haut Conseil pour le Climat indique une intensification des précipitations extrêmes, même si, en cumul, les précipitations en période estivale pourront diminuer dans le Sud (on estime au contraire une augmentation des précipitations en hiver dans le Nord). De plus, pour la période estivale, si on cumule avec la hausse des températures (et donc de l'évapotranspiration), on peut craindre que des fortes pluies surviennent sur des sols asséchés, sur lesquels une pluie orageuse ruisselle et ne s'infiltre pas. Le projet Explore 2 est venu creuser ces perspectives et notamment l'évolution des pluies et des crues avec le changement climatique. Pour ces dernières, la médiane des projections suggère une évolution marquée des débits de crue mais avec des incertitudes, les résultats n'étant pas toujours convergents selon les modèles climatiques.

L'aménagement et l'artificialisation des sols

Si la pluie est naturelle, même lorsqu'elle subit l'influence du réchauffement climatique, le fait qu'elle génère de telles inondations et de tels dégâts est dû pour l'essentiel à notre façon d'aménager le territoire.

Les activités humaines ont profondément perturbé le cycle de l'eau et le fonctionnement des systèmes aquatiques. Les cours d'eau ont été recalibrés : au lieu de former des méandres, qui ralentissent l'écoulement de l'eau et entre lesquels le cours d'eau en crue déborde, ils sont désormais rectilignes, et des aménagements ont été réalisés dans leur lit majeur (cultures, habitations…). Alors même que certains travaux ont été menés dans l'objectif de lutter contre les inondations, ils ont globalement eu l'effet inverse. La suppression des méandres, des champs d'expansion de crue, de la ripisylve (végétation des berges) et l'endiguement des berges accélèrent l'écoulement des eaux et augmentent ainsi les risques de débordement en aval. Le blocage des sédiments par les barrages entraîne un déficit sédimentaire qui amplifie l'érosion en aval et rend les ouvrages (ponts, digues) plus vulnérables.

Puisque le risque inondation résulte de la conjoncture entre l'aléa et l'enjeu, construire en zone inondable, là où naturellement le cours d'eau déborde, fait aussi naître le risque.

Les zones humides ont également été détruites ces dernières décennies, drainées pour permettre l'implantation de cultures agricoles ou l'aménagement urbain. Pourtant, de nombreuses zones humides jouent un rôle dans le cycle de l'eau : éponges naturelles, elles stockent l'eau en surplus, et réduisent ainsi le risque inondations.

En résumé, certes le cours d'eau prend moins de place mais endigué dans un lit qui n'est pas naturel, tel un tuyau, les excès d'eau débordent et impactent les aménagements construits à proximité.

Enfin, l'artificialisation au sens large est un facteur aggravant du risque inondation, accentuant le ruissellement. L'urbanisation a conduit à imperméabiliser et bétonner de grandes surfaces et à canaliser les écoulements dans les rues. Les logements, bâtiments publics, entreprises, industries, entrepôts logistiques, infrastructures routières… sont imperméables et limitent l'infiltration dans le sol. Les surfaces imperméables continuent de s'étendre et de coloniser des espaces agricoles et forestiers. Certaines pratiques agricoles entraînent quant à elles le retournement des prairies et le tassement des sols et accélèrent ainsi également le ruissellement.

Pour aller plus loin, voir notre dossier sur l'artificialisation des terres

Inondations : comment les réduire ?

Au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, l'aménagement du territoire est le meilleur moyen de réduire le risque inondation. En effet, pour réduire le risque, on peut agir sur l'aléa pour en diminuer l'importance, en particulier pour les inondations résultant des crues et du ruissellement.

Repenser l'aménagement du territoire avec les Solutions Fondées sur la Nature

Les Solutions Fondées sur la Nature (SFN), aussi appelées « solutions sans regret », sont efficaces et peu coûteuses. Cela consiste à redonner aux cours d'eau et aux milieux humides leur fonctionnement naturel et à stopper l'artificialisation des zones encore naturelles, pour éviter de développer des activités humaines dans des zones à risque. Quelques exemples :

  • Dans les espaces déjà urbanisés, il est possible de désimperméabiliser, de permettre l'infiltration de l'eau à la parcelle, de créer des jardins de pluies, de préserver des espaces naturels en ville etc.

  • Dans les zones où cela est possible, ou rendu possible, la restauration des champs d'expansion de crue est indispensable pour redonner de la place à la rivière, sans impacter des activités humaines incompatibles (comme des logements ou des activités industrielles, alors que l'élevage extensif ou des espaces récréatifs le sont).

  • Préserver les zones humides existantes et restaurer celles dont les fonctionnalités ont été détériorées permet également de se prémunir contre les inondations.

  • Planter des arbres et des haies, en ville comme à la campagne, favorise également l'infiltration de l'eau dans le sol et limite le ruissellement.

  • Des sols vivants, riches en matière organique, travaillés superficiellement, permettent également une meilleure infiltration de l'eau et luttent contre l'érosion.

Les zones de montagne et littorales ont leurs particularités à ce sujet. Dans la réduction des crues torrentielles, la correction active passe par exemple par la limitation de l'érosion en reboisant et revégétalisant les versants (ce qui intercepte et ralentit les gouttes de pluie et facilite leur infiltration). En bord de mer également, la végétalisation des dunes permet de lutter contre l'érosion côtière.

Pour aller plus loin, voir notre fiche : Lutter contre les inondations : que peut faire ma commune ?

Le curage des cours d'eau : la fausse bonne idée

On entend souvent qu'entretenir les fossés et curer les cours d'eau est indispensable pour lutter contre les inondations. Le « manque d'entretien » des rivières et la suppression des barrages seraient les responsables des dégâts causés par les inondations. C'est faux, comme le montrent des exemples récents après les inondations de Valence et du Pas-de-Calais.

Les opérations visant à rendre les cours d'eau plus rectilignes ou encore le curage accélèrent l'écoulement de l'eau de la rivière, augmentent son volume capacitaire et rendent au contraire les crues plus dangereuses. L'entretien des cours d'eau doit être encadré, les normes visent à garantir le bon déroulé des opérations pour la vie aquatique et la fonctionnalité du milieu. Le curage peut réduire la capacité du fossé (qui peut être un ancien cours d'eau recalibré) à retenir, filtrer et infiltrer l'eau, accélérer l'écoulement des eaux, provoquer l'érosion des berges… Entretenir un cours d'eau demande également une attention particulière, notamment pour la gestion de la ripisylve et le profil du cours d'eau ne doit pas être impacté. Les sédiments et dépôts de matière organique, notamment végétale, participent au bon fonctionnement du cours d'eau. Si certaines opérations d'entretien sont nécessaires, elles doivent être encadrées et limitées dans leurs impacts.

Vidéo : Les idées reçues sur les inondations n°1, par l'OFB

Pour aller plus loin, voir la fiche de FNEOccitanie-Mediterrannée : L'entretien et la restauration des cours d'eau pour prévenir les inondations

Appréhender globalement la Gestion des milieux et la prévention des inondations

La compétence GEMAPI, pour la GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations, est attribuée aux intercommunalités qui doivent mettre en place des actions pour mener à bien cette mission. Malheureusement, cette compétence est sécable, avec la possibilité pour les intercommunalités de gérer distinctement les milieux aquatiques et les inondations, au sein de structures séparées et sans cohérence obligatoire avec les limites hydro(géo)logiques des bassins versants. Or, et en particulier dans le cadre de la mise en place de Solutions Fondées sur la Nature, des besoins de renaturer les cours d'eau, de leur redonner leurs méandres et leurs champs d'expansion de crue, les deux approches ne peuvent pas être séparées. La gestion des milieux aquatiques mérite d'être pensée en intégrant celle des inondations et inversement, et ce y compris dans les subventions (fonds Barnier ou d'Agences de l'eau par exemple). La compétence de Prévention des Inondations (PI) perdrait à se limiter à la gestion des digues et ouvrages d'aménagement hydraulique.

Et les ouvrages de protection ?

La création de digues, barrages etc. a souvent été la réponse pour se prémunir contre les inondations. Mais ces ouvrages peuvent impacter le milieu naturel. Ils sont utiles dans certains cas, notamment dans les zones déjà urbanisées, mais doivent être limités au strict nécessaire. De plus, ces ouvrages peuvent créer un faux sentiment de sécurité, ce qui freine l'appropriation et l'ancrage de la culture du risque. Il n'est pas à exclure non plus que ces ouvrages soient dans certains cas sous-dimensionnés, par rapport aux évolutions liées aux changements climatiques, ou mal-entretenus, car ils coûtent cher. Si ces ouvrages cèdent ou se révèlent insuffisants, le risque inondation se retrouve décuplé.

Inondations, comment vivre avec ?

Les crues, pluies et tempêtes étant des évènements naturels, la seule action sur l'aléa, quand elle est possible, n'est pas suffisante pour réduire le risque à 0 : il faut apprendre à vivre avec les inondations et développer la culture du risque. On doit agir sur les enjeux en les éloignant des zones inondables, en anticipant au mieux les crises et en sachant comment réagir quand elles surviennent.

La gestion des inondations

Tout un arsenal d'outils existe pour que les acteurs publics puissent encadrer au mieux le risque d'inondations :

  • SNGRI(Stratégie Nationale de gestion des risques inondations)

  • PGRI(plan de gestion des risques inondations)

  • TRI(Territoires à Risque important d'Inondations)

  • PAPI(Programmes d'Actions de Prévention des Inondations)

  • PPRI(Plan de Prévention des Risques Inondations)

  • DICRIM(Document d'Informations Communal sur les Risques Majeurs)…

Beaucoup de sigles ! Heureusement, FNEa publié un guide pour y voir plus clair : Vivre avec les inondations.

La prévision des inondations

Comment anticiper le risque ? Pour déclencher la gestion de crise suffisamment en amont, des dispositifs de prévision existent. En lien avec MétéoFrance, des services de l'État modélisent les crues en tenant compte des prévisions météorologiques et du fonctionnement du bassin versant. Ces prévisions sont mises en ligne sur le site Vigicrue faisant apparaître les risques de crue (et sur lequel il est possible de suivre par station les hauteurs et débits d'eau). En complément, APIC et Vigicrue Flash estiment respectivement le risque de pluies intenses et celui de crues soudaines.

Cliquez ici pour en savoir plus sur le réseau Vigicrue.

Sensibiliser la population et les élus

Savoir comment réagir face au risque permet de le réduire en en limitant les impacts. Pour cela, la population et les élus doivent être conscients du risque et savoir comment l'appréhender.

De nombreux PAPI(Programmes d'Actions de Prévention des Inondations) contiennent à ce titre des actions de sensibilisation de la population. Il peut notamment être utile de rappeler les inondations historiques et de partager la mémoire du territoire, de rappeler la présence du cours d'eau et sa possibilité de débordement (par exemple, via les repères de crue) mais aussi de sensibiliser aux bons gestes et conduites à tenir. Des exercices de mise en situation de crise peuvent à ce titre être réalisés. Les associations de protection de l'environnement ont un rôle à jouer dans la sensibilisation. La culture du risque est essentielle pour ne pas laisser la place à un déni dangereux.

Les bons gestes

Pour mieux se préparer à la survenue de l'inondation, il est essentiel de se renseigner sur les risques et éventuellement de faire réaliser un diagnostic de vulnérabilité de sa maison, de suivre l'actualité à ce sujet, d'identifier à proximité une zone refuge, d'aménager et d'équiper sa maison en conséquence, de préparer son kit d'urgence.

Le kit d'urgence doit être placé à un endroit accessible rapidement et comprendre : une radio à pile ; une lampe de poche ou frontale avec des piles de rechange ; des bougies, briquets, allumettes ; de la nourriture non-périssable et de l'eau potable ; des vêtements chauds et une couverture de survie ; le double des clés ; une copie de vos papiers d'identité ; une copie de vos contrats et attestation assurance dans un sachet étanche ; une trousse de premiers secours ; de l'argent liquide ; un couteau multi-fonctions ; un chargeur de téléphone portable, voire une batterie externe (et penser à emporter son téléphone avec soi) ; un gilet jaune et un sifflet ; des sacs poubelles.

On peut y ajouter des médicaments et des produits d'hygiène ; des lunettes de secours ; des articles pour bébés ; de la nourriture et les équipements pour animaux ; quelques occupations (jeux, livres…).

Les bâtiments et habitations peuvent également être équipés et aménagés pour réduire leur vulnérabilité face aux inondations. Les équipements de chauffage, gaz, électricité peuvent être placés en hauteur, tout comme les produits polluants ou de valeur ; des batardeaux peuvent être placés devant les issus, pour limiter la pénétration de l'eau, et un refuge installé à l'étage si possible ; les dispositifs de gestion des eaux usées peuvent être équipés d'un clapet anti-retour, pour éviter que l'eau ne rentre à l'intérieur par les toilettes et les évacuations ; les piscines et autres excavations doivent être signalées pour être visibles même recouvertes par l'eau, pour être identifiées par les secours etc.

Quand l'inondation est annoncée, il faut s'éloigner des cours d'eau, installer les éventuels dispositifs de protection (sacs de sable, batardeaux, surélévation des meubles…), couper le gaz et placer les produits dangereux en hauteur, ne pas prendre la voiture et se déplacer, rester à l'abri en hauteur et ne pas aller chercher les enfants à la crèche ou à l'école, ne pas téléphoner pour ne pas encombrer les réseaux disponibles pour les secours, et rester à l'écoute des consignes des autorités.

Toute cette organisation peut se concrétiser via un PIMS, un plan individuel de mise en sûreté, ou un PFMS, plan familial de mise en sûreté.

Pour aller plus loin : le site Géorisques.

Et pour l'accessibilité des informations de prévention en langue des signes : cliquez ici.

Laisser la place à la nature

Quand le risque est trop important et que les solutions mises en œuvre ne suffisent pas à le réduire, retirer l'enjeu permet de supprimer le risque. Ces réflexions posent la question de la réelle habitabilité des zones inondables. Certaines constructions, habitations ou activités économiques, ont été implantées dans des zones faisant peser sur leurs occupants des risques trop importants, déjà présents ou amplifiés par le changement climatique. Dans certains cas, le déplacement et relogement des populations doivent être envisagés, avec un accompagnement et un soutien adaptés, pour mieux les protéger. À ce titre, le fonds Barnier permet de financer le rachat par les collectivités territoriales des habitations ou bâtiments des entreprises qui sont gravement menacés ou sinistrés par une inondation.

Le rôle des associations FNE

Les associations de protection de l'environnement ont un rôle à jouer dans la prévention du risque inondation, que ce soit en sensibilisant les élus et la population ou en participant à l'élaboration des documents d'orientations et programmes d'actions. La mise en œuvre des PAPIest souvent décidée et suivie par un Comité de Pilotage (COPIL) dont il est possible d'être membre ; les PAPIsont validés par le Comité de Bassin, où les associations FNEsont représentées.

85 %
des communes françaises ont au moins un concitoyen résident en zone inondable