01/09/2025 | Press release | Distributed by Public on 01/09/2025 03:06
Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l'article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.
Lors de sa réunion du 12 décembre 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé d'abaisser les trois taux d'intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l'orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d'inflation, de la dynamique de l'inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.
Le processus de désinflation est en bonne voie. Selon les projections macroéconomiques de décembre 2024 établies par les services de l'Eurosystème pour la zone euro, l'inflation totale devrait s'élever, en moyenne, à 2,4 % en 2024, 2,1 % en 2025, 1,9 % en 2026 et 2,1 % en 2027, année de l'entrée en vigueur du système élargi d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (UE). S'agissant de l'évolution des prix hors énergie et produits alimentaires, les services de l'Eurosystème tablent sur une hausse moyenne de 2,9 % en 2024, 2,3 % en 2025 et 1,9 % en 2026 et 2027.
La plupart des mesures de l'inflation sous-jacente laissent entrevoir une inflation se stabilisant durablement autour de la cible du Conseil des gouverneurs de 2 % à moyen terme. L'inflation intérieure s'est légèrement ralentie, mais reste élevée, principalement du fait de la poursuite de l'ajustement, avec un important décalage, des salaires et des prix dans certains secteurs à la poussée inflationniste passée.
Les conditions de financement s'assouplissent sous l'effet de la diminution progressive du coût des nouveaux emprunts pour les entreprises et les ménages à la suite des récentes baisses des taux d'intérêt par le Conseil des gouverneurs. Mais elles demeurent strictes, car la politique monétaire est toujours restrictive alors que la transmission des hausses passées des taux d'intérêt à l'encours de crédits se poursuit.
Dans les projections de décembre 2024, les services de l'Eurosystème tablent désormais sur une reprise économique plus lente que ce qui était prévu dans les projections macroéconomiques de septembre 2024 établies par les services de la BCE pour la zone euro. Malgré un rebond de la croissance au troisième trimestre, les indicateurs tirés d'enquêtes signalent un ralentissement pour le quatrième trimestre. Selon les services de l'Eurosystème, l'économie devrait croître de 0,7 % en 2024, 1,1 % en 2025, 1,4 % en 2026 et 1,3 % en 2027. La reprise anticipée s'appuierait essentiellement sur la hausse des salaires réels, qui devrait permettre aux ménages d'accroître leur consommation, et sur l'augmentation des investissements des entreprises. Avec le temps, l'atténuation progressive des effets de la politique monétaire restrictive devrait favoriser un redressement de la demande intérieure.
Le Conseil des gouverneurs est résolu à assurer une stabilisation durable de l'inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il suivra une approche s'appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l'orientation appropriée de la politique monétaire. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d'intérêt seront fondées sur son évaluation des perspectives d'inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l'inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s'engage pas à l'avance sur une trajectoire de taux particulière.
L'économie a crû de 0,4 % au troisième trimestre, soit un rythme supérieur aux anticipations. La croissance a principalement résulté de la hausse de la consommation, reflétant en partie des facteurs ponctuels ayant stimulé le tourisme pendant l'été, et de la constitution de stocks par les entreprises. Mais les dernières informations disponibles indiquent un ralentissement. Il ressort des enquêtes que l'activité manufacturière continue de se contracter et que la croissance des services s'affaiblit. Confrontées à une demande atone et à des perspectives très incertaines, les entreprises restreignent leurs dépenses d'investissement. Les exportations européennes sont également en berne et la compétitivité de certains secteurs d'activité vacille.
Le marché du travail reste solide. L'emploi a augmenté de 0,2 % au troisième trimestre 2024, un rythme là encore plus élevé qu'attendu. Le taux de chômage est resté à son niveau historiquement bas de 6,3 % en octobre. Cela étant, la demande de main-d'œuvre continue de s'affaiblir. Le taux de vacance d'emploi est revenu à 2,5 % au troisième trimestre, un niveau inférieur de 0,8 point de pourcentage à son point haut, et les enquêtes font également état d'un recul des créations d'emplois au quatrième trimestre.
L'économie de la zone euro devrait continuer de se redresser progressivement au cours des prochaines années, dans un contexte de fortes incertitudes géopolitiques et économiques. La progression des salaires réels et de l'emploi, sur fond de marchés du travail robustes, devrait notamment soutenir la reprise, dont la consommation reste l'un des principaux moteurs. La demande intérieure devrait également être stimulée par un assouplissement des conditions de financement, conformément aux anticipations des marchés relatives à l'évolution future des taux d'intérêt. Quoiqu'entourées d'une grande incertitude, les politiques budgétaires seraient globalement en voie d'assainissement. Cela étant, les fonds alloués dans le cadre du programme Next Generation EU devraient continuer d'alimenter la croissance jusqu'à son expiration en 2027. Dans l'hypothèse de référence de politiques commerciales inchangées des principaux partenaires de l'Europe, la demande extérieure devrait se renforcer et soutenir les exportations de la zone euro. En conséquence, les exportations nettes apporteraient une contribution globalement neutre à la croissance du PIB, malgré les défis actuels en matière de compétitivité. Le taux de chômage devrait continuer de se replier, pour se situer à des niveaux historiquement bas. Même si les difficultés structurelles persistent, la productivité, qui a récemment baissé sous l'effet de certains facteurs conjoncturels, devrait se redresser sur l'horizon de projection. Globalement, selon les projections de décembre 2024, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume devrait s'établir à 0,7 % en 2024, 1,1 % en 2025 et 1,4 % en 2026, avant de se modérer à 1,3 % en 2027. Par rapport aux projections macroéconomiques de septembre 2024, les perspectives de croissance du PIB ont été revues à la baisse, principalement en raison des révisions des données relatives à l'investissement au premier semestre 2024, des anticipations d'un ralentissement de la croissance des exportations en 2025 et d'une légère révision à la baisse de l'expansion attendue de la demande intérieure en 2026.
Les politiques budgétaires et structurelles devraient améliorer la productivité, la compétitivité et la capacité de résistance de l'économie. Il est essentiel de donner suite rapidement, à travers des politiques structurelles concrètes et ambitieuses, aux propositions de Mario Draghi, en vue de renforcer la compétitivité européenne, et d'Enrico Letta, sur l'avenir du marché intérieur. Le Conseil des gouverneurs accueille favorablement l'évaluation, par la Commission européenne, des plans budgétaires et structurels à moyen terme présentés par les gouvernements dans le cadre de gouvernance économique révisé de l'UE. Il leur appartient à présent de mettre en œuvre intégralement et sans délai leurs engagements au titre de ce cadre. Cela aidera à réduire les déficits budgétaires et les taux d'endettement de manière durable, tout en donnant la priorité aux réformes favorables à la croissance et à l'investissement.
Selon l'estimation rapide d'Eurostat, l'inflation annuelle a atteint 2,3 % en novembre, après 2,0 % en octobre. Cette accélération avait été anticipée et résulte essentiellement d'un effet de base haussier lié à l'énergie. La hausse des prix des produits alimentaires et des services s'est quelque peu ralentie, à respectivement 2,8 % et 3,9 %. L'augmentation des prix des biens s'est quant à elle renforcée, à 0,7 %.
L'inflation intérieure, qui suit de près la hausse des prix des services, s'est de nouveau atténuée légèrement en octobre. Elle demeure toutefois élevée, à 4,2 %, sous l'effet d'importantes tensions sur les salaires et de la poursuite de l'ajustement, avec un décalage, du prix de certains services à la poussée inflationniste passée. Cela étant, l'évolution de l'inflation sous-jacente est globalement conforme à un retour durable de l'inflation vers la cible.
La plupart des mesures des anticipations d'inflation à long terme s'établissent à environ 2 %, et les indicateurs de la compensation de l'inflation à moyen et long terme extraits des instruments de marché ont sensiblement diminué depuis la réunion du Conseil des gouverneurs le 17 octobre 2024.
La croissance de la rémunération par tête s'est modérée à 4,4 % au troisième trimestre, contre 4,7 % au deuxième trimestre, et a contribué ainsi, compte tenu de la stabilité de la productivité, à un ralentissement de la croissance des coûts unitaires de main-d'œuvre.
L'atténuation des tensions sur les coûts de main-d'œuvre et la poursuite des effets du resserrement passé de la politique monétaire du Conseil des gouverneurs sur les prix à la consommation devraient contribuer à stabiliser durablement l'inflation autour de la cible de 2 % à moyen terme, dans la mesure où les fortes diminutions récentes des prix de l'énergie continuent de sortir du calcul des taux annuels.
Dans les projections de décembre 2024, la hausse de l'IPCH total devrait s'accélérer fin 2024, avant de s'estomper et de fluctuer autour de la cible d'inflation de 2 % de la BCE à partir du deuxième trimestre 2025. Les effets de base de la composante énergie devraient être le principal facteur à l'origine de l'augmentation temporaire de l'inflation au début de l'horizon de projection. Sur la base d'hypothèses de recul des prix du pétrole et du gaz, les prix de l'énergie devraient continuer de diminuer jusqu'au second semestre 2025 et évoluer modérément par la suite, à l'exception d'une accélération en 2027 due à l'introduction de nouvelles mesures d'atténuation du changement climatique. La hausse des prix des produits alimentaires devrait s'accentuer jusque mi-2025, principalement sous l'effet d'un rebond des prix des produits alimentaires non transformés, avant de retomber à une moyenne de 2,2 % d'ici 2027. L'augmentation de l'IPCH hors énergie et produits alimentaires (IPCHX) devrait ralentir début 2025 en raison de la dissipation des effets indirects des chocs antérieurs sur les prix de l'énergie, de la modération des tensions sur les coûts de main-d'œuvre et de la transmission continue, avec un décalage, du resserrement passé de la politique monétaire sur les prix à la consommation. Ce ralentissement serait principalement dû à une plus faible hausse des prix des services, relativement persistante jusqu'à présent. De manière générale, l'inflation mesurée par l'IPCHX devrait revenir de 2,9 % en 2024 à 1,9 % en 2027. La croissance des salaires demeurera élevée dans un premier temps, avant de ralentir progressivement avec l'allégement des mesures de compensation prises face à l'inflation. La décélération de la croissance de la rémunération par tête, conjuguée à une reprise de la croissance de la productivité, devrait entraîner une progression beaucoup plus lente des coûts unitaires de main-d'œuvre. En conséquence, les tensions d'origine interne sur les prix devraient s'atténuer, les marges bénéficiaires amortissant dans un premier temps les tensions toujours fortes sur les coûts de main-d'œuvre, mais se rétablissant sur l'horizon de projection. Les tensions sur les prix d'origine externe devraient rester globalement modérées. Par rapport aux projections de septembre 2024, les perspectives de hausse de l'IPCH total ont été légèrement révisées à la baisse pour 2024 et 2025, principalement en raison de la détérioration inattendue de certaines données et des hypothèses de recul des prix du pétrole et de l'électricité.
Les risques pesant sur la croissance économique restent orientés à la baisse. Le risque d'accentuation des frictions commerciales à l'échelle internationale pourrait peser sur la croissance de la zone euro en limitant les exportations et en affaiblissant l'économie mondiale. La détérioration de la confiance pourrait empêcher la consommation et l'investissement de se redresser aussi rapidement qu'attendu. Les risques géopolitiques, tenant notamment à la guerre injustifiée menée par la Russie contre l'Ukraine et au conflit tragique au Moyen-Orient, pourraient amplifier ces dynamiques et perturber les approvisionnements en énergie et le commerce mondial. La croissance pourrait aussi être plus faible si les effets décalés du resserrement de la politique monétaire durent plus longtemps qu'anticipé. Elle pourrait être plus forte si l'assouplissement des conditions de financement et le recul de l'inflation permettent une reprise plus rapide de la consommation et de l'investissement intérieurs.
L'inflation pourrait être plus élevée si les salaires ou les bénéfices progressent plus qu'attendu. Les risques à la hausse pour l'inflation proviennent également des tensions géopolitiques accrues, qui pourraient entraîner à court terme un renchérissement de l'énergie et un accroissement des coûts du fret, et perturber les échanges mondiaux. En outre, des phénomènes météorologiques extrêmes et, plus généralement, l'évolution de la crise climatique pourraient conduire à une hausse des prix des produits alimentaires plus importante qu'anticipé. L'inflation pourrait en revanche surprendre à la baisse si la faible confiance et les inquiétudes liées aux événements géopolitiques empêchent le redressement aussi rapide qu'attendu de la consommation et de l'investissement, si la politique monétaire freine la demande plus nettement qu'anticipé ou si l'environnement économique dans le reste du monde se détériore soudainement. L'augmentation des frictions dans le commerce mondial pourrait accentuer l'incertitude entourant les perspectives d'inflation dans la zone euro.
Les taux d'intérêt de marché dans la zone euro ont encore diminué depuis la réunion d'octobre du Conseil des gouverneurs, reflétant la détérioration perçue des perspectives économiques. Si les conditions de financement demeurent restrictives, le coût des emprunts pour les entreprises et les ménages diminue progressivement à la suite des baisses des taux d'intérêt décidées par le Conseil des gouverneurs.
Le taux d'intérêt moyen sur les nouveaux prêts consentis aux entreprises était de 4,7 % en octobre, un niveau inférieur de plus d'un demi-point de pourcentage à son point haut enregistré un an auparavant. Le coût du financement par endettement de marché a reculé de plus d'un point de pourcentage depuis son niveau maximal. Le taux d'intérêt moyen sur les nouveaux prêts hypothécaires, qui s'est établi à 3,6 % en octobre, est inférieur d'environ un demi-point de pourcentage à son plus haut niveau observé en 2023, même si le taux moyen de l'encours de prêts hypothécaires devrait toujours augmenter.
Les prêts bancaires aux entreprises se sont progressivement redressés à partir de niveaux bas, et ont crû de 1,2 % sur un an en octobre par rapport à un an auparavant. Les titres de créance émis par les entreprises ont augmenté de 3,1 % en rythme annuel, soit une hausse comparable à celle des derniers mois. La progression graduelle des prêts hypothécaires s'est poursuivie en octobre, à un rythme annuel de 0,8 %.
Conformément à sa stratégie de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a procédé à une évaluation approfondie des liens entre politique monétaire et stabilité financière. Les banques de la zone euro ont continué de faire preuve de résilience et peu de signes indiquent des tensions sur les marchés financiers. Les risques pesant sur la stabilité financière demeurent toutefois élevés. La politique macroprudentielle reste la première ligne de défense contre l'accumulation de vulnérabilités financières, en renforçant la capacité de résistance et en préservant la marge de manœuvre macroprudentielle.
Les taux d'intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal ont été abaissés à, respectivement, 3,00 %, 3,15 % et 3,40 % à compter du 18 décembre 2024.
Le portefeuille du programme d'achats d'actifs (asset purchase programme, APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l'Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.
Au second semestre 2024, l'Eurosystème n'a plus réinvesti la totalité des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis en vertu du programme d'achats d'urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), réduisant le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d'euros par mois en moyenne. Le Conseil des gouverneurs a mis un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.
Les banques ont remboursé, en décembre 2024, les encours résiduels des fonds empruntés dans le cadre des opérations ciblées de refinancement à plus long terme, ce qui a mis fin à cette partie du processus de normalisation du bilan.
Lors de sa réunion du 12 décembre 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé d'abaisser les trois taux d'intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l'orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d'inflation, de la dynamique de l'inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs est résolu à assurer une stabilisation durable de l'inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il suivra une approche s'appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l'orientation appropriée de la politique monétaire. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d'intérêt seront fondées sur son évaluation des perspectives d'inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l'inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s'engage pas à l'avance sur une trajectoire de taux particulière.
En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l'ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer la stabilisation durable de l'inflation à sa cible de 2 % à moyen terme et pour préserver la bonne transmission de la politique monétaire.
Mise à jour le 9 Janvier 2025