01/10/2025 | Press release | Distributed by Public on 01/11/2025 01:58
Les récentes déclarations de Mark Zuckerberg, dans lesquelles il désigne ouvertement le journalisme et les fact-checkers comme "biaisés", ne sont que l'aboutissement d'une longue guerre d'usure contre le journalisme sur Facebook. Reporters sans frontières (RSF) retrace une décennie d'actions menées par le groupe Meta portant atteinte au journalisme professionnel et à l'accès à l'information fiable. En dix points clés, RSF souligne comment le géant des réseaux sociaux a progressivement construit une architecture technique, économique et politique hostile au journalisme de qualité.
Des changements d'algorithme de 2015 au bannissement des médias au Canada, cette chronologie met en lumière une stratégie cohérente visant à marginaliser l'information professionnelle sur les plateformes du groupe. Une trajectoire dont l'accélération ces dernières années menace directement le droit fondamental des citoyens à accéder à une information fiable en ligne.
"Un pas en avant, deux pas en arrière. À chaque gage d'adhésion aux principes démocratiques donné par Meta correspond une décision prise, depuis dix ans, préparant l'éviction systématique du journalisme de ses plateformes. Cette politique n'est plus seulement une menace pour les médias, elle met en péril le droit des citoyens à une information fiable et défie l'équilibre démocratique.
Dix ans de lutte contre le journalisme sur les plateformes de Meta
2015 : Moins de Pages, moins de médias
Le groupe Facebook modifie une première fois l'algorithme de son réseau social afin de valoriser les contenus produits par les "amis" des utilisateurs du réseau socialdepuis leurs comptes personnels, plutôt que les contenus publiés par les Pages, principalement destinées aux organisations et entreprises, dont les médias.
2016 : La désinformation atteint des sommets pendant l'élection américaine
En juin 2016 le groupe persévère dans sa logique et, à quelques mois de l'élection présidentielle américaine, renforce sa politique de promotion des contenus natifs publiés par "les amis et la famille" des utilisateurs. Cela en privilégiant le format du commentaire au détriment de contenus produits par les entreprises de presse, qui sollicitent les Pages comme outils de diffusion. Suite à ces changements, la désinformation explose sur Facebook. Selon une enquête deBuzzFeed Newsparue en novembre 2016, les fausses informations liées à l'élection américaine ont surperformé par rapport aux informations produites par des médias journalistiques. Après avoir essuyé de nombreuses critiques, Meta lance en décembre 2016 son programme de fact-checkinget communique régulièrement sur les bienfaits de cette approche.
2018 : La hiérarchisation des contenus
Une modification de taille annoncée par Mark Zuckerbergsur Facebook : la diminution de la visibilité des contenus produits par des médias et des marques, sous le prétexte que les utilisateurs de la plateforme se plaindraient d'une surabondance de ceux-ci au détriment des contenus issus des comptes des amis et de la famille.
2021 : Bannissement des médias en Australie
En 2021, le groupe Facebook exerce un chantage brutal contre le gouvernement australien, en passe de voter une loi sur la redistribution des revenus publicitaires des plateformes aux médias. Si la loi passe, Facebook bannira les médias de sa plateforme et empêchera le partage de liens. Le 17 février, le groupe met sa menace à exécution. Moins d'une semaine plus tard, le gouvernement australien cède et Facebook lève ses restrictions : Facebook est exempté de toute redistribution aux médiassi la plateforme apporte la preuve qu'elle a négocié un nombre suffisant d'accords directs avec les éditeurs de presse.
2021 : Les sujets politiques, sociaux, et en lien avec les élections ne sont plus les bienvenus
À partir de février 2021,le groupe décide d'accorder moins de visibilité aux contenus politiques, sociétaux ou en lien avec des élections, comme annoncé dès 2018. C'est le début d'une longue série de mises à jour renforçant cette décision et contribuant à la baisse de visibilité des contenus des médias d'intérêt général. Selon une étude menée par les entreprises Chartbeat et Similarweb, publiée en 2024, la baisse de visibilité des médias a impliqué une diminution du trafic vers les sites de médias de plus 50 % depuis 2018.
2023 : Meta bannit les médias au Canada, menace de le faire en Californie et supprime Facebook News en Europe
En juin 2023, Meta recours une nouvelle fois à sa stratégie de prédilection : le chantage au bannissement des médias. Cette fois-ci, le groupe cible directement l'État californien, où Meta a son siège social. Une fois de plus, Meta s'oppose à la redistribution de revenus aux médias.
La suppression de Facebook News, l'onglet dédié à l'information sur l'application mobile du réseau social, a été annoncée par Meta pour début décembre 2023 au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Cet espace, qui proposait des contenus sélectionnés auprès d'une centaine de médias partenaires, représentait une tentative de valorisation de l'information d'intérêt général sur la plateforme. Le programme sera également supprimé aux États-Unis et en Australie en avril 2024.
La fin de ce programme, qui promettait de valoriser le contenu journalistique dans un onglet dédié, marque un mépris manifeste de l'entreprise envers le journalisme fiable.
2024: Suppression de CrowdTangle
Outil de veille publique de Facebook, CrowdTangle était l'un des rares moyens d'accéder à des informations sur la visibilité des contenus de médias et de désinformation sur la plateforme. Meta ferme l'accès à cet outilet prive les chercheurs et les journalistes d'un moyen crucial pour évaluer la désinformation sur la plateforme et enquêter sur les usages de Facebook. L'outil est remplacé par Content Library, présenté comme similaire par le groupe, ce que contestent les chercheurs spécialistes de l'enquête sur les réseaux sociaux.
2025: Mark Zuckerberg "muskifie" ses plateformes
Sous couvert de défense de la "liberté d'expression", Mark Zuckerberg annonce mettre fin au partenariat avec les fact-checkeursaux États-Unis dans une vidéo de cinq minutes publiée sur Facebook, et le justifie en arguant que les médias militeraient en faveur de la censure. Ils seront remplacés par des "Community notes", un système de vérification de l'information collaboratif reposant sur les utilisateurs, inspiré de ce qui se fait sur la plateforme X, propriété d'Elon Musk. Il annonce également revenir sur la stratégie de modération des contenus politiques tout en allégeant les conditions d'utilisation en matière d'expression sur des sujets sensibles comme l'immigration ou le genre. Mark Zuckerberg "muskifie" son réseau, renforçant le chaos informationnel