11/12/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/12/2025 13:23
Alors que les élections municipales se profilent en mars 2026 en France, Reporters sans frontières (RSF) s'inquiète d'une campagne de désinformation menée via des dizaines de faux sites d'information francophones depuis février 2025. Imitant les codes éditoriaux de médias régionaux et nationaux, ils diffusent des contenus de désinformation proches des narratifs du Kremlin.
Dénigrement du président de la République française, alerte sur la "ruine"de l'Occident ou encore glorification de l'habileté politique de Vladimir Poutine. Un article d'un site baptisé "La France souveraine" intitulé "Trump et la paix : une révolution souverainiste qui bouleverse l'ordre mondial", et pour lequel est utilisée la une du journal Le 1 Hebdo. Ce sont quelques-unes des usurpations et des thèmes récurrents d'un ensemble de faux sites d'information francophones. RSF en a exploré 85 encore en activité, imitant des codes graphiques de médias d'information de la presse régionale et nationale française. Leur débit de production est conséquent : au moins 13 900 articles depuis février 2025, d'après les données relevées par RSF.
Certains s'emparent directement de sujets locaux tout en brouillant les vraies informations : ainsi, Sud-Ouest Directdétourne le nom d'un véritable quotidien basé à Bordeaux et publie par exemple, le 14 octobre dernier, le récit d'une décision de justice révélée par le quotidien lyonnais Le Progrès, illustrée avec une image provenant du site d'information LyonMag.comà propos d'un tout autre fait divers. Autre exemple, avec un article d'Actu Directe, site créé en février 2025 dont la photo et le contenu sont issus de deux articles du quotidien régional L'Est Républicain, portant tous les deux sur une cyberattaque contre un centre hospitalier de Pontarlier, dans le Doubs, mais décrite ici comme une "maladie numérique".
Un réseau bien identifié et extrêmement actif
Ces contenus font partie d'une opération coordonnée de désinformation révélée en septembre 2025 dans un rapportde l'entreprise américaine de cybersécurité Recorded Future. Elle identifie un ensemble de 141 faux sites d'information, auxquels les 85 sites encore actifs identifiés par RSF appartiennent, et attribue cette campagne de propagande à un réseau d'influence piloté depuis la Russie, CopyCop, connu pour la création de faux sites de médias. Plusieurs enquêtes journalistiquesparues depuis suspectent également des réseaux d'influence russes d'être à l'origine de ces sites. Loin d'être incommodé par cette mise en lumière médiatique, le réseau redouble d'activité : depuis le 18 octobre, 5 138 articles ont été publiés, selon RSF, soit près de 36,9 % du total relevé par l'organisation. Recorded Future soupçonne fortement l'usage de modèles open source d'IA générative pour produire ces contenus, ce qui permettrait d'expliquer un tel niveau de production.
"En s'attaquant à la presse française et en particulier à la presse régionale, ces opérations de désinformation ciblent un maillon central de l'information. À cinq mois des élections municipales, de telles manipulations risquent de semer le doute envers les médias et fausser l'accès à l'information fiable. Pour y faire face, il est crucial de renforcer la visibilité du journalisme, en particulier sur les réseaux sociaux et dans les outils émergents comme les chatbots. RSF appelle les entreprises du numérique comme Google et Meta, mais aussi OpenAI qui développe ChatGPT, à intégrer la norme Journalism Trust Initiative (JTI) dans leurs produits afin de mettre en avant les sources d'information dignes de confiance dans les résultats de leurs chatbots. Sans cela, ces outils resteront impuissants face à la désinformation puisqu'ils ne peuvent pas encore distinguer une information manipulée d'un contenu fiable. La réponse à ce défi ne doit pas être ponctuelle ni limitée à des échéances électorales : valoriser les sources crédibles est un impératif de long terme, et l'un des seuls moyens de faire de ces technologies un véritable outil au service du droit à l'information.
Un signal faible à prendre au sérieux
L'opération dévoilée par le rapport de Recorded Future est d'ampleur, et la révélation de ces faux sites constitue un signal inquiétant à cinq mois des élections municipales françaises de mars 2026. En 2024, les élections législatives allemandes avaient elles aussi été ciblées par l'opération Storm 1516, un mode opératoire désinformationnel russe. Les fausses informations générées par les campagnes de désinformation peuvent se retrouver sur les réseaux sociaux, dans les moteurs de recherche, mais aussi dans les textes restitués par les chatbots, forme émergente d'accès à l'information. Ce réseau de faux sites a déjà par le passé été identifié par le service français de lutte contre les ingérences étrangères Viginumpour sa participation à des opérations de désinformation russe. Face à la désinformation, la valorisation des sources fiables d'information, identifiées viades standards techniques comme la JTIde RSF.
La JTI est un label conçu par RSF comme une norme ISOpour valoriser la démarche professionnelle des médias et distinguer un journalisme éthique et fiable face à la désinformation.