En éduquant un enfant au consentement, ce n'est pas juste lui que l'on protège, c'est la société que l'on construit.
Delphine Saulière
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Directrice des rédactions Bayard Jeunesse
Comment définir le consentement ?
Le consentement, c'est le fait de donner son accord ou son autorisation pour quelque chose qui vous concerne. Cet accord - ou désaccord - peut être donné dans toutes sortes de situations de la vie de tous les jours, pas uniquement dans le cadre de relations sexuelles. Ce sont des cas de « consentement ordinaire ».
Comme tout être humain, l'enfant est aussi en droit de donner son accord pour les choses le concernant. Il est en droit de choisir ce qui relève de son intégrité et de la protection de sa propre personne.
Ce qui est complexe, chez l'enfant, c'est qu'il est dépendant de ses parents. Ces derniers sont donc en droit de décider pour lui d'un certain nombre de choses. S'il n'est pas question de demander à l'enfant de tout choisir - il n'est pas un micro-adulte, ce serait trop anxiogène -, il faut qu'il soit informé des décisions le concernant.
Prenons l'exemple des vaccins. Un enfant n'aura, a priori, pas envie de se faire vacciner… Or, dans la loi, il y a une obligation vaccinale qui s'applique à tous. C'est donc le rôle des parents de faire vacciner leur enfant.
Le faire en respectant le consentement de l'enfant, dans ce cas, c'est prendre le temps de l'informer. Expliquer que la loi existe ; qu'il faut ses vaccins à jour pour fréquenter l'école ; qu'ils ont pris rendez-vous chez le pédiatre pour tel vaccin ; que le rendez-vous se déroulera de telle façon ; que c'est important.
L'enfant exprimera peut-être son mécontentement, sa peur ou autre. L'informer permet de discuter de tout cela avec lui, d'entendre sa parole, de l'associer à ce qui va lui arriver. Et ça, c'est une petite brique du consentement ordinaire, qui se joue ici en famille.
Je distingue ce consentement ordinaire des situations de violences, quelle que soit ces violences. Là, il ne s'agit pas de consentement.
Comment expliquer le consentement aux enfants ?
Le mot consentement est quasiment inconnu des enfants. Et, pourtant, cette notion doit être transmise dès la toute petite enfance.
Il y a une véritable éducation au consentement à faire, qui va bien au-delà du mot. Elle passe par une logique d'empowerment (rendre puissant) de l'enfant. Lui donner les moyens d'avoir une réflexion sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Est-ce que j'ai le droit de faire ça ou pas ? Est-ce que j'ai le droit d'accepter ça ou pas ? Éduquer au consentement, c'est lui donner le pouvoir de dire : « j'ai le droit de… » ou « je refuse de… ».
Si je prends un exemple pour les petits, ça serait : « tu as le droit de ne pas aimer que quelqu'un que tu ne connais pas t'embrasse. Tu as le droit de refuser. Mais tu dois comprendre que toi non plus, tu n'as pas le droit d'embrasser quelqu'un qui ne veut pas être embrassé. »
Cela peut aussi être : « tu respectes le temps du bain de ton frère ou de ta sœur, et réciproquement. Tu ne rentres pas dans la salle de bains sans l'autorisation de celui ou celle qui fait sa toilette. Et à l'inverse, c'est toi qui décides qui peut entrer dans la salle de bain quand c'est ton tour de te laver. »
Au-delà de cela, il faut apprendre aux enfants à repérer l'arbitraire et, surtout, à ne pas l'accepter et à intervenir. Informer du fait que des situations de violences existent et peuvent leur être adressées, et qu'ils n'ont pas à les subir car elles sont interdites. Les aider à repérer les signes faibles des comportements qui ne sont pas acceptables et qui sont dangereux pour eux.
Leur dire que : « dans la famille, à l'école, au centre de loisirs, au sport… on n'a pas le droit de te toucher. On n'a pas le droit de t'embrasser de force. On n'a pas le droit de t'enlever ta culotte. Et tu n'as pas le droit de le faire aux autres. » C'est très important, cette réciprocité du droit.
Les violences ne sont pas que sexuelles. Ça commence dès les violences « ordinaires ». On peut apprendre à l'enfant qu'il a le droit de ne pas accepter qu'on le bouscule dans la cour de récréation. Qu'il a le droit de refuser que l'espace de jeu soit monopolisé par un genre et qu'il en soit, de fait, exclu.
L'éducation au consentement, c'est une logique de respect, de vivre ensemble. Ce n'est pas juste le petit enfant que l'on protège, c'est la société que l'on construit.
Quels conseils concrets donneriez-vous pour éduquer au consentement ?
La clé de l'éducation au consentement, c'est de considérer l'enfant comme une vraie personne, digne d'être écoutée et digne d'être conseillée. C'est-à-dire une personne avec qui on peut être en dialogue et qu'on peut prévenir des choses. Les enfants ne peuvent pas s'éduquer seuls. Ils ont besoin d'en discuter avec des personnes qui sont plus matures qu'eux, qui les informent.
Je conseille aux parents de créer un espace de dialogue. Fixer un temps privilégié dans la journée ou la semaine avec son enfant, comme un moment de lecture ensemble. Ce temps peut laisser venir le dialogue.
Parce que lâcher « au fait, je vais te parler d'un truc important », à brûle-pourpoint, mercredi à 17 heures 30, après les devoirs, ça tombe comme un cheveu sur la soupe. Si on ne se parle jamais, il sera très difficile de franchir le pas le jour où on en aura besoin, pour évoquer des sujets plus complexes. C'est petit à petit, avec une présence, avec une écoute, que se créent les conditions pour parler de tout.
Il ne faut pas hésiter à utiliser un livre pour aborder le sujet. Il existe de nombreux matériaux très bien faits, à hauteur d'enfant. Si on ne les prévient pas des risques, si on ne les éduque pas, les enfants ne peuvent pas voir. Ils n'ont ni les mots ni les outils pour comprendre, pour repérer et pour dire.
Il faut vraiment garder à l'esprit qu'il y a des choses qu'un enfant ne peut pas inventer. Si un enfant décrit quelque chose de troublant, c'est qu'il y a de la vérité dans ce qu'il raconte. Il peut simuler un mal au ventre, certes, mais imaginer des violences sexuelles, non. Ce n'est tout simplement pas pensable, pas conceptualisable pour lui.
On peut aussi profiter des repères de la vie d'un enfant - la rentrée scolaire, l'inscription au sport, le départ en colonie de vacances… - pour en faire des opportunités d'échange en mettant en mots ce qu'il va vivre. « Tu rentres à l'école et c'est super. Tu vas apprendre des choses. Tu vas retrouver tes copains… Mais je te rappelle aussi que vous allez être tant dans la classe, tant dans la cour de récréation... Il peut y avoir des situations de violences. Tu dois faire attention à toi et attention aux autres. »
Une autre clé, selon moi, est d'aider les enfants à repérer leurs alliés. « Qui sont les personnes de confiance à qui je peux parler ? Quels sont mes copains ? Est-ce le délégué de classe ? La maîtresse ? ».
Il faut les inciter à agir face à une situation qui les brusque, et, surtout, à ne pas le faire seul. Identifier les pairs avec qui aller parler à l'adulte de leur situation ou encore de ce camarade qui se fait bousculer à chaque récréation. Les bêtises se font souvent en bande. On peut retourner l'effet de groupe pour en faire quelque chose de positif !
Ce conseil vaut aussi pour les parents… Identifiez les personnes de confiance avec lesquelles vous pouvez parler éducation lorsque vous avez une difficulté. Cela peut être un ami, le pédiatre, un interlocuteur à l'école, un groupe de parents…
Dans certaines cultures, on dit qu'il faut tout un village pour éduquer un enfant. Je pense qu'il faut effectivement tout un écosystème : parents, enseignants, éducateurs, bibliothécaires, profs de sport… Tous doivent dialoguer, tous doivent avoir leur place légitime dans la société pour faire grandir nos enfants.