10/24/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/25/2025 18:18
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AutoriserDiscours du Premier ministre Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale, le 24 octobre 2025
Mesdames et messieurs les Députés,
Nous sommes enfin réunis pour examiner le projet de budget pour l'État. Comme nous serons bientôt réunis pour travailler à celui de la Sécurité sociale.
Il y a dans cet hémicycle une ligne de convergence : la volonté que la France soit indépendante.
C'est un cap politique qui peut nous réunir : je ne vois aucun député dans cette assemblée qui avance ou prétend le contraire.
Ce projet de budget est au fond un budget de transition. Transition, car il protège certains choix du passé - notamment pour l'emploi. Transition, car il porte déjà certaines bases de compromis ou des "accroches" pour la suite des discussions parlementaires, notamment en matière fiscale. Transition, car il ne faut pas amputer l'avenir et permettre aux Françaises et aux Français de trancher certains débats lors de la prochaine élection présidentielle de 2027.
La stabilité n'est pas une fin en soi, mais elle est incontestablement un des éléments constitutifs de l'indépendance de notre pays en ces temps troublés. L'approche nouvelle du gouvernement dans la manière de débattre, de modifier puis d'adopter ce budget doit nous permettre d'y parvenir.
Je mesure néanmoins pleinement le changement culturel qu'il suggère dans les deux chambres.
Le compromis, c'est la noblesse du débat démocratique ; l'intransigeance, c'est son contraire. Et entre le compromis et l'intransigeance, il y a une différence simple : le premier respecte le vote, la seconde le méprise. Notre histoire parlementaire a été faite de rapports de force : il est temps qu'elle devienne celle du compromis. On ne peut plus gouverner par la seule discipline d'un camp, mais par la culture d'un débat exigeant entre parlementaires portant au départ des convictions différentes. C'est une révolution tranquille du Parlement, celle qui consiste à ne pas demander à l'autre d'appliquer l'intégralité de son propre programme, comme s'il avait seul la majorité. Cette révolution doit commencer maintenant car c'est ce changement de culture que la démocratie moderne appelle.
C'est ce changement d'état d'esprit qui montrera une nouvelle fois que les institutions de la Vème République sont solides, dès lors que les femmes et les hommes qui les font vivre sont capables de s'adapter à la volonté des Français. Et c'est ce que je souhaite faire en renonçant à l'usage de l'article 49 alinéa 3 de notre Constitution : les débats devront aller jusqu'au bout.
Mesdames et Messieurs les Députés,
L'indépendance de la France n'est possible que par l'effort. D'abord pour réduire le déficit, ensuite pour investir dans l'avenir.
L'effort de réduction du déficit ne doit pas reposer sur un recours toujours plus important à la dette, et donc à des prêteurs étrangers. Ce qui est vrai de notre modèle énergétique, de notre défense ou de notre alimentation vaut avant tout pour les capitaux financiers. Personne ici ne veut dépendre durablement des Etats-Unis, de la Chine, ou des pays du Moyen-Orient.
Pour y parvenir, - pour la France -, l'effort que nous demandons aux Français doit donc être leur effort, car c'est de nous même que nous devons tirer notre indépendance et notre souveraineté. Nier cela, c'est nier les efforts qui ont toujours été accomplis par le peuple français, et ce notamment depuis les années 50 et 60. C'est donc la juste répartition de cet effort entre nos compatriotes qui doit être ici en débat, pas autre chose.
Pour autant, l'effort ne veut pas dire l'austérité.
Mesdames et messieurs les Députés,
Le budget initial que propose le Gouvernement prévoit une augmentation globale des dépenses publiques pour l'année 2026, avec le souci de préserver la croissance. Un pays qui crée plus de richesses est un pays qui rembourse plus rapidement sa dette, qui a les capacités d'investir pour son avenir, et qui protège son modèle social de redistribution.
Ne plus dépendre d'autres puissances étrangères, c'est d'abord nous libérer de nos dettes. Le déficit sera ramené de 5.8% en 2024 à 5.4% en 2025. Cette trajectoire sera tenue car elle est la base de la confiance dans la parole de la France exprimée par le vote du Parlement. Ce déficit doit revenir en dessous de 5% l'année prochaine.
Le Gouvernement est conscient que tout effort nouveau demandé aux français ne sera possible qu'à la condition de donner aux citoyens et aux contribuables la garantie que l'usage qui sera fait de leur argent est indiscutable, et que chacun contribue pour sa juste part.
Pour la première fois, un projet de loi pour lutter contre les fraudes sociales et fiscales a été déposé en même temps que les lois de finances. L'État entend récupérer l'argent de ceux qui fraudent ou abusent. Cela n'est pas une petite affaire, puisque l'on parle de 20 milliards d'euros par an d'argent public non perçu. On ne peut valablement plus voter de nouvelles lois fiscales ici-même sans garantir la pleine justice et équité entre celles et ceux qui les respectent, et celles et ceux qui les contournent.
Il faut également mettre un terme à certaines rentes de situation : si certaines politiques publiques sont indispensables et sont protégées dans ce projet de budget, elles devront faire l'objet d'un meilleur pilotage dès lors que l'on parle d'argent public. Les différentes interventions de l'État, subventions, aides et marchés publics feront l'objet de négociations ou renégociations plus rigoureuses, certains critères seront revus.
L'effort portera aussi sur le fonctionnement de l'État. Le budget initial prévoit de premières pistes d'économies, de supprimer certains doublons, et de traquer les surcoûts.
Est-ce que cela suffira ? Non. Il nous faut aller beaucoup plus loin, dans une logique de moyen et long terme.
Nous vous proposerons de construire, en parallèle des débats budgétaires, une clarification des compétences de chaque acteur public et donc une très importante réforme de l'État, sans doute parmi les plus importantes de ces dernières décennies. Cela nous permettra de le recentrer sur certaines missions et renforcer encore son cœur régalien : la sécurité, la justice, la défense et la diplomatie. Dans ces domaines, une faiblesse de l'Etat se paierait cher, l'attente de nos concitoyens est immense, et c'est pourquoi les budgets de ces missions augmentent.
Il vous est proposé en particulier d'augmenter de 6,7 milliards d'euros l'année prochaine le seul budget des armées. C'est 0,2 points de PIB, et cela représente plus de 25 milliards d'euros par an de plus qu'en 2017. Bien sûr, cet effort peut faire débat. Mais je rappelle que notre modèle de défense est souverain, c'est-à-dire que nous développons et produisons nos propres armements, dissuasion nucléaire comprise, et que nous refusons de dépendre de l'étranger, y compris de nos propres alliés comme les États-Unis. C'est notre histoire, fruit du modèle dessiné jadis par le Général de Gaulle, Michel Debré et Pierre Messmer. Cela a un prix, mais il garantit, au-delà de notre liberté, de nombreuses retombées pour notre innovation, nos territoires, nos emplois, notre modèle industriel global et notre balance commerciale.
Voilà encore un effort pour notre indépendance. Il est conséquent, mais il déterminera notre avenir et notre capacité à garantir la paix pour nous-même et notre continent.
Sur toutes les autres dépenses de l'État, des économies seront réalisées et les budgets diminueront.
L'indépendance, c'est assumer plus clairement des priorités. Reconnaissons-le : l'État s'est parfois dispersé. Je le disais, on ne peut pas faire d'économies sur la dépense publique sans une réforme profonde et intelligente de l'État. Et il n'y aura pas de réforme de l'État sans un acte de décentralisation fort. Sans définir ce que doit faire l'État et ce qu'il doit cesser de faire, car d'autres acteurs sont mieux placés pour rendre le service public, en plus forte proximité avec nos concitoyens.
Un nouvel acte de décentralisation est donc nécessaire. Il est attendu, et il permettra de refuser les rabots à l'aveugle : nous devons apprendre du passé. Le temps est venu de la grande clarification. Le Gouvernement présentera un texte en Conseil des ministres avant la fin de l'année. Il aura pour ambition de clarifier qui est chargé de quoi, sur la base d'un principe simple : un seul responsable par politique publique.
Mesdames et Messieurs,
L'esprit de réforme doit nous guider, dans le respect des convictions de chacun. Certains dossiers peuvent avancer avant l'élection présidentielle, et peut-être même en parallèle des débats budgétaires de cet automne, y compris pour la Sécurité sociale. Je pense notamment à l'Allocation sociale unique. Il faut mettre fin au maquis des aides et défendre le début d'un droit clair et lisible qui garantit à chacun un socle de protection adapté à sa situation, sans complexité ni redondance. C'est une réforme d'efficacité, mais aussi de justice sociale : chaque euro versé doit aller à celui qui en a le besoin, et il faudra préserver le juste équilibre entre solidarité et incitation à l'activité. Nos concitoyens nous le demandent.
Les discussions pour ce budget pour 2026 doivent permettre de dégager des mesures de valorisation du travail, de l'effort et du mérite. Valoriser le travail, c'est mieux rémunérer celles et ceux qui s'engagent, alléger les charges qui pèsent sur les actifs, et faire en sorte que chaque heure travaillée compte davantage. La quantité de travail dans le pays participe à notre indépendance.
Le débat aura lieu, des amendements au PLF et au PLFSS seront déposés, notamment par les députés du groupe Les Républicains, et le Gouvernement est disposé à les travailler avec vous comme nous l'avons fait ces derniers jours sur d'autres thématiques avec les députés Renaissance, Modem et Horizons.
Mesdames et messieurs les députés,
Le budget que vous présente le Gouvernement n'a pas vocation à tout régler. Bien des sujets seront tranchés par les Français en 2027. D'ici là, ne compromettons pas l'avenir du pays.
Ne donnons pas raison aux commentateurs pessimistes. Démontrons à nos partenaires économiques dans le monde que nous restons un pays fiable et moteur. Disons à nos compétiteurs que la chronique d'un déclin annoncé n'arrivera pas.
La croissance est possible. La production de richesse est possible, nécessaire même pour la défense de notre modèle social. L'économie repose sur la confiance, la psychologie des acteurs et la visibilité sur l'avenir. Soyons-en collectivement capables. L'année 2026 ne doit pas être une année de perdue pour la France, elle doit nous permettre d'avancer.
Ce budget porte aussi des efforts pour investir dans notre avenir. Pour l'Éducation nationale et la Recherche, pour la transition écologique et pour notre indépendance énergétique. Là encore, c'est un effort que nous devons engager pour ne dépendre ni des matières premières des uns, ni des technologies des autres.
Notre filière nucléaire garantit notre indépendance, des investissements lui seront dédiés dans ce budget comme pour les énergies renouvelables souveraines. J'y reviendrai dans les tous prochains jours.
Il en va de même pour ne pas dépendre des ruptures technologiques des autres puissances, comme pour l'intelligence artificielle, les bio-médicaments, le quantique, le spatial ou encore la décarbonation. La France ne doit pas rater la révolution digitale en cours. Elle n'est d'ailleurs pas en retard si l'on se compare aux autres pays européens. Elle est le premier pays pour les investissements, elle le restera d'autant plus si nous continuons d'investir, nous aussi.
Ces technologies doivent aussi permettre à l'État de se moderniser. A l'heure de l'intelligence artificielle, on ne pourra plus expliquer aux Français qu'il faut six mois pour avoir un rendez-vous médical, deux ans pour obtenir une audience au tribunal, et cinq ans pour passer un marché public. L'indépendance technologique, c'est aussi de façonner le service public de demain, en soutien et dans le respect des fonctionnaires, en acceptant une bonne fois pour toute de simplifier. Ce projet de budget porte des premières réponses.
Mesdames et messieurs les députés,
Le budget que vous propose le Gouvernement est imparfait. Vous le modifierez. Le Gouvernement le modifiera aussi pour accompagner les débats.
Vous débutez vos travaux par la partie recette, et donc celle qui fixe la fiscalité et les différents prélèvements obligatoires. On le sait, c'est sans doute une des questions les plus sensibles dans la séquence parlementaire à venir car il s'agit autant de questions politiques que de questions techniques. Le débat sur la juste répartition de l'effort doit avoir lieu, sur la base de chiffres objectifs et de mesures justes.
Pour cela, les prélèvements obligatoires doivent être regardés dans leur globalité, en évaluant à chaque amendement l'impact potentiel pour notre compétitivité globale, pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat des ménages et pour le fonctionnement final de nos services publics. C'est la grande vigilance à avoir, notamment sur le patrimoine professionnel. On ne peut pas parler de fiscalité sans parler d'économie. Et, à l'inverse, on ne peut pas débattre des prélèvements obligatoires en refusant tout dialogue sur la justice fiscale et sur la progressivité de l'effort au sein des contribuables. C'est aussi simple que cela.
Le Gouvernement se tient prêt sur ces sujets à un débat ouvert et transparent, y compris en modifiant en séance notre propre texte ou en ouvrant aux groupes politiques la capacité d'expertise technique de leurs amendements par les services compétents. Une fois de plus : nous devons travailler différemment et je remercie les rapporteurs généraux et rapporteurs pour leur rôle décisif.
J'avais parlé de rupture, nous y sommes.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ce projet de budget n'est qu'un projet. Ce sont nos travaux qui lui donneront son sens final. Et à la fin, il devra protéger l'essentiel : c'est-à-dire l'indépendance de la France pour que nos concitoyens puissent vivre mieux. Je vous remercie.