01/07/2025 | Press release | Distributed by Public on 01/07/2025 06:26
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les ambassadrices,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver à l'occasion de la 30e édition de la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. Une édition qu'avec la Secrétaire générale et son équipe nous avons souhaité placer sous le signe de l'action, l'action de notre diplomatie au service de la France et des Français.
C'est dans un contexte particulier que nous nous réunissons. L'année 2025 s'ouvre avec son lot de craintes et d'espoir, marquée par les crises internationales, le bruit des bottes, le retour des guerres commerciales, les conséquences tragiques du dérèglement d'une planète désormais en ébullition.
Le Président de la République nous a appelés hier à aborder avec réalisme l'état du monde d'aujourd'hui et les perspectives pour demain. Réalisme sans résignation, lucidité sans défaitisme, optimisme de la volonté, avec au fond du cœur l'intérêt national, l'intérêt des Français.
La sécurité des Français, la prospérité de notre pays, l'affirmation de notre modèle : nous avons collectivement beaucoup à faire. Et c'est grâce à vous que la feuille de route présentée hier pourra se déployer.
Ambassadrices, ambassadeurs, vous exercez un métier unique, à nul autre pareil. Vous avez été appelés à cette vocation par le goût de l'altérité, de l'action ou du grand large. Et voilà que vous sillonnez la planète, projetés tous les trois ou quatre ans de part et d'autre, sans oublier de revenir faire étape au ministère. Enjeux bilatéraux, négociations multilatérales, affaires consulaires, directions d'administration centrale : cette carrière si particulière vous mène sur tous les fronts. Des fronts auxquels vous montez au prix de sacrifices dont on ne saurait sous-estimer le poids dans vos vies personnelles et familiales. Des fronts qui vous exposent parfois aux grandes convulsions du monde.
Je me joins, avec les ministres délégués, à la reconnaissance exprimée hier par le Président de la République à l'endroit des agents engagés à Kaboul, à Kiev, à Port-au-Prince au plus fort des violences, à Beyrouth, à Tel-Aviv, à Jérusalem et sur tant d'autres théâtres où ils font preuve d'un courage qui force notre admiration.
Et je n'oublie pas nos collègues qui ont perdu leur vie dans l'exercice de leurs fonctions au service de la France. Louis Delamare, tué par balle à Beyrouth alors qu'il se rend en voiture de la Chancellerie à sa résidence en septembre 1981. Philippe Bernard, fauché par une balle dans son bureau, alors que des émeutes agitent les abords de l'ambassade à Kinshasa en janvier 1993. Nous mettons tout en œuvre pour que de tels drames ne se reproduisent pas, mais les Françaises et les Français doivent savoir que représenter la France partout dans le monde emportera toujours une part de risque car il y a dans l'arbitraire de la violence une part d'irréductible.
Ambassadrices, ambassadeurs, dans les pays où vous êtes envoyés, vous portez une lourde charge, celle de représenter la France, notre Nation, dans son entièreté, et dans sa diversité. Cela n'est pas rien. Vous êtes investis d'une mission presque impossible, en tout cas très exigeante : celle de défendre, en toute circonstance, l'intérêt national, l'intérêt des Français. Et pour cela, vous cheminez en permanence sur des chemins de crête. S'immerger sans se noyer dans des méandres culturels et politiques qu'il vous faut parcourir les yeux fermés pour agir efficacement. Garder un pied dans l'immédiat, pour saisir ce qui peut l'être maintenant ; l'autre dans le temps long, pour surmonter les défaites et préparer l'avenir. Chercher le compromis lorsqu'il est possible, tout en restant intransigeant sur l'essentiel. Manier alternativement et avec habileté ou la séduction ou le rapport de force, selon les circonstances.
Voilà un métier qui suppose de cumuler quelques qualités qui ne sont pas tout à fait universelles. Je parlais du courage. Je veux parler de persévérance. Celle qui vous donne la force de remettre inlassablement l'ouvrage sur le métier, comme nous l'avons fait depuis près d'un an au Liban, jusqu'à obtenir un cessez-le-feu qui commence à produire des effets, avec les premiers retraits de troupes israéliennes au Sud-Liban hier. Première interruption des hostilités dans la région depuis le 7 octobre 2023, véritable succès diplomatique français, nous le devons à la patience acharnée de notre ambassadeur et de nos équipes, que je remercie et félicite pour leurs efforts. Et je pourrais multiplier les exemples. Alors oui, il faut parfois attendre des mois, des années, recommencer et recommencer encore. Mais il faut imaginer Sisyphe heureux, surtout lorsque l'Histoire, à la fin, nous donne raison.
Je veux parler enfin d'humanité. Car vous êtes entrés dans cette Maison, dans ce métier, avec la passion de servir notre pays en contribuant à construire pour lui des relations apaisées avec les autres nations du monde. Vous avez choisi de placer vos pas dans ceux de générations d'hommes et de femmes qui, par la diplomatie, ont épargné à la France le conflit et la guerre, d'être celles et ceux qui, poussant à son extrémité l'art de la langue et de la traduction, trouvez les mots et les réponses aux problèmes les plus insolubles. Vous savez pouvoir obtenir bien plus de vos interlocuteurs par l'intelligence que la force, par le dialogue que la brutalité, en utilisant votre humanité pour éveiller la leur.
Ces qualités auxquelles je viens de rendre hommage, vous les mettez au service d'un métier que je souhaite vous voir exercer pleinement, et que je souhaite faire mieux connaître aux Françaises et aux Français.
C'est la raison pour laquelle nous allons faire évoluer nettement certains aspects de notre organisation collective.
Je voudrais tout d'abord renforcer votre pouvoir d'agir, car vous avez toute ma confiance. Pour cela, nous allons vous donner davantage de latitude pour gérer votre budget, un agenda de déconcentration et de délégation à votre profit avec davantage de liberté d'arbitrage sur vos crédits de fonctionnement - y compris pour ce qui relève de la formation, de l'entretien immobilier et des opérations d'urgences - et davantage de marge de manœuvre pour le recrutement local. Pour renforcer votre pouvoir d'agir, je souhaite aussi vous rendre du temps : nous allons chaque mois supprimer une commande qui vous est adressée, chaque semaine supprimer un processus qui n'est pas indispensable.
Ensuite, je souhaite poursuivre le développement de nos outils de formation aux métiers diplomatiques et consulaires. L'Académie diplomatique et consulaire prendra véritablement son envol en 2025, avec notamment un cycle de préparation des secrétaires des affaires étrangères et cadres A au concours des administrateurs de l'État, ainsi qu'une offre structurée autour de l'intelligence artificielle. Dans ce même élan, je vous annonce que la première promotion de la réserve diplomatique sera constituée dans les mois à venir, avec 300 participants.
Enfin, je souhaite que les métiers, les lieux, les succès de notre diplomatie puissent être mieux connus des Françaises et des Français. Au second semestre 2025 sera créé un circuit labellisé de 50 sites remarquables de nos territoires qui ont été au cours de l'Histoire le cadre d'événements diplomatiques majeurs en France. Nos concitoyens pourront ainsi être fiers de voir que la diplomatie française a agi au plus près d'eux et a avec chacun d'entre eux des lieux en partage. Comme vous le savez, nous avons lancé cet automne le festival « Cinéma et diplomatie » pour échanger avec le grand public sur la perception et les représentations autour de nos métiers. Je vous annonce que nous lancerons cet hiver le Prix littéraire du Quai d'Orsay, qui sera remis pour la première fois à l'été, avec la participation d'un comité de présélection composé d'agents du ministère volontaires et celle d'un jury trié sur le volet. Il a vocation à s'installer durablement dans le paysage des prix littéraires les plus prestigieux.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,
Après avoir rendu hommage à votre action et évoqué la noblesse du métier qui est le vôtre, je voudrais vous soumettre une question, une question existentielle pour nous : qu'est-ce qui fait la force de notre diplomatie ? Quels sont les atouts qui permettent à la France de boxer, comme on le dit parfois, au-dessus de sa catégorie, d'être entendue dans le vacarme ambiant et d'entraîner d'autres nations avec elle ?
La réponse me semble résider dans trois dimensions, trois atouts maîtres de notre diplomatie qu'il est de notre responsabilité collective de renforcer. Le premier, c'est sa voix singulière. Le deuxième, c'est sa puissance créative. Le troisième, c'est son orientation au service des Françaises et des Français. Permettez-moi de les aborder tour à tour, en commençant par la voix singulière.
Sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale qui déshonora et ruina l'Europe, et au moment où se tissait la réconciliation entre la France et l'Allemagne, nos prédécesseurs ont œuvré avec la conviction qu'il n'y a pas de paix durable sans la justice et pour que s'édifie un ordre international reposant sur le droit, sur des principes d'autodétermination des peuples et d'intégrité territoriale, qui ont été ancrés dans la Charte des Nations unies.
Alors que cet acquis majeur a été progressivement contesté et relativisé, alors qu'il risquait d'être relégué au rang de « modèle parmi d'autres », nous n'avons jamais dévié. Et si la voix de la France est toujours entendue, si elle est toujours attendue et si elle est parfois redoutée, c'est parce qu'elle est toujours du côté de la justice, du droit et des règles collectives, dans un monde ou ces dernières sont constamment remises en cause.
Et souvent, l'Histoire nous a d'ailleurs donné raison. Il suffit de nous souvenir de celles et ceux qui, hier, ont creusé ce sillon. C'est la voix singulière d'Aristide Briand devant la Société des Nations. Celle de Robert Schuman dans le salon de l'Horloge, qui fait basculer le destin de l'Europe. Celle de Maurice Couve de Murville, artisan de la grandeur de la France et de la politique de dissuasion nucléaire. Celle d'Hubert Védrine, dénonçant l'inacceptable unipolarité du monde. Celle de Dominique de Villepin, refusant d'engager la France dans une guerre injuste en Irak. Celle de Laurent Fabius, annonçant il y a 10 ans l'adoption historique de l'Accord de Paris.
Et si depuis bientôt trois ans nous nous mobilisons si fortement pour que l'Ukraine puisse repousser l'agression russe et retrouver sa liberté, c'est bien sûr parce que le combat des Ukrainiens, c'est aussi le nôtre. Chaque fois que les Ukrainiens reculent la menace se rapproche de nous, et c'est bien la sécurité des Françaises et des Français qui est en jeu. Mais c'est aussi parce qu'accepter de laisser triompher la force brutale de l'envahisseur, fermer les yeux sur ses crimes de guerre aujourd'hui, ce serait autoriser par avance toutes les violations futures, où qu'elles soient, et consacrer définitivement la loi du plus fort.
Il en va de même en Syrie, où nous avons combattu avec intransigeance le régime Assad. Nous n'avons jamais cédé à la tentation, que certains partenaires ont pu avoir, de la normalisation. Nous n'avons cessé de soutenir la société civile, les oppositions en exil, les communautés chrétiennes, et toutes celles et ceux qui sont aujourd'hui appelés à construire un nouvel avenir pour le pays. Nous avons été le fer de lance de la lutte contre l'impunité en protégeant César et les lanceurs d'alerte de Tadamon, et en aidant à documenter les crimes du régime, qui devront être punis pour qu'advienne le redressement moral et spirituel du pays.
Car pour la France, en Ukraine, en Syrie comme ailleurs, toutes les vies humaines sont égales en dignité. C'est pourquoi nous dénonçons les violations du droit international et du droit international humanitaire partout et en tout temps - en Israël par le Hamas, à Gaza par Israël, au Liban par Israël, en Israël par le Hezbollah, au Soudan par les forces armées, en Syrie et en Irak par les bourreaux des Yézidis, en Afghanistan par les Talibans. Il n'y pas, dans le langage de la France, de double standard.
Et ces dénonciations ne sont pas des incantations. Elles se prolongent dans l'action au service des populations civiles. Chaque fois que les vies sont en jeu, la France se mobilise.
Un mois après le 7 octobre, pire massacre antisémite depuis la Shoah, c'est à Paris qu'a été accueillie la première conférence internationale de soutien à Gaza. Un an après le début de la guerre meurtrière au Soudan, c'est à Paris qu'a eu lieu une conférence internationale permettant de lever 2 milliards de promesses de dons. Un mois après le début de l'escalade militaire au Liban cet automne, c'est encore à Paris que nous avons réuni les donateurs pour lever plus d'1 milliard de dollars et éviter ainsi l'effondrement du Liban.
Et au-delà des questions de sécurité et d'humanitaire, la France ne détourne les yeux d'aucun des enjeux qui désormais engagent la planète entière, qui ne s'arrêtent pas à nos frontières et qui pèsent lourdement sur le destin des peuples. Dix ans après le succès diplomatique de l'Accord de Paris sur le climat, nous avons rendez-vous avec l'ambition, à Paris, à Nice, puis à Belém. La conférence de Nice doit être pour l'Océan ce que l'Accord de Paris a été pour le climat. Le traité BBNJ, pour lequel notre pays et notre ministère en particulier ont joué un rôle majeur et décisif, doit entrer en vigueur. Je vous appelle à aller chercher les ratifications de vos pays de résidence et j'appelle, avec Éléonore Caroit et les autres parlementaires, à une mobilisation collective pour que nous puissions atteindre nos objectifs. Plus largement, dans la perspective de Nice, je vous appelle à demander aux autorités d'annoncer de nouveaux engagements jusqu'en juin prochain.
Mais la voix de la France, qui inlassablement défend l'équilibre et le droit, ne restera crédible, à l'heure où le droit est contesté, que si nous réformons le droit.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,
Nous ne pouvons plus attendre pour rendre plus juste ce qui est fort et rendre plus fort ce qui est juste.
Cela suppose que chacun trouve sa place dans la gouvernance mondiale. Chaque seconde que nous perdons sur le chemin de la réforme du multilatéralisme alimente le procès en illégitimité de ses institutions. Le succès des BRICS réunis à Kazan, alors même que ses membres n'ont pas de vision commune de ce que doit être demain, est une nouvelle alerte que nous ne pouvons ignorer. Nous en avons parlé ensemble hier.
Ainsi, je souhaite qu'aboutisse à l'horizon 2026, quand notre pays présidera le G7, des chantiers cruciaux pour l'avenir de la paix et de la gouvernance mondiale. Alors que l'ONU fêtera son 80ème anniversaire, avançons résolument pour qu'une juste place soit donnée à nos partenaires africains au sein de la gouvernance mondiale, du Conseil, des institutions financières internationales ; pour l'adhésion la plus large possible et la mise en œuvre concrète du Pacte de Paris pour les peuples et la planète initié par le Président de la République ; pour que les initiatives du Forum de Paris sur la Paix porte leurs fruits ; pour qu'aboutisse l'initiative du CICR - à laquelle nous contribuons aux côtés du Brésil, de la Chine, de la Jordanie, du Kazakhstan et de l'Afrique du Sud - pour une pleine applicabilité du droit international humanitaire. Sur ces sujets, je compte sur votre mobilisation sans faille et je vous solliciterai dans les prochaines semaines avec des instructions en méthode. Il en va de la crédibilité de la voix singulière de la France, dont nous sommes les dépositaires, et qu'il est de notre devoir d'entretenir, dans l'intérêt du pays et dans l'intérêt des Français.
J'en viens à notre second atout : notre puissance créative. Dans un environnement en perpétuel mouvement, où la communication est définitivement désintermédiée, nous avons réussi à nous adapter et à renouveler notre manière de faire de la diplomatie.
Comment défendre nos intérêts dans cet environnement ? Tout d'abord en nous transformant.
Lors des États généraux de la diplomatie voulus par le Président de la République et initiés par Catherine Colonna, nous nous sommes posé des questions existentielles. Les 350 recommandations figurant dans le rapport qui s'en est suivi ont été notre boussole et nous les avons suivies scrupuleusement. 80% d'entre elles ont été mises en œuvre ou lancées. Le processus d'affectation est désormais mieux anticipé, les concours se modernisent, les agents sont mieux accompagnés. Fonds Équipe France, conseillers enjeux globaux, renforcement de la communication - notamment en Afrique -, poursuite de la modernisation de nos services aux Français de l'étranger, assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée… tant de changements qui, ces dernières années, ont fait souffler sur notre ministère un vent nouveau, qui devra s'amplifier. Je présiderai régulièrement un comité exécutif de la transformation pour y veiller.
Devant la reconfiguration des équilibres de la puissance, l'émergence des questions globales, qui ont besoin du concours transversal de toutes les parties prenantes de nos sociétés, la diplomatie française a véritablement fait sa mue. Aux enceintes traditionnelles et historiques, elle a ajouté des formats inédits, qui associent pleinement la société civile, toutes les composantes du multilatéralisme, les fonds internationaux, les grands leaders d'opinion, mais aussi les territoires et les entreprises.
Sans chercher ici l'exhaustivité, je citerai néanmoins quelques exemples marquants de formats que nous avons su inventer ou réinventer.
Le format du Triangle de Weimar, auquel Stéphane Séjourné a redonné vie, et que nous cultivons avec Benjamin Haddad, que je remercie de s'en être pleinement saisi. Ces concertations resserrées visent, en complément de nos efforts en Europe, à mettre le poids du corps sur les dossiers les plus critiques, alors que la guerre est revenue sur le continent européen. J'adresse avec vous tous mes vœux de succès à Radek Sikorski, mon homologue polonais, pour la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne, à un moment charnière pour notre continent, sur lequel le Président est longuement revenu hier.
Le Sommet sur l'intelligence artificielle, que nous accueillerons en février, une initiative résolue pour peser sur la conversation internationale, sur ce qui est sans doute la révolution copernicienne de notre temps. Comme le Président l'a indiqué hier, il s'agira d'élaborer une stratégie française et européenne sur ce sujet majeur, par le dialogue avec les grandes puissances, y compris les grands émergents, au service de l'intérêt public et de la formation.
Les formats que nous avons su créer pour promouvoir la diplomatie féministe, tout en montrant l'exemple, avec la feuille de route égalité Hommes-Femmes dont nous nous sommes dotés en décembre dernier, et la charte de l'Autre Cercle pour lutter contre les discriminations LGBT+, que je signerai en janvier. En juin, nous accueillerons à Paris une grande conférence sur les diplomaties féministes.
Et puis le 19e Sommet de la francophonie, enfin, qui fut l'occasion d'engager tous les États et gouvernements membres, mais aussi, et je voudrais insister là-dessus, la participation de jeunes, d'entrepreneurs, et qui prouve que la diplomatie française sait investir d'autres lieux, d'autres dimensions, autour d'une langue qui peut être un accélérateur de transformation et d'opportunités.
Ambassadrices, ambassadeurs, sur le terrain, vous êtes les créatifs en chef de notre diplomatie. Vous pilotez l'Équipe France et savez agréger l'ensemble des forces vives qui contribuent à notre influence dans le monde. Soyez-en remerciés. Mais le monde évolue trop vite pour que nous nous reposions sur nos acquis. Cette puissance créative qui est la nôtre, nous devons la renforcer, peut-être même la décupler.
Nous avons besoin de plus d'agilité encore. Je souhaite pour cela réduire considérablement la distance entre le Département et le réseau. Pour cela, j'instaurerai une conférence permanente qui poursuivra l'élan donné par notre grand rendez-vous annuel, en associant les postes, et au premier chef, les ambassadrices et les ambassadeurs que vous êtes, à l'élaboration de notre stratégie sur les enjeux transversaux. Votre voix doit compter. De même, lorsqu'il s'agira de mener les grandes négociations, je souhaite que des task forces interministérielles soient montées à l'initiative du Quai d'Orsay, afin que notre maison contribue à la coordination de toutes les filières afin de porter une voix plus unie et plus forte.
Pour être plus agiles, nous ferons dès cette année notre révolution de la donnée. Dès 2025, je souhaite que l'intelligence artificielle soit intégrée à nos outils pour assister nos agents dans des tâches comme la revue de presse ou la recherche juridique. En 2026, nous utiliserons l'IA pour l'assistance à la rédaction. Toutes les tâches que nous pouvons confier à ces outils libèreront du temps collectif et individuel pour nous concentrer sur le cœur de nos métiers, là où nous devons consacrer notre énergie. Dans ces chantiers, vous serez force de proposition et levier d'action.
Je souhaite enfin lancer une réforme de la direction de la communication et de la presse, qui doit nous permettre de développer une véritable communication d'influence à l'ère de la guerre informationnelle. Cette réforme doit se faire en lien étroit avec nos opérateurs et partenaires de l'audiovisuel extérieur français et francophone, et avec nos opérateurs plus largement.
Nous devons ensuite muscler notre capacité d'entraînement en mobilisant autour de notre action les acteurs économiques, ceux des territoires mais aussi les acteurs européens et internationaux, dans une logique de cercle d'influence. J'ai ainsi décidé de confier à Catherine Pégard, que je remercie chaleureusement, une mission portant sur la contribution des entreprises et des mécènes au financement ou cofinancement de notre action dans tous les domaines, de l'aide humanitaire aux enjeux globaux.
Je souhaite également que nous articulions de manière plus serrée la coopération décentralisée des collectivités et l'aide publique au développement, pour que nos villes, nos départements et nos régions soient davantage associés à notre action. Nous évoquerons ce sujet ce soir à l'occasion d'une rencontre dédiée et, d'ores et déjà, je souhaite que nous puissions mettre en place un suivi exhaustif et annualisé de tout ce que notre diplomatie apporte à nos territoires, sur le territoire national, au plus près des Françaises et des Français.
Enfin, pour mieux fédérer, convaincre, promouvoir nos messages, je souhaite, avec le ministre délégué, inviter au moins une fois par an l'ensemble des délégations françaises du Parlement européen au Quai d'Orsay pour faire le point sur les grandes priorités françaises.
J'en viens à notre troisième atout. C'est peut-être le plus important mais aussi le moins bien connu. Notre action au service des Françaises et des Français, dans les moments heureux comme les plus difficiles, pour répondre à leurs préoccupations du quotidien.
Vous pilotez, dans l'action consulaire, un service public envers lequel les attentes de nos concitoyens sont fortes et dont ils attendent de l'efficacité. Je connais votre engagement pour en améliorer la qualité, avec l'appui du Département, et je vous en remercie. À nos compatriotes établis hors de France, une communauté toujours plus nombreuse, vous apportez un service public de plus en plus performant.
Vous avez modernisé les modalités de vote et l'identité numérique sera bientôt déployée. Vous avez mise en œuvre la dématérialisation d'un certain nombre de démarches qui facilitent le quotidien de nos compatriotes. Vous avez amélioré les dispositifs sociaux, par exemple ceux qui nous permettent de lutter contre les violences familiales.
Lorsque nos concitoyens se trouvent dans des situations difficiles et quand, parfois, des drames viennent bouleverser leur existence, la diplomatie française est là pour leur porter secours.
J'ai à cet instant une pensée pour nos otages, que nous n'oublions pas une seule seconde. La situation de nos compatriotes otages en Iran est tout simplement inadmissible ; ils sont détenus injustement depuis plusieurs années, dans des conditions indignes qui, pour certaines, relèvent de la définition en droit international de la torture. Depuis l'élection du président Pezechkian et malgré nos efforts d'engagement au plus haut niveau, leur situation s'est dégradée. Et je le dis avec vous aux autorités iraniennes : nos otages doivent être libérés. Nos relations bilatérales et l'avenir des sanctions en dépendent. Et jusqu'à la libération complète de nos otages, je demande à nos compatriotes de ne pas se rendre en Iran.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs, nos compatriotes établis à l'étranger peuvent aussi compter sur notre action en matière d'éducation. Grâce à vous, se développent partout dans le monde des établissements scolaires de grande qualité. Le Président en a parlé hier : plus de 600 de ces établissements, français comme francophones, permettent à leurs enfants de suivre une scolarité d'excellence. À la rentrée 2024, 25 nouveaux établissements ont rejoint ce formidable réseau, grâce à votre engagement total, du Cambodge au Maroc en passant par les États-Unis.
Et la diplomatie française est au service de nos compatriotes de bien d'autres manières pour répondre à leurs préoccupations.
Préoccupations de nos compatriotes dans les situations les plus extrêmes. Nous avons pris notre part des efforts de la Nation au chevet de Mayotte en coordonnant l'aide internationale et européenne et nous poursuivrons ces efforts sur le temps long, sous l'autorité du Premier ministre. Encore récemment, nous avons mobilisé nos moyens au service de nos compatriotes après le violent séisme au Vanuatu, comme nous l'avions fait au Liban au mois d'octobre, lorsque la situation sécuritaire s'est considérablement dégradée. Je salue à cet égard le Centre de crise et de soutien, qui veille, protège, secourt partout où le monde s'embrase.
Préoccupations de nos compatriotes en matière de sécurité. Alors qu'il y a 10 ans jour pour jour, le terrorisme islamiste ensanglantait Paris et tentait de briser la liberté d'expression, les Français peuvent compter sur la diplomatie française pour contribuer à leur protection. Je veux ici et avec vous saluer la mémoire des victimes de l'attentat de Charlie Hebdo et leur rendre hommage. Et je remercie le dessinateur Jul, véritable ambassadeur de l'humour, qui est venu croquer nos échanges ce matin, comme un hommage.
Les messages que j'ai portés en Syrie il y a quelques jours mais aussi partout dans la région visent exactement cet objectif. Nous ne baisserons pas la garde, devant quelque foyer de terrorisme potentiel que ce soit. Et à ceux qui s'offusquent que nous soyons allés rencontrer les autorités de fait en Syrie, je leur dis avec vous : la diplomatie, le dialogue, c'est la première ligne de défense des Français. C'est la première ligne de défense de nos intérêts. Et la diplomatie française tient toujours sa première ligne.
Préoccupations de nos compatriotes en matière d'immigration. Le Président de la République l'a rappelé hier. C'est une de leurs attentes les plus pressantes et nous devons être pleinement mobilisés pour contribuer à mettre en œuvre une politique migratoire efficace et une politique de visas équilibrée. Et nous sommes à la manœuvre pour cela, à travers l'action de nos consulats et de nos services de coopération. Notre action produit des résultats en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Mais les Français attendent de nous que nous fassions beaucoup plus. Le Président de la République nous l'a demandé hier : nous devons « aider notre pays à reprendre le contrôle » en changeant de culture. La vigilance, l'exigence et les résultats au plan bilatéral seront les conditions pour que nos politiques d'attractivité portent leurs fruits et soient audibles. C'est pourquoi nous avons consacré une rencontre à ce sujet dans le courant de cette conférence. Et c'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs les ambassadrices et les ambassadeurs, dans vos pays, de vous saisir pleinement de cette question et de faire remonter vos propositions au Département. Notre diplomatie œuvre déjà beaucoup pour installer les meilleures coopérations possibles en matière de politique migratoire, en intégrant toutes les dimensions de nos relations bilatérales aux accords auxquels nous parvenons à aboutir. À ceux qui sont tentés de caricaturer ou de diminuer ce travail, n'opposons pas seulement notre désaccord. Faisons tout simplement la démonstration de l'efficacité de ce travail. Soyons lucides et à l'initiative quand nous devons faire mieux.
Préoccupations de nos compatriotes en matière d'emploi. Les résultats de notre politique d'attractivité et d'export sont édifiants, et je veux saluer l'arrivée récente au Quai d'Orsay de Laurent Saint-Martin, l'un des artisans de ce succès français. Deux tiers des investissements étrangers en France se portent vers les villes moyennes, là où le pays a tant souffert de la désindustrialisation des décennies passées. Et nous poursuivons ces efforts pour étendre le champ des possibles de nos entreprises comme l'a rappelé hier le Président de la République avec la grande Europe et ses 700 millions de consommateurs, en commençant par le Royaume-Uni, avec lequel nous partageons beaucoup, ou les Balkans occidentaux, en Indopacifique sur le modèle de nos coopérations acquises en matière de défense, en Amérique Latine pour les matériaux rares, et bien sûr en Afrique, continent d'opportunité et de croissance, où nous reconfigurons nos partenariats, où nous déployons activement l'agenda de Ouagadougou au service duquel nous ouvrirons cette année MansA, la Maison des mondes africains, véritable incubateur pour les industries créatives et culturelles.
Préoccupation de nos compatriotes au sujet de notre indépendance et de la sécurité de nos approvisionnements. La France est engagée à ce sujet depuis 2022, sur les recommandations du rapport Varin, dans une diplomatie de partenariats en matière de métaux critiques, qui a conduit à la mise en place de coopérations : RDC, Australie, Canada, Kazakhstan, Norvège, Japon, Brésil, Serbie, Vietnam, Maroc, Mongolie. Le Président de la République a été très clair sur ce sujet : dans chacun des pays où vous nous représentez, soyez les relais de cette stratégie, qui doit être plus offensive.
Pour traiter de toutes ces préoccupations que je viens d'évoquer, nous disposons de leviers puissants. Je pense, en premier lieu, mon cher Thani Mohamed Soilihi, à l'aide publique au développement, dont nous devons toujours rappeler, pour mieux la préserver des coupes budgétaires, qu'en accompagnant le développement dans le domaine du climat, de l'environnement, de la santé, de l'éducation, de l'égalité entre les femmes et les hommes, elle aide à bâtir un monde plus stable, plus équilibré, ce qui permet de répondre puissamment aux attentes des Françaises et des Français.
Tout cela est très bien. Mais, Mesdames et Messieurs les ambassadrices et les ambassadeurs, il ne suffit pas de faire, mais de faire toujours mieux, et, surtout, de faire savoir.
Car non, tout ce que je viens d'évoquer n'est pas su. Chacun de nous a pu s'en apercevoir lors des débats budgétaires - et je m'exprime devant des parlementaires -, où la contribution du ministère à la réponse aux attentes des Français est parfois passée sous silence. Tout le ministère, des agents en début de carrière jusqu'à à la Secrétaire générale, doit être aujourd'hui pleinement conscient de la réponse que nous apportons aux préoccupations de nos compatriotes, doit être en mesure de l'objectiver, de la caractériser le plus précisément possible et doit contribuer à la faire connaitre, à la rendre visible.
Je souhaite pour cela que nous unifions enfin la marque d'intervention des opérateurs sous Marianne et drapeau tricolore. Nos visuels de communication devront s'adapter à cette nouvelle donne.
Ensuite, je confie au CAPS un chantier qui visera à la fois à mesurer qualitativement et quantitativement l'efficacité et l'impact de notre diplomatie, mais aussi à décupler notre puissance de frappe sur les enjeux de migration, d'emploi, de sécurité des approvisionnements, d'écologie et les questions liées à la protection de nos concitoyens face au terrorisme.
Je souhaite que nous prenions l'habitude d'une communication beaucoup plus proactive vis-à-vis des élus locaux et parlementaires des bénéfices engendrés par notre action au profit de leurs territoires. Fonds européens, attractivité, export, ils seront informés au fil de l'eau par les ministres délégués et moi-même. Et je solliciterai les conseillers diplomatiques auprès des préfets de région pour cultiver ces liens dans l'esprit des initiatives impulsées par Jean-Yves Le Drian. Nous veillerons aussi, sous l'autorité du Premier ministre, à ce que les grands opérateurs publics aillent chercher les fonds européens qui sont insuffisamment mobilisés aujourd'hui. Il y a 1,6 milliards d'euros à récupérer.
Je veillerai, comme le Président de la République m'y a invité hier, à agir avec le ministre d'État, ministre chargé des outre-mer à une meilleure intégration de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional en m'appuyant sur vous.
Après les succès déjà obtenus en matière d'accompagnement à l'export et d'attractivité, je souhaite que nous puissions étendre les missions de la diplomatie économique à l'attractivité des investissements financiers. Les fonds d'investissements français dont nous soutenons l'expansion avec l'union des marchés de capitaux, doivent pouvoir bénéficier de sommes considérables déployées aujourd'hui par les grands investisseurs souverains.
Enfin, pour nos compatriotes de l'étranger, le service France consulaire de réponse téléphonique sera étendu au monde entier d'ici la fin de l'année. Le vote par internet sera étendu à tous les scrutins, et la propagande électorale deviendra entièrement numérique. Nous dématérialiserons l'état civil et nous étendrons le pilote de renouvellement des passeports à distance, qui facilite tant la vie de nos concitoyens.
J'ai été un peu long, mais vous me pardonnerez ; j'avais tant à vous dire. Et je conclurai, cher Jul, par un dessin. « Le vrai visage de la paix », réalisé à quatre mains par Picasso et Eluard, qui nous adressait une invitation :
« Nous fuirons le repos, nous fuirons le sommeil
Nous prendrons de vitesse l'aube et le printemps
Et nous préparerons des jours et des saisons
À la mesure de nos rêves. »
Pour y parvenir, notre pays peut compter sur des équipes d'exception, pilotées et animées par vous, ambassadrices et ambassadeurs. Sur sa voix singulière, sur sa puissance créative, sur son orientation au service des Français. Autant d'atouts que je veillerai, avec vous, à renforcer pour promouvoir les intérêts de notre pays, de notre Europe, pour que vive la République, et que vive la France.