Les Républicains

01/07/2025 | News release | Distributed by Public on 01/07/2025 04:16

Bruno Retailleau : « La France pourrait être frappée demain »

Bruno Retailleau : « La France pourrait être frappée demain »

7 janvier 2025

Le locataire de la place Beauvau se confie à notre journal à l'occasion des dix ans des attentats de Charlie Hebdo.

Le ministre de l'Intérieur, qui a envoyé ce lundi une circulaire aux préfets pour leur demander de renforcer la sécurité des « grands rassemblements » après les récentes attaques à la voiture-bélier en Allemagne et aux États-Unis, veut faire de la « lutte contre l'islamisme des Frères musulmans » l'une de ses priorités.

Nous commémorons ce mardi les dix ans des attentats de janvier 2015. Quels souvenirs en gardez-vous ?

L'horreur et la stupéfaction. Même si, en août 2014, deux mois après la proclamation du « califat» par Baghdadi, j'avais été le premier parlementaire à me rendre en Irak. J'y étais revenu avec l'intime conviction que ce qui se passait sur ce front-là aurait des répercussions sur le front interne. Même si la France avait déjà subi les attentats de Mohamed Merah en 2012, il y a eu un avant et un après 2015.

Depuis dix ans, la menace terroriste est-elle plus élevée en France ?

La menace n'a jamais été aussi présente. En 2024, nos services ont déjoué neuf attentats terroristes islamistes sur le sol français dont trois visaient les Jeux olympiques. Depuis 2017, c'est le plus grand nombre d'attentats déjoués : sept en 2018, quatre en 2019 et en 2021, trois en 2022, et six en 2023. Je veux d'ailleurs saluer l'action remarquable de nos services qui, dans l'ombre, protègent les Français.

La menace s'est-elle accrue avec la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie ?

La situation en Syrie exige la plus grande vigilance. Observons le nouveau régime dirigé par Hayat Tahrir al-Cham (HTC), sans aucune naïveté. Même si certaines déclarations vont dans le bon sens, je n'ai pas souvent vu des terroristes devenir des promoteurs des droits des femmes et des défenseurs des minorités. Heureusement, depuis 2015, la France s'est réarmée contre le terrorisme. Nous avons spécialisé la chaîne judiciaire avec le Parquet national antiterroriste (PNAT), nous mettons en œuvre des techniques spéciales d'enquête et nous disposons d'un nouvel arsenal législatif, notamment contre le séparatisme. C'est parce que nous disposons de ces armes que nous avons pu déjouer de nombreuses attaques. Mais la bataille contre le totalitarisme islamique est loin d'être gagnée, et il est clair que, demain, la France pourrait être frappée de nouveau.

Environ 150 djihadistes français sont détenus dans les prisons kurdes en Syrie. Existe-t-il un risque de remobilisation de ces Français comme combattants ?

Il y avait deux risques en Syrie. Le premier, concernant les Français qui coopéraient avec Hayat Tahriral-Cham dans la région d'Idlib. Nous ne voyons pas, à ce stade, de risque chez eux de projection terroriste. Le second, ce sont ces individus, extrêmement dangereux, emprisonnés et gardiennés par les Kurdes. Le risque est qu'ils profitent de bombardements turcs pour s'enfuir.

Ne serait-il pas plus sage de rapatrier ces personnes en France et de judiciariser leurs cas ?

Ces individus ont commis des crimes sur le sol où ils sont détenus. Ils doivent donc être jugés là-bas.

Les derniers attentats déjoués impliquaient de très jeunes gens, parfois mineurs, qui ne sont pas liés à des mouvements séparatistes…

Pendant la dernière décennie, la menace était exogène. Il peut désormais y avoir une conjonction entre des groupes à l'étranger et la menace endogène, en augmentation, que constituent ces jeunes radicalisés, via les réseaux sociaux notamment. On ne doit rien exclure. Une autre menace vient aussi des islamistes qui sortent de prison. Ils étaient 83 en 2024, et seront plus de 60 en 2025. Concernant ces profils dangereux, la déradicalisation est une vue de l'esprit. Ces individus font l'objet de mesures de surveillance individuelle quand ils sortent de prison. Mais je pense que l'on devrait adopter des mesures de sûreté judiciaires fermes, dans des centres de rétention, comme on l'a fait en 2008 avec les pédocriminels.

Trois influenceurs algériens ont été arrêtés ces derniers jours. Il est difficile de les renvoyer en Algérie pour des raisons diplomatiques. Êtes-vous condamné à l'impuissance ?

Il faut en effet obtenir des laissez-passer consulaires, et donc assumer un bras de fer. Quoiqu'il en soit, ceux qui ont été arrêtés seront jugés : l'un dès ce lundi, les autres les 1er et 24 février. Ces individus testent la résistance de la République : assumons le rapport de force ! Je ne laisserai rien passer, jamais.

Vous souhaitiez une nouvelle incrimination pénale contre l'islam politique. Où en êtes-vous ?

L'islam politique menace nos institutions et la cohésion nationale. La question est de savoir s'il faut insérer ce principe de cohésion nationale dans le périmètre de l'article L410-1. Je souhaite par ailleurs que l'une des grandes priorités de ces prochains mois soit la lutte contre l'islamisme des Frères musulmans.

Pourquoi ?

Le séparatisme vise à séparer la « communauté des croyants » de la communauté nationale. Les Frères musulmans ne cherchent pas à séparer mais à faire basculer nos institutions, à miner la cohésion nationale pour imposer à terme la charia. C'est une stratégie de conquête qui vise à s'infiltrer dans tous les secteurs de la société : cultuels, culturels, sportifs, sociaux, municipaux… Face à cet entrisme, il faudra étendre le champ de la laïcité à d'autres espaces publics. La loi de 2004 sur les signes religieux doit être appliquée : les sorties scolaires, c'est l'école hors les murs. Les accompagnatrices n'ont pas à être voilées. Le voile n'est pas un simple bout de tissu : c'est un étendard pour l'islamisme, et un marqueur de l'infériorisation de la femme par rapport à l'homme.

On va vous reprocher d'incriminer une pensée politique…

Non, ce n'est pas incriminer une pensée mais ce qui a pour objet ou pour effet de menacer nos institutions ou la cohésion nationale. Ce n'est pas rien.

Vous faites un lien de causalité entre l'entrisme et le terrorisme ?

Pour reprendre l'expression de l'islamologue Gilles Kepel, il y a un « djihadisme d'atmosphère ». Le terreau du terrorisme, c'est le séparatisme et l'islam politique. Je veux dire à nos concitoyens musulmans que nous ne menons pas un combat contre leur religion, mais un combat contre une idéologie politique qui défigure leur religion.

Ce combat passe-t-il forcément par voie législative ?

Sur les accompagnatrices scolaires, c'est mon souhait. Il y a aussi le sujet migratoire. Le fait d'avoir ouvert les portes à une immigration incontrôlée, venue d'une aire géographique où l'islam s'est radicalisé, a favorisé la création d'enclaves islamistes, où les jeunes filles sont voilées, où nos compatriotes juifs sont ciblés. Tout se tient. Il faut avoir le courage de se confronter à l'ensemble des causes qui alimentent l'islamisme, à commencer par l'immigration incontrôlée.

Faut-il étendre l'interdiction du voile à l'université ?

J'y suis favorable.

Vous avez déjà convié Nicolas Sarkozy à Beauvau. Est-il possible pour un ministre de l'Intérieur d'assumer une relation avec une personnalité condamnée (affaire des écoutes) ?

J'ai noué une relation amicale avec Nicolas Sarkozy. Et je l'assume parfaitement.

Sur un certain nombre de sujets (AME, délit séjour irrégulier…), François Bayrou a répondu que votre feuille de route n'était pas la sienne. Qu'allez-vous pouvoir faire ?

Jamais je n'aurais accepté d'entrer dans un gouvernement sans avoir la certitude que le cap que j'ai dessiné, avec Michel Barnier, serait préservé. Quand je suis devenu ministre de l'Intérieur, je me suis fait une promesse : ne pas me trahir et ne pas tromper les Français. Avec François Bayrou, nous nous sommes mis d'accord pour maintenir ce cap de fermeté. La fermeté migratoire, une écrasante majorité de Français la demande, qu'ils soient de droite ou de gauche. Attendons la déclaration de politique générale du Premier ministre, le 14 janvier.

Il y a combien de ministres de l'Intérieur au gouvernement ? N'assiste-t-on pas aux débuts d'une concurrence avec Gérald Darmanin ?

Je me réjouis de sa présence. Avoir un tandem entre le ministre de l'Intérieur et celui de la Justice est un vrai atout. Je ne pourrai pas avoir de résultats sans changement de politique pénale. L'énorme problème du système français est la différence entre peine encourue, prononcée et exécutée. Gérald Darmanin le sait.

Laurent Wauquiez a dit que le soutien de LR au gouvernement se ferait texte par texte. Vous êtes d'accord ?

Notre soutien a toujours été conditionnel. Nous n'avons pas toujours partagé les choix de François Bayrou. Il est donc normal que le président d'un groupe parlementaire juge sur pièce. De mon côté, je ne céderai pas d'un pouce sur l'immigration, comme sur le rétablissement de l'ordre public. Face aux dangers qui guettent notre pays, un gaulliste ne fuit pas ses responsabilités. Nous devons être utiles aux Français.

Élisabeth Borne dit à l'inverse de vous qu'il ne faut pas revenir sur le droit du sol à Mayotte… Il y a deux lignes au gouvernement ?

C'est au Premier ministre de la trancher. Mais vous observerez que Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Manuel Valls et François Bayrou lui-même défendent cette idée.

Faudra-t-il à nouveau dissoudre l'Assemblée dans un futur proche ?

C'est au président d'en décider. Je suis respectueux de nos institutions.

Emmanuel Macron dit vouloir consulter les Français. Sur quels sujets ?

Le sujet, pour moi, ce serait l'immigration. Il n'y a pas de phénomène qui ait autant bouleversé la société sans que, jamais, le peuple français n'ait eu son mot à dire. Mais il faudrait une révision constitutionnelle pour le faire…

Jordan Bardella et Marine Le Pen sont les personnalités politiques préférées des Français. Qu'est-ce que cela traduit ?

Ils profitent de deux avantages : l'air du temps est à la radicalisation des points de vue, car trop de colères n'ont pas trouvé de réponses, et ils ont le privilège de ne pas s'être confrontés aux réalités du pouvoir.

Excluez-vous d'être candidat à la présidence des Républicains ?

Bien sûr que l'avenir de la droite m'importe et que j'y prendrai toute ma place. Mais mon rôle, aujourd'hui, c'est de montrer que, au pouvoir, la droite peut assumer et appliquer ses convictions.

Qui est la bonne personne pour diriger LR ?

Nous avons confié à Laurent Wauquiez une mission de préfiguration du mouvement. Nos deux lignes politiques sont proches.

Il y a toujours une relation de confiance entre vous ?

(Silence.) J'ai toujours dit que Laurent est un des grands talents de notre famille.

Vous êtes soumis au risque d'une censure du RN. Marine Le Pen l'a conditionnée à la mise en place de la proportionnelle, que défend François Bayrou. Quelle est votre position ?

Je n'ai pas changé d'avis : la proportionnelle, ce n'est pas l'esprit de la Ve République.

>> Lire l'interview sur LeParisien.fr