12/16/2025 | News release | Distributed by Public on 12/16/2025 23:09
Ce mois-ci, à New York, les dirigeants du monde ont tenté de rompre cette banalisation. Réunis dans le cadre de la 80ème Assemblée générale des Nations Unies, ils ont adopté une déclaration politique qualifiée d'« historique », qui lie pour la première fois, noir sur blanc, la lutte contre les maladies chroniques et la santé mentale, assortie d'objectifs mesurables d'ici à 2030.
Le texte, adopté à l'issue de longs mois de négociations intergouvernementales, a été entériné à l'issue de la quatrième réunion de haut niveau consacrée à ces enjeux, tenue le 25 septembre. Son intitulé ne laisse pas de place à l'interprétation : « Équité et intégration : transformer les conditions de vie et les moyens de subsistance en faisant preuve de leadership et d'initiative concernant les maladies non transmissibles et la promotion de la santé mentale et du bien-être ». Derrière son nom à rallonge, il s'agit d'une inflexion stratégique assumée : considérer ces pathologies non plus comme des fatalités médicales, mais comme des freins majeurs au développement économique et à la cohésion sociale.
Les maladies non transmissibles provoquent chaque année 18 millions de décès prématurés, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les troubles de la santé mentale touchent plus d'un milliard de personnes dans le monde. Partout, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, elles progressent, nourris par des facteurs largement évitables : tabac, alcool, alimentation déséquilibrée, sédentarité, pollution de l'air. Autant de déterminants qui, rappelle l'OMS, fragilisent aussi la santé mentale.
Cette convergence des risques explique la logique du texte adopté : penser ensemble ce que les politiques publiques ont longtemps traité séparément. « L'adoption de ces objectifs audacieux pour maîtriser les maladies non transmissibles et promouvoir la santé mentale témoigne de l'engagement des États Membres à protéger la santé de leurs populations », a déclaré le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans un communiqué. « Ensemble, nous pouvons infléchir la trajectoire des maladies non transmissibles et des troubles de la santé mentale, et offrir santé, bien-être et perspectives à toutes et à tous ».
La déclaration marque une rupture avec les engagements antérieurs par son caractère chiffré. D'ici à 2030, les États se sont accordés sur trois objectifs dits « accélérés » : 150 millions de consommateurs de tabac en moins, 150 millions de personnes supplémentaires dont l'hypertension est contrôlée, et 150 millions de personnes ayant accès à des soins de santé mentale.
Pour éviter que ces cibles ne restent lettre morte, le texte fixe également des jalons intermédiaires, plus techniques mais décisifs : généralisation des politiques de régulation, accès élargi aux médicaments essentiels dans les soins primaires, mécanismes de protection financière pour limiter le coût des traitements, plans nationaux multisectoriels et systèmes de surveillance renforcés. Autant de chantiers structurels qui renvoient à la solidité - ou à la fragilité - des systèmes de santé.
Autre nouveauté : l'élargissement du périmètre. La déclaration inclut pour la première fois des domaines longtemps relégués en marge, comme la santé bucco-dentaire, les maladies du foie ou des reins, les cancers pédiatriques ou les maladies rares. Elle intègre aussi des déterminants environnementaux - pollution de l'air, exposition au plomb, produits chimiques dangereux - et s'aventure sur un terrain encore sensible : celui des risques numériques, liés aux réseaux sociaux, à la surexposition aux écrans et à la désinformation.
Le texte durcit par ailleurs le ton sur plusieurs leviers réglementaires : cigarettes électroniques, nouveaux produits du tabac, marketing d'aliments malsains ciblant les enfants, étiquetage nutritionnel ou élimination des acides gras trans. Le fil conducteur est celui de l'équité, avec une attention particulière portée aux populations vulnérables face au changement climatique, aux petits États insulaires, ainsi qu'aux personnes vivant dans des contextes humanitaires.
Reste la question la plus délicate. Dans un contexte de ralentissement économique mondial et de budgets publics sous tension, la déclaration reconnaît explicitement que le financement de la santé est menacé. Elle appelle les États à sécuriser des ressources « suffisantes, prévisibles et durables », en combinant efforts nationaux, partenariats internationaux et cadres multilatéraux coordonnés.
Surtout, le texte assume une ambition politique visant à replacer les maladies chroniques et la santé mentale au cœur du développement durable et de la justice sociale. Non comme des variables d'ajustement, mais comme des préalables. La mise en œuvre, elle, sera suivie. Le Secrétaire général des Nations Unies devra rendre compte des progrès réalisés d'ici à 2030, avant une nouvelle réunion de haut niveau. L'OMS et les agences onusiennes sont chargées d'accompagner les États et d'assurer le suivi.
Pour les maladies non transmissibles et la santé mentale, longtemps cantonnées aux marges de l'agenda politique mondial, l'enjeu est désormais clair : passer, enfin, du constat à l'action.