04/03/2025 | News release | Distributed by Public on 04/03/2025 22:16
Volker Türk est allé droit au but. « C'est avec douleur que je prends la parole devant ce Conseil une fois de plus pour évoquer la souffrance catastrophique du peuple de Gaza, » a-t-il dit, à l'entame d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation au Moyen-Orient.
La brève accalmie offerte par le cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier est désormais réduite à néant. Depuis la reprise des raids aériens et opérations terrestres de l'armée israélienne dans l'enclave, début mars, cette dernière a tué plus de 1.200 Palestiniens, dont au moins 320 enfants, selon le ministère de la santé de Gaza. Les violences, a souligné Türk, se sont poursuivies même le 30 mars, durant la fête de l'Aïd-el-Fitr, le jour sacré de rupture du jeûne marquant la fin du mois de ramadan.
M. Türk a condamné les attaques contre les infrastructures essentielles-« des immeubles résidentiels, des tentes, des hôpitaux et des écoles, y compris des lieux où les Palestiniens ont été sommés de se déplacer ».
La situation à Gaza est devenue critique, bien au-delà du bilan immédiat des frappes aériennes. Un blocus total imposé par Israël sur la nourriture, l'eau et les fournitures médicales conduit à nouveau l'enclave au bord de l'effondrement. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de fermer ses 25 boulangeries le 1er avril, privant d'innombrables familles de pain. « Les tensions communautaires liées aux pénuries alimentaires sont palpables, » a averti M. Türk, pointant des rapports de violences et d'émeutes à mesure que la faim s'installe.
Le haut responsable s'est également dit consterné par les meurtres de 15 travailleurs humanitaires par l'armée israélienne dans les environs de Rafah, au sud de Gaza. Cet incident suscite selon lui de nouvelles inquiétudes quant au fait que l'armée israélienne serait responsable de crimes de guerre. « Il doit y avoir une enquête indépendante, rapide et approfondie sur ces meurtres, et les auteurs de toute violation du droit international doivent être tenus pour responsables, » a affirmé M. Türk.
Venu témoigner au Conseil sur l'incident, le Dr Younes al-Khatib, président du Croissant-Rouge palestinien, pour lequel travaillait huit des 15 victimes, a évoqué la découverte des corps, dimanche, ensevelis dans une fosse commune, après avoir essuyé des tirs de l'armée israélienne alors qu'ils tentaient de secourir des civils blessés dans les environs à Rafah.
« Nous avons documenté les tirs intenses que le centre de dispatch a pu entendre alors que l'équipement VHF était allumé, » a révélé M. al-Khatib. Un membre de l'équipe, Asad al-Nasasra, a signalé qu'ils étaient pris pour cible. Puis, de manière glaçante, le centre de dispatch a intercepté une conversation en hébreu entre les forces israéliennes et les secouristes piégés. « Cela signifie que certains étaient encore vivants lorsqu'ils étaient sous le contrôle des forces israéliennes, » a-t-il affirmé.
M. Al-Nasasra est le seul membre de l'équipe dont la dépouille n'a pas été retrouvée. Il reste à ce jour porté disparu.
À ces tragédies individuelles s'ajoute l'horreur du bilan humain dans l'enclave, où plus de 50.000 Palestiniens ont été tués et au moins 114.000 blessés depuis octobre 2023, selon le ministère de la santé palestinien. En Cisjordanie, 909 Palestiniens, dont 191 enfants, ont été tués au cours de cette période. Par ailleurs, 51 Israéliens, dont 15 femmes et quatre enfants, ont perdu la vie dans des attaques sur la même période, auxquels s'ajoutent les 1.200 personnes tuées dans l'attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, date du début de la guerre.
La destruction dépasse le simple bilan humain. La moitié de Gaza est désormais sous ordre d'évacuation obligatoire ou désignée comme zone interdite. « Ces ordres ne respectent pas les exigences du droit humanitaire international, » a insisté Volker Türk. Il a également mis en garde contre « la rhétorique incendiaire de hauts responsables israéliens sur la saisie, l'annexion et la division du territoire » palestinien, qualifiant ces déclarations de violations des principes fondamentaux du droit international.
Le haut responsable a exigé la libération immédiate des otages israéliens et des Palestiniens détenus arbitrairement, ainsi que l'arrêt de toute action pouvant être assimilée à un transfert forcé de la population de Gaza.
De son côté, Younes Al-Khatib a exhorté la communauté internationale à agir. « Cela fait un mois entier que la fermeture totale de Gaza par Israël prive deux millions de personnes de nourriture, d'eau, de médicaments et d'abris, » a-t-il protesté. Il a appelé à un accès humanitaire immédiat, au rétablissement du cessez-le-feu et à des enquêtes indépendantes sur le ciblage des travailleurs humanitaires. Pour le président du Croissant-Rouge palestinien, la stratégie israélienne de « punition collective » pour atteindre ses objectifs militaires est une grave violation du droit humanitaire international.
Une accusation reprise par le chef des droits humains de l'ONU dans un énième avertissement : « Je répète qu'il existe un risque élevé et croissant que des crimes d'atrocité soient commis dans le territoire palestinien occupé ».