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10/10/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/10/2025 11:35

Santé mentale en situation d’urgence : entre douleur, résilience et espoir

Santé mentale en situation d'urgence : entre douleur, résilience et espoir

10 octobre 2025

Goma - À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, célébrée chaque 10 octobre, nous mettons en lumière le travail essentiel des professionnels qui accompagnent les personnes touchées par des crises humanitaires. À l'hôpital général de référence de Virunga, situé dans l'est de la République démocratique du Congo, Annie Kahambu Kikoli, psychologue clinicienne depuis trois ans, œuvre chaque jour pour aider ses patients à retrouver un équilibre mental. Elle partage avec nous son expérience, ses défis et ses motivations.

Quels sont les troubles psychologiques les plus fréquents chez les personnes en situation d'urgence ?

Dans mon quotidien, j'accompagne des patients confrontés à une grande diversité de troubles psychologiques. L'anxiété est l'un des plus fréquents, tout comme le stress post-traumatique. Certains revivent leur traumatisme à travers des cauchemars, d'autres développent une hypervigilance, un état de vigilance excessive où la personne est constamment en alerte, comme si un danger pouvait arriver à tout moment, même s'il n'y en a pas. Beaucoup sombrent dans une profonde dépression ; ils se sentent abandonnés, perdent tout espoir, et n'éprouvent plus aucun goût pour la vie.

L'isolement social est également très courant, en particulier chez les personnes dont l'image corporelle a été altérée, comme celles qui, par exemple, ont subi une amputation. Elles préfèrent souvent s'isoler, se cacher du regard des autres. Je reçois aussi des personnes ayant des troubles de la concentration et des difficultés d'adaptation… Ce sont autant de souffrances invisibles, mais bien réelles.

Comment adaptez-vous votre approche thérapeutique à ces besoins spécifiques ?

Chaque personne est unique, et je m'efforce toujours d'adapter mon approche à ses besoins. Je commence généralement par des thérapies individuelles, qui permettent de mieux comprendre les symptômes et les attentes du patient. Cette étape permet de poser les bases d'un travail en profondeur et de créer une relation de confiance. Lorsque cela s'avère nécessaire, ou si le patient peut tirer un bénéfice particulier d'une dynamique collective, je propose alors une thérapie de groupe. Ces séances offrent une expérience particulièrement enrichissante ; elles permettent aux participants de se sentir moins seuls face à leurs difficultés, de s'identifier aux récits des autres, et de puiser dans cette solidarité une forme de réconfort et d'élan pour avancer.

Quels sont les aspects les plus difficiles dans votre travail ?

Ce métier est profondément humain, mais aussi émotionnellement éprouvant. La gestion des émotions est l'un des plus grands défis. Écouter chaque jour des récits traumatisants finit par nous affecter. Il m'arrive de rentrer chez moi épuisée, psychologiquement vidée. Il faut aussi réussir à établir un lien de confiance avec les patients, ce qui n'est pas toujours facile. Certains sont méfiants, fermés, et cela peut prendre du temps. La complexité des cas est un autre défi : chaque histoire est différente, chaque douleur est unique. Et puis, il y a le suivi à long terme. Certains patients ne peuvent pas revenir, changent de région ou ne respectent pas leurs rendez-vous. Cela rend notre travail encore plus difficile.

Quel rôle joue l'accompagnement psychologique dans le rétablissement et la résilience ?

L'accompagnement psychologique joue un rôle essentiel dans le processus de rétablissement et de résilience. Il offre un espace pour exprimer les émotions et pour prévenir l'installation de troubles plus graves comme le stress post-traumatique. En travaillant à la fois sur les dimensions émotionnelles et pratiques du quotidien, nous aidons les patients à retrouver un sentiment d'équilibre et de contrôle sur leur vie. Soigner le corps ne suffit pas : il faut aussi prendre soin de l'esprit pour que la guérison soit complète.

Qu'est-ce qui vous motive dans ce métier ? Pourriez-vous également partager une histoire qui vous a marquée ?

Ce qui me motive au quotidien, c'est de voir mes patients aller mieux. Chaque petit progrès, chaque sourire retrouvé me rappelle que mon travail a du sens. J'apprécie aussi le rôle éducatif de la psychologie, encore peu connue ou mal perçue dans certaines communautés. Chaque séance est une occasion de sensibiliser et d'aider les gens à découvrir leurs forces intérieures.

Parmi les nombreuses histoires de patients que j'ai accompagnés, celle d'une adolescente de 15 ans me revient souvent en mémoire. Elle est arrivée à l'hôpital dans un état critique, après avoir vécu des violences extrêmes et perdu sa famille. Elle ne voulait plus vivre. Grâce à un accompagnement psychologique intensif, elle a peu à peu retrouvé confiance, recommencé à sourire et à se projeter dans l'avenir. Elle voulait honorer la mémoire de sa mère, se battre pour elle. À sa sortie, nous avons réussi à lui trouver une personne de confiance pour l'accueillir. Elle nous a confié qu'elle se sentait renaître. Ce genre de témoignage me rappelle pourquoi je fais ce métier.

Quel message souhaitez-vous transmettre en cette Journée mondiale de la santé mentale ?

La santé mentale doit être une priorité, surtout en contexte de crise. Les psychologues ont besoin de soutien pour continuer à accompagner les autres sans s'épuiser. Il serait utile de mettre en place des temps réguliers pour se retrouver entre professionnels, échanger, relâcher la pression et se recentrer. Ce serait une manière concrète de reconnaître notre rôle et de renforcer notre capacité à agir. Intégrer pleinement la santé mentale dans les réponses humanitaires, c'est agir là où la souffrance est souvent silencieuse.

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Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique
Email: dialloka[at] who.int(dialloka[at]who[dot]int)

Marlène Dimegni Bermi

Chargée de communication

Tél : +243 899 330 358

Email: dimegnim[at] who.int(dimegnim[at]who[dot]int)

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