10/02/2025 | News release | Distributed by Public on 10/02/2025 22:07
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 66.000 personnes ont été tuées et près de 170.000 blessées à Gaza depuis le début du conflit. L'agence estime qu'au moins un quart des survivants souffrent de blessures graves. Près de 5.000 personnes ont été amputées ; des milliers d'autres vivent avec des lésions de la moelle épinière, des brûlures sévères ou des traumatismes crâniens.
En dépit de l'ampleur des besoins, l'accès au soin est fortement entravé. « Le système de santé est au bord de l'effondrement », a averti jeudi depuis Gaza le Dr Rik Peeperkorn, représentant local de l'OMS, lors d'une conférence de presse.
Symbole du désastre, le complexe Al-Shifa, situé en plein cœur de Gaza-ville et longtemps considéré comme le plus grand hôpital du territoire, n'accueille plus qu'une poignée de patients, après avoir été ravagé par les frappes et l'assaut terrestre israéliens en cours.
Peu nombreux sont les établissements qui continuent d'accepter des patients toujours plus nombreux. « Actuellement, seuls 14 des 36 hôpitaux de Gaza fonctionnent, même partiellement », a souligné de son côté le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, durant une discussion avec la presse à Genève.
Dans le sud, le complexe Nasser, à Khan Younès, est devenu le principal hôpital encore partiellement opérationnel. Ses services néonataux sont saturés. Conçus pour 17 nourrissons, ils en accueillent plus de 26 simultanément, certains devant partager la même couveuse. Faute de matériel, les médecins sont contraints de choisir quels enfants peuvent bénéficier des rares ventilateurs disponibles.
Au-delà des infrastructures, ce sont les destins individuels qui révèlent l'ampleur de la tragédie. Yasmeen, une sage-femme à Gaza-ville interviewé par l'agence onusienne pour santé reproductive (UNFPA), raconte : « Mes contractions ont commencé à 4 heures du matin, mais il n'y avait personne pour m'aider… J'ai demandé à mes enfants de mettre un matelas sur le sol. Je n'avais pas d'antalgiques. Mais je n'ai pas eu d'autre choix que d'accoucher moi-même ».
Selon l'UNFPA, une quinzaine de femmes donnent naissance chaque semaine en dehors d'un centre médical, sans assistance qualifiée.
Sahar, une autre sage-femme interrogée par l'agence, décrit un accouchement plus tragique encore : « J'ai utilisé un couteau chauffé au feu pour couper le cordon ombilical du bébé, et des mouchoirs parfumés comme bandages… Quand j'ai pu enfin arriver, la tête était sortie, mais sa peau était bleue. J'ai tenté de le réanimer, mais il avait besoin d'une couveuse, introuvable ». Le nouveau-né n'a pas survécu.
Les bombardements et les ordres d'évacuation israéliens ont poussé des centaines de milliers de personnes du nord vers le sud. D'après le bureau onusien des affaires humanitaires, rien que mercredi, 6.700 personnes ont fui Gaza-ville. Depuis la mi-août, plus de 417.000 mouvements de ce type ont été enregistrés.
Mais le sud n'est pas épargné : des frappes ont touché des tentes de personnes déplacées, des maisons et même un marché bondé à Deir al-Balah. Au cours du mois écoulé, le ministère de la santé local a recensé près de 430 morts et plus de 1.500 blessés.
L'insécurité alimentaire aggrave encore la situation. Un million de personnes n'ont accès qu'à moins de six litres d'eau potable par jour. Depuis la fermeture le 12 septembre du point de passage de Zikim, situé à la frontière nord de Gaza avec Israël, plus aucune aide alimentaire n'a pu être acheminée vers le nord, où l'ONU a déclaré officiellement un état de famine le 22 août.
Au total, 151 enfants sont morts de malnutrition aiguë à Gaza depuis le début de la guerre, y compris, mercredi, la petite Jana, cette fillette de 9 ans au corps décharné dont les photos, diffusées par l'UNICEF, avaient bouleversé le monde au cours des dernières semaines.
Selon l'agence onusienne chargée de la protection de l'enfance, tous les enfants de moins de cinq ans dans l'enclave palestinienne sont désormais sous-alimentés. En juillet, 13.000 d'entre eux souffraient de malnutrition aiguë, soit une hausse de plus de 500 % depuis le début de l'année.
« Les Palestiniens souffrent sans relâche », a lancé le Dr Ghebreyesus, chef de l'OMS, soulignant que les professionnels de la santé et agents humanitaires sont loin d'être épargnés. Selon lui, près de 1.800 agents de santé et au moins 543 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début du conflit.
Pour l'heure, l'OMS recense 15.600 patients, dont 3.800 enfants, nécessitant une évacuation médicale urgente. Mais ces évacuations ne peuvent se faire qu'une fois par semaine, faute de corridors et de pays d'accueil suffisants.
« Nous avons besoin de plus de pays pour accepter les patients », a quant à lui insisté le Dr Peeperkorn, le représentant de l'OMS sur place.
L'OMS assure qu'elle restera présente « tant que le conflit durera et après », pour aider à reconstruire un système de santé désormais brisé.