12/15/2025 | News release | Distributed by Public on 12/15/2025 12:07
« Revenir aux Nations Unies, c'est un peu comme rentrer chez soi », a lancé l'homme politique sud-coréen, lundi, dans une enceinte new-yorkaise qu'il connaît trop bien pour en ignorer les fissures. Face aux diplomates, M. Ban n'est pas uniquement venu célébrer un héritage, mais dresser un constat sévère : celui d'une organisation affaiblie, cernée par les conflits, et entravée par ses propres mécanismes de pouvoir.
Le monde, a-t-il rappelé, ne s'est pas apaisé depuis son départ. Il s'est durci. L'invasion de l'Ukraine par un membre permanent du Conseil, les pertes civiles massives à Gaza, l'érosion du multilatéralisme sur fond de crise climatique ont, selon lui, transformé la crise internationale en « crise pour les Nations Unies ». En cause, d'abord, le Conseil de sécurité lui-même, dont « l'incapacité persistante à fonctionner correctement » constitue, à ses yeux, « la cause la plus flagrante » du malaise actuel.
Le diagnostic est sans détour. L'ancien chef de l'ONU accuse certains membres permanents d'avoir vidé le Conseil de sa substance, en recourant au veto pour se protéger eux-mêmes, leurs alliés ou leurs relais. Sans réforme, avertit-il, « le sentiment d'impuissance des Nations Unies ne sera pas surmonté. Les civils resteront sans protection dans les conflits. L'impunité continuera de prévaloir ».
Mais derrière cette critique institutionnelle se dessine une question plus politique encore : celle de l'élection du prochain ou de la prochaine Secrétaire général(e), poste actuellement occupé par António Guterres, dont le second mandat prendra fin en 2026. Pour M. Ban, le mode de sélection et la durée du mandat participent de l'affaiblissement de la fonction. Il plaide pour un mandat unique de sept ans, estimant que deux mandats de cinq ans rendent le Secrétaire général « excessivement dépendant » des membres permanents du Conseil. Des modalités, rappelle-t-il, qui ne figurent pas dans la Charte fondatrice de l'organisation et que l'Assemblée générale pourrait réformer.
Car, insiste Ban Ki-moon, l'autorité morale ne suffit pas. « Ils doivent également disposer d'un pouvoir réel pour pouvoir assurer la médiation entre des parties en conflit et intervenir plus activement en cas de violations graves du droit international », notamment face aux crimes d'atrocité. Autrement dit, un Secrétaire général affranchi des calculs de reconduction, capable de parler au nom de la Charte, et non sous l'ombre portée des vetos.
Cette tension entre faiblesse matérielle et responsabilité morale était au cœur de l'intervention d'Anjali Dayal, professeure à l'université Fordham, invitée elle aussi à s'exprimer devant le Conseil. À ses yeux, le futur Secrétaire général héritera d'une organisation « aux capacités fortement amoindries », étranglée par une crise de financement qui se traduira concrètement par « moins de nourrissons vaccinés », « moins de nourriture pour les civils pris au piège des conflits » ou « moins de mines retirées des champs où jouent les enfants ».
Et pourtant, souligne-t-elle, les États continuent de se réunir. Malgré les blocages, malgré les divisions, « vous êtes tous ici ». Une présence qui trahit, selon elle, une conviction persistante : celle que la coopération internationale reste préférable à la logique du chacun pour soi. Dans le langage des relations internationales, explique-t-elle, la coopération devient possible lorsque les États accordent plus de valeur à l'avenir qu'aux gains immédiats.
C'est précisément là que se joue, selon Anjali Dayal, la nature du leadership attendu. Le Secrétaire général ne dispose que de peu de moyens matériels, « peu de financement et peu d'autorité formelle ». Mais il détient autre chose : « le pouvoir des idées et du récit », une « autorité morale universelle unique » pour défendre la paix et le bien commun, et la capacité de mobiliser l'appareil onusien autour des objectifs fixés par les États.
La désignation du prochain chef de l'organisation s'inscrit dans une procédure formalisée. Le processus a été officiellement lancé le 25 novembre 2025 par une lettre conjointe de la présidente de l'Assemblée générale et du président du Conseil de sécurité, invitant les États membres à présenter des candidatures.
Les candidats, proposés par un ou plusieurs États, doivent soumettre une déclaration de vision, un curriculum vitae et des informations sur le financement de leur campagne, avant de se prêter à des dialogues interactifs publics organisés par l'Assemblée générale. La liste des candidatures est rendue publique et régulièrement mise à jour afin d'associer étroitement l'ensemble des États membres, même si la recommandation finale reste, en pratique, entre les mains du Conseil de sécurité.
L'histoire, rappelle Anjali Dayal, montre que cette autorité peut peser, même dans les périodes les plus polarisées. Javier Pérez de Cuéllar, élu après six semaines d'impasse au cœur de la guerre froide, ou U Thant, artisan discret du dénouement pacifique de la crise des missiles de Cuba, en témoignent. Leur point commun : avoir su regarder au-delà des intérêts immédiats pour inscrire l'action internationale dans le temps long.
C'est, conclut Anjali Dayal, peut-être « la caractéristique la plus importante » du futur Secrétaire général : quelqu'un qui « accorde plus de valeur à demain qu'aux avantages immédiats d'aujourd'hui », et qui comprend que sa mission est « celle de l'humanité tout entière ».
À New York, alors que s'ouvrent les discussions sur la succession d'António Guterres, les interventions de Ban Ki-moon et d'Anjali Dayal convergent vers une même mise en garde. Sans réforme du Conseil, sans clarification du rôle et de l'indépendance du Secrétaire général, l'ONU risque d'en être réduite à un horizon moral sans prise réelle sur le monde.