Ministry of Europe and Foreign Affairs of the French Republic

12/22/2025 | Press release | Distributed by Public on 12/23/2025 01:32

Entretien de M. Nicolas Forissier, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, avec « RFI » »[...]

Q - L'invité international de ce matin est français, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité. Bonjour Nicolas Forissier.

R - Bonjour.

Q - Et merci d'être avec nous alors qu'en fin de semaine dernière, la France, aidée par l'Italie, a obtenu gain de cause à Bruxelles en obtenant le report de la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur. Une nouvelle date est fixée, le 12 janvier, c'est un petit sursis. Alors que le compte n'y est pas, c'est ce que vous disiez la semaine dernière, c'est aussi ce que dit Emmanuel Macron, le compte n'y est pas, pensez-vous qu'il y sera dans trois semaines ?

R - Écoutez, on a déjà obtenu un report avec l'aide de l'Italie, et c'est extrêmement important. Cela veut dire que la position et les inquiétudes et les exigences exprimées par la France ont été entendues. Nous avons trois semaines, effectivement, pour que la Commission nous donne des réponses précises sur les exigences, les conditions qui sont posées par la France, pour que nous puissions regarder l'accord Mercosur avec un regard différent. Je le rappelle, la question c'est : est-ce que nous avons une clause de sauvegarde pour protéger nos filières sensibles qui soit suffisamment robuste et surtout applicable, opérationnelle ? Ce n'est pas simplement des mots, mais c'est quelque chose, un mécanisme de sécurité, ce qu'on appelle un frein d'urgence finalement, pour éviter qu'une filière, je pense à la filière bovine par exemple, soit mise en danger. Deuxième condition, des mesures miroir, et c'est extrêmement important parce que le débat sur le Mercosur permet, au fond, d'avancer plus que jamais sur cette question des clauses, et des mesures miroirs surtout, qui s'appliquent à toutes les importations et qui reposent, au fond, sur un principe simple : on ne peut pas importer des produits qui ne subiraient pas des normes que, par ailleurs, nous exigeons de nos producteurs. Je pense, évidemment, à l'usage de pesticides ou de phytosanitaires, à l'usage de médicaments dans l'élevage, à la sécurité sanitaire, etc.

Q - Mais après 25 ans de négociations et alors que les soutiens du texte mettent en avant les concessions déjà obtenues ces derniers mois par la France, est-ce que vous sentez dans vos échanges avec l'UE qu'il y a une marge de manœuvre pour avancer sur ces garanties que vous demandez ?

R - Je pense qu'il y a une marge de manœuvre parce que je pense que ce sont des mesures et des garanties de bon sens et qui n'existaient pas dans les débats il y a 25 ans ou même ces dernières années. Elles ont commencé à prendre corps notamment à Montevideo lors du dernier accord sur un texte qui a évolué, qui a pris en compte notamment les Accords de Paris comme élément essentiel, qui a évolué à la demande largement de la France. Il y a une marge de manœuvre parce que ce n'est pas seulement la France qui le demande. Ce sont tous les agriculteurs européens qui disent qu'il n'y a pas de raison que nous soyons victimes d'importations qui viendraient prendre encore plus nos propres productions, nos propres marchés, alors que nous avons des normes que ces importations ne respectent pas ou ne seraient pas obligées de respecter. Donc c'est vraiment quelque chose de très concret, de bon sens et qui s'appliquera bien au-delà du Mercosur, en fait, à l'ensemble de nos accords et c'est pour cela que la France tient bon. Je voudrais juste rajouter qu'il y a un point très important, c'est que ce n'est pas seulement la clause de sauvegarde dans le cadre de l'accord Mercosur, ce n'est pas seulement les mesures miroirs qui s'appliqueraient ou que nous voulons voir appliquées à l'ensemble des importations, mais c'est aussi la question des contrôles qui est posée par la France. Si vous ne pouvez pas contrôler cela, si ce ne sont que des principes, mais qu'il n'y a pas un caractère opérationnel par le biais de contrôles, y compris sur place, par exemple dans l'élevage, eh bien, à ce moment-là, cela ne fonctionne pas. Et si nous n'apportons pas ces réponses au monde agricole, qu'il soit français, et vous connaissez la crise que nous vivons actuellement, ou qu'il soit européen, cela ne fonctionnera pas. Il faut qu'on change de monde.

Q - Que se passera-t-il le 12 janvier si le compte n'y est toujours pas, mais que la France n'a plus de minorité pour le bloquer ? On voit que l'Italie est tentée quand même de se rallier à cet accord. Êtes-vous prêt ce matin à nous dire que la France assumera son isolement jusqu'au bout ?

R - Je pense que la France a toujours été très claire, le Président de la République l'a dit, le Premier ministre l'a dit, le Gouvernement, et j'en fais partie, le dit, tant que nous n'aurons pas de réponse à nos demandes, à nos exigences et des réponses, encore une fois, qui soient précises, opérationnelles, pas simplement des paroles, le compte n'y sera pas.

Q - Mais que ferez-vous très concrètement si cet accord est signé malgré les réticences françaises ? On pourrait imaginer, Nicolas Forissier, que la France n'applique pas cet accord s'il passe contre sa volonté ?

R - Je pense que la France ne signerait pas cet accord, avec des conséquences qui seraient extrêmement fortes. Le Président lui-même a dit qu'il refusait un passage en force. Il a dit lui-même, la semaine dernière, que nous aurions une position qui sera toujours très exigeante et très ferme. Et en l'état actuel des choses, on ne voit pas ce qui peut changer. C'est pour cela que ce qui s'est amorcé, le dialogue qui s'est amorcé de dernière ligne droite, si je puis dire, avec la Commission, avec un certain nombre de pays, est quand même une avancée très importante. Et c'est la France qui l'a obtenue, avec l'aide de l'Italie, qui nous a soutenus, et je tiens à le dire, avec l'aide aussi d'autres pays. Je pense à la Pologne, à la Hongrie, par exemple, ou à l'Autriche. On est loin d'être seuls. Il faut que l'on aboutisse là-dessus, parce que c'est, au-delà de la crise ponctuelle, si vous voulez, de la discussion sur le Mercosur, je pense que structurellement, c'est extrêmement important pour l'avenir. L'Union européenne ne peut pas être un ensemble économique, le premier marché de consommation au monde, qui soit trop naïf, qui accepte des produits qui ne sont pas produits avec ses propres normes.

Q - Nicolas Forissier, l'autre grand sujet de commerce extérieur pour la France cette année, c'était évidemment les droits de douane imposés par Donald Trump aux pays européens. Le président américain qui a affirmé ce week-end avoir menacé la France de droits de douane supplémentaires sur les médicaments, sa version est démentie par l'Élysée. Mais ça montre bien qu'il faut s'attendre à davantage de coups d'éclat, de mesures chocs venues des États-Unis ?

R - C'est l'avis d'un ministre du commerce extérieur, j'ai envie de vous dire. C'est-à-dire qu'effectivement, que ce soit les États-Unis, que ce soit dans la discussion avec nos partenaires chinois, que ce soit plus globalement sur les marchés économiques mondiaux, nous avons des mouvements de plaques tectoniques, des évolutions des positions, parfois avec une forme de brutalité, c'est ce que disent un certain nombre de vos confrères. Et effectivement, il y a en tout cas un caractère très inattendu en permanence, notamment par rapport aux États-Unis. Donc il faut que l'on soit capable de tenir bon là aussi. C'est une question de construction et de renforcement de la position européenne, de l'Union européenne. C'est pour cela que tout cela, c'est une évolution très importante que nous connaissons en ce moment. Moi, je ne suis pas pessimiste, je suis combatif, et c'est la position de la France d'ailleurs, de l'être.

Q - Vous pensez qu'un terrain d'entente peut encore être trouvé avec Donald Trump, qu'il reste un interlocuteur raisonnable ?

R - On a eu déjà des ententes, je vous rappelle qu'au mois d'août dernier, on devait avoir 30% de droits de douane et finalement l'Union européenne, tout le monde a critiqué l'accord de l'Union européenne et de Mme von der Leyen, mais enfin, on a quand même eu 15% au lieu des 30% qui se seraient appliqués au 1er août. Donc il y a eu non pas une humiliation, mais une discussion. Les États-Unis et M. Trump posent leurs propres conditions. Nous devons réagir, devons apporter en face des arguments. C'est ce qu'il se passe. Et après, vous avez une négociation qui a conduit, par exemple, à exclure de tout droit de douane l'industrie aéronautique, on oublie de le dire. Et d'autres sujets sont sur la table en permanence.

Q - Très rapidement Nicolas Forissier, il nous reste à peine une minute. La France n'aura pas de budget avant 2026. Une loi spéciale va être présentée aujourd'hui. Que dites-vous ce matin aux entreprises exportatrices qui s'inquiètent de cette instabilité qui dure et aux investisseurs qui peut-être hésitent un peu plus désormais à investir en France ?

R - Que ce soit les exportateurs, que ce soit les investisseurs, pour investir en France, je rappelle la France est, pour la sixième année, la première destination d'investissement direct étranger, c'est nous qui sommes en tête. Donc, que ce soit pour les exportateurs, que ce soit pour les investisseurs, moi je leur dis que le Gouvernement, l'État, sont à leurs côtés. Évidemment, on va trouver des solutions. L'année dernière, on a trouvé des solutions. Je pense que, comme l'a dit le rapporteur général du budget Philippe Juvin, nous sommes peut-être plus proches que jamais d'une solution dans un pays qui n'a pas de majorité, c'est normal. Il ne faut pas s'affoler, si je puis dire, mais on va y arriver.

Q - Merci Nicolas Forissier, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité en France.

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