Reporters sans frontières salue la mémoire de Jean-Claude Guillebaud, président de l'organisation de 1987 à 1993

Dans la profession, Jean-Claude Guillebaud a incarné une vision à la fois humaniste et exigeante du journalisme et a marqué plusieurs générations de journalistes par son autorité morale.

Sous sa présidence, et aux côtés des fondateurs, au premier rang desquels le directeur général Robert Ménard, RSF a franchi une étape décisive dans son développement, affirmant sa vocation internationale. Ainsi, RSF lance en 1989 la première campagne de parrainages pour les journalistes emprisonnés par des organes de presse français, publie L'information dans le monde, 206 pays au microscope(Le Seuil), prémices du Classement mondial de la liberté de la presse, et organise le 20 avril 1991 la première Journée internationale de la liberté de la presse.

Au sein de RSF, Jean-Claude Guillebaud a animé un débat vif pour que l'association, tout en maintenant ses campagnes de solidarité à destination des journalistes en danger, demeure un espace de réflexion sur le métier. Ses articles "Les médias contre le journalisme" (1990, revue Le Débat) et "Les médias contre la démocratie" (1993, revue Esprit), en plus des colloques organisés au début des années 1990 pour questionner les pratiques médiatiques, ont proposé une différenciation claire entre ce qui relève du champ médiatique et de l'exercice journalistique.

Tenant d'une critique des médias nécessaire mais mesurée, Jean-Claude Guillebaud écrivait ainsi: "les médias seront toujours là demain, après-demain, et plus tard encore. Leur prêter servilement allégeance est une capitulation bêtasse, mais les vitupérer sur le mode dédaigneux n'a pas davantage de sens." Avant de professer son amour du journalisme et son attachement à ces "obstinés" partout à travers le monde qui prennent des risques pour fournir une information fiable.

Jean-Claude Guillebaud alertait sur le risque de "double standard" pour RSF si l'association se concentrait uniquement sur son action dans les pays du Sud et ne s'intéressait pas aux dérives médiatiques dans les démocraties. Il déclarait en 2005 au Monde: "Je pensais que ce type d'association ne pourrait conquérir sa légitimité que si elle consacrait autant d'énergie aux dévoiements de la presse dans les pays riches - à l'information-spectacle, à la concentration... - qu'aux entraves à la liberté de la presse dans les autres pays".

RSF adresse ses condoléances les plus sincères à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui ont partagé son chemin et son idéal d'un journalisme libre.