RSF - Reporters sans frontières

08/06/2025 | Press release | Distributed by Public on 08/06/2025 02:23

UE : sans volonté politique pour l’appliquer, l’EMFA risque de rester lettre morte

Ce 8 août marque l'entrée en application pleine et entière du règlement européen sur la liberté des médias (EMFA). S'il présente des avancées majeures pour la protection des journalistes, l'indépendance et le pluralisme des médias en Europe, son application au niveau national a pris du retard, faute de volonté politique suffisante de la part des États membres. RSF appelle à une mobilisation rapide et proactive des autorités nationales et européennes pour assurer l'effectivité des droits, principes, et libertés que l'EMFA vise à protéger.

Le règlement européen sur la liberté des médias (EMFA), entré en vigueur le 8 novembre 2024, entre en application pleine et entière ce 8 août 2025. Son adoption par les institutions européennes avait suscité une vague d'enthousiasme tant le texte représente une avancée majeure pour le droit à l'information fiableet un signal clair que l'Union européenne (UE) se tient du côté d'un journalisme libre, indépendant et pluraliste.

À la différence d'une directive, l'EMFA est un règlement : il est donc juridiquement contraignant pour les États membres sans nécessiter de transposition. Toutefois, pour être pleinement applicables, de nombreuses dispositions essentielles - tel que l'article 4 relatif à la protection du secret des sources ou l'article 5 relatif à l'indépendance des médias de service public - exigent une actualisation plus ou moins large des lois nationales pour les mettre en conformité avec les exigences du règlement européen.

"En ce 8 août 2025, l'entrée en application de l'EMFA, une législation pionnière de l'Union européenne sur la liberté de la presse, devrait être une occasion de célébrer la garantie renouvelée de droits essentiels. Malheureusement, son application demeure très largement incomplète alors même que les États membres ont eu plus d'un an pour mettre à jour leur droit national. Ce retard révèle un défaut de regard critique sur les cadres législatifs : le règlement vise certes à résoudre des enjeux de liberté de la presse dans des pays où les médias sont sous le feu d'attaques incessantes mais tous les États-membres doivent évaluer leur conformité. Il faut maintenant passer aux actes et s'assurer que l'EMFA délivre toutes ses promesses : la Commission européenne doit demander des comptes aux autorités nationales qui tardent ou renâclent à remplir leurs obligations et engager, si nécessaire, des procédures contre les États les plus récalcitrants.

Thibaut Bruttin
Directeur général de Reporters sans frontières

Dans certains États, il n'existe même pas de trace tangible de projets de loi, la mise en pratique de l'EMFA est restée au stade de l'annonce gouvernementale ce qui laisse craindre une application à tout le moins tardive, voire partielle, du règlement. En Allemagne, un projet de traité sur les médias numériques, liant juridiquement l'ensemble des Länder, a été annoncé au mois de mai pour mettre en œuvre certaines des dispositions de l'EMFA mais la complexité du processus devant conduire à son adoption provoque de l'inertie. En France, le projet de loi devant porter les modifications législatives rendues nécessaires par l'entrée en vigueur de l'EMFA ne sera pas présenté devant le Parlement avant l'automne prochain au mieux.

Et pourtant, il y a urgence dans un grand nombre de pays de l'UE : des journalistes sont surveillésfaute de lois nationales suffisamment protectrices, leurs sourcessont recherchées, des médias indépendants sont mis sous pressionen l'absence de garanties protégeant l'indépendance de leurs rédactions, des décisions motivées politiquementnuisent au pluralisme… Enfin, dans plusieurs pays, les procédures de nominationà la tête des médias de service public restent fortement politisées, à l'instar de la Slovaquie, en contradiction avec l'exigence d'indépendance fixée par l'EMFA.

La Commission européenne ne saurait se contenter d'être une spectatrice passive

Face à cette situation, la Commission européenne doit faire preuve de fermeté. Elle doit envisager de lancer des recours en manquement conformément à l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) si la mise en œuvre concrète de l'EMFA continue de prendre du retard au niveau national. C'est aussi un test de crédibilité : l'adoption de l'EMFA avait été saluée comme une façon de consolider l'infrastructure démocratique de l'UE. L'application de ce règlement doit aussi être une pierre angulaire du futur "bouclier démocratique" que la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen a annoncé pour les prochains mois.

Europe - Asie centrale
France
Découvrir le pays
Image
25/ 180
Score : 76,62
Publié le06.08.2025
  • Cadre légal et justice
  • Indépendance et pluralisme
  • Actualité
  • Union européenne
RSF - Reporters sans frontières published this content on August 06, 2025, and is solely responsible for the information contained herein. Distributed via Public Technologies (PUBT), unedited and unaltered, on August 06, 2025 at 08:23 UTC. If you believe the information included in the content is inaccurate or outdated and requires editing or removal, please contact us at [email protected]