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07/24/2025 | Press release | Distributed by Public on 07/24/2025 13:30

La Cour accueille un appel en faveur de la psychothérapie assistée par les psychédéliques : affaire Toth v. Canada, 2025 FCA 119

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La Cour accueille un appel en faveur de la psychothérapie assistée par les psychédéliques : affaire Toth v. Canada, 2025 FCA 119

14 juillet 2025 Bulletin sur les sciences de la vie Lecture de 6 min
Leila Rafi, Sasa Jarvis*

Une décision de la Cour fédérale du Canada a donné lieu à l'interjection appel de refus par le gouvernement d'autoriser l'accès à la psilocybine dans le cadre d'une formation expérientielle en psychothérapie assistée[1].

Ce psychédélique, un composé psychoactif, est classé comme une drogue selon la Loi sur les aliments et drogues et comme une substance contrôlée selon la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (la « LRCDAS »)[2]. La possession de psilocybine est interdite par le droit pénal, à moins d'être autorisée par une exemption. Le paragraphe 56(1) de la LRCDAS prévoit une exemption pour la possession de substances interdites si elle est jugée nécessaire pour des raisons d'intérêt public, notamment des raisons médicales ou scientifiques comme un essai clinique.

En juin 2022, la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé (la « ministre ») a refusé d'accorder une exemption à la psychothérapie assistée par la psilocybine (la « décision »)[3]. Les demandeurs de l'exemption ont contesté la décision et demandé un contrôle judiciaire pour les motifs examinés ci-dessous.

Contexte

En 2022, une organisation de défense des patients à but non lucratif, 96 professionnels de la santé et huit patients (collectivement, les « appelants ») ont demandé une exemption. Une question était au cœur des procédures : les professionnels de la santé devraient-ils avoir accès à la psilocybine dans le cadre d'une formation expérientielle en psychothérapie assistée? Les appelants ont soutenu que cette formation s'avère essentielle pour offrir un traitement efficace aux patients atteints de problèmes de santé graves. Les appelants ont également fait valoir que le refus de l'exemption constitue une violation des droits prévus à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), qui protège le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité[4] » des personnes sous son régime. La ministre a rejeté la demande d'exemption au motif que les professionnels de la santé ont accès à la psilocybine dans le cadre d'essais cliniques et qu'aucune preuve scientifique ne démontre que ceux ayant reçu une formation expérientielle sont plus aptes à administrer ce type de psychothérapie aux patients.

Les appelants ont présenté une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale à l'égard de la décision. La Cour fédérale a rejeté la demande, concluant que les appelants n'avaient pas qualité pour agir dans l'intérêt privé ou public. Elle a également estimé que les droits des appelants conférés par la Charte n'avaient pas été mis en cause. La juge a déclaré que les essais cliniques constituent une solution de rechange appropriée permettant aux professionnels de la santé d'avoir accès à la psilocybine et qu'ils représentent un moyen de protéger les intérêts de la Charte sans compromettre les objectifs de la LRCDAS. À la suite du rejet de la demande de contrôle judiciaire, les appelants ont interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale (la « CAF »).

CAF

La CAF a souligné l'incapacité de la ministre à justifier le changement de politique par rapport aux exemptions antérieures qui reconnaissaient la nécessité d'une formation expérientielle des professionnels de la santé. L'arrêt, qui ne fournit aucune explication adéquate, ne démontre pas la transparence nécessaire à une décision raisonnable. L'analyse de la CAF prend en compte la norme de contrôle judiciaire, les droits conférés par la Charte et la raisonnabilité de la décision. Dans le cadre de l'affaire, les appelants ont soulevé les trois arguments ci-après :

  1. La ministre a établi un trop grand nombre de restrictions.

Les appelants ont fait valoir que la ministre a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en limitant les exemptions prévues au paragraphe 56(1) de la LRCDAS aux situations où aucune autre option, comme un essai clinique, n'est disponible. Elle n'était pas d'avis qu'une exemption en plus des essais cliniques en cours serait utile dans cette situation. Elle a également avancé les arguments suivants[5] :

  • Un essai clinique offre une plus grande protection aux professionnels de la santé, car elle garantit le respect des bonnes pratiques de fabrication et des normes éthiques[6].
  • Une exemption n'est accordée que dans l'intérêt public, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire[7].
  1. La décision de la ministre est déraisonnable parce qu'elle ne tient pas compte de préoccupations pertinentes.

Les appelants ont fait valoir que le temps et la structure nécessaires à la réalisation d'un essai clinique retarderaient la prestation des soins aux patients et que cela ne cadre pas avec les objectifs éducatifs et le calendrier de leur programme de formation. Ils ont également indiqué qu'un essai clinique exécuté uniquement à des fins de formation des thérapeutes serait contraire aux lignes directrices canadiennes en matière d'éthique, qui interdisent les essais menés principalement à des fins commerciales ou éducatives. Toutefois, la CAF a estimé que les motifs de la ministre derrière cet argument étaient clairs et suffisants pour les raisons suivantes :

  • Il est possible d'assurer une psychothérapie assistée par la psilocybine sans faire l'expérience de cette substance et il n'y a pas suffisamment de preuves de haute qualité pour étayer la nécessité d'une formation expérientielle[8].
  • La composante expérimentale était une exigence de l'organisation de défense des patients, et non une nécessité médicale établie[9]. Par conséquent, l'incompatibilité d'un essai clinique avec le programme de l'organisation n'avait pas valeur exécutoire dans l'évaluation de la demande d'exemption[10].
  1. La décision de la ministre est incompatible avec d'autres décisions antérieures.

La CAF a rejeté les deux premiers arguments des appelants, mais a accueilli l'appel en se fondant sur le troisième. En 2022, la ministre a déclaré qu'il n'y avait aucun consensus d'experts sur la formation expérientielle et que les essais cliniques étaient privilégiés. C'est oublier les exemptions accordées en 2020 après que des experts se sont prononcés en faveur de la formation expérientielle et ont soulevé des préoccupations quant à la faisabilité des essais cliniques. La CAF a conclu que la ministre n'avait pas suffisamment justifié ce changement de politique, soulignant ce qui suit :

  • Le simple fait de reconnaître un tel changement ne suffit pas[11].
  • La décision manque de transparence et ne justifie pas l'incohérence par rapport aux pratiques antérieures[12].

Puisque la ministre ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve, la CAF a accueilli l'appel.

Charte

En plus d'examiner les arguments des appelants, la CAF a tiré des conclusions importantes sur le fait d'invoquer les droits prévus à l'article 7 de la Charte dans le contexte de l'exemption pour la formation expérientielle en psychothérapie assistée par la psilocybine. La CAF a conclu qu'il n'y avait pas eu atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité pour les motifs suivants :

  • Les professionnels de la santé ont volontairement choisi de demander l'exemption pour posséder de la psilocybine. Les procédures judiciaires actuelles découlent de cette décision volontaire[13].
  • Ils n'étaient pas tenus par la loi ou leurs pratiques professionnelles de posséder de la psilocybine, car la formation expérientielle n'est pas un service médical approuvé[14].
  • La CAF a fait la distinction entre l'affaire en cause et des affaires antérieures dans lesquelles les professionnels de la santé risquaient des poursuites pour des services médicaux approuvés[15].
  • Les professionnels de la santé ne peuvent pas s'appuyer sur les droits hypothétiques des futurs patients à consommer de la psilocybine pour renforcer leurs revendications en matière de formation.
  • Les droits conférés par la Charte sont individuels et ne peuvent être revendiqués par procuration, à moins qu'il n'existe un lien juridique direct ou une privation des droits[16].

Conclusion

L'appel a été accueilli, ce qui renvoie l'affaire à la Cour fédérale pour qu'elle réexamine les demandes d'exemption à la lumière des motifs de la CAF. Selon cette dernière, même si la décision n'est pas restreinte de façon déraisonnable, qu'elle examine les arguments liés à la Charte et qu'elle explique pourquoi ni une exemption ni un essai clinique ne sont strictement nécessaires pour les soins médicaux des patients, elle n'explique pas le changement de politique concernant la formation expérientielle des professionnels de la santé. Cette absence de transparence fait en sorte que la décision ne satisfait pas à la norme du raisonnable.

[1] Toth Canada (Mental Health and Addictions), 2025 FCA 119 (« Toth»).
[2] Santé Canada, Avis aux intervenants - Clarification des exigences en vertu du Règlement sur les aliments et drogues et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances lors de la réalisation d'une recherche clinique avec la psilocybine, 11 janvier 2022. Voir également la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, annexe III.
[3] Toth Canada (Santé Mentale et Dépendances), 2023 CF 1283, par. 14.
[4] Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11.
[5] Toth, supra note 1, par. 78.
[6] Ibid., par. 79.
[7] Ibid., par. 80.
[8] Ibid., par. 68.
[9] Ibid., par. 71 et 72.
[10] Ibid.
[11] Ibid., par. 89.
[12] Ibid., par. 95.
[13] Ibid., par. 83.
[14] Ibid., par. 44.
[15] Ibid., par. 43, 44 et 83. Voir aussi Canada (Procureur général) PHS Community Services Society, 2011 CSC 44.
[16] Ibid., par. 46.

Par Leila Rafi, Sasa Jarvis, Anica Villamayor (stagiaire en droit) et Jensen Brehaut (étudiant d'été en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu'un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

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