Soutenu par l'État via France 2030 dans le domaine de la santé, le projet MEDITWIN piloté par Dassault Systèmes ambitionne de concevoir et déployer, d'ici à 2029, des jumeaux numériques destinés à améliorer le diagnostic et la prise en charge des patients en cardiologie, neurologie et oncologie. Ce projet réunit sept instituts hospitalo-universitaires (IHU), l'Inria et plusieurs start-up.
« Nos jumeaux numériques associent le virtuel et le réel : il s'agit d'une représentation numérique de cellules, de tissus, d'organes voire de cohortes de patients, qui incorpore des données en continu », explique Patrick Johnson, directeur général adjoint, Recherche et Sciences chez Dassault Systèmes.
Cette technologie va complémenter les essais réels de manière totalement nouvelle et offre le moyen de tester des scénarios, d'explorer le futur.
Patrick Johnson
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Directeur général adjoint, Recherche et Sciences chez Dassault Systèmes
Des modèles à toutes les échelles
Les jumeaux virtuels de MEDITWIN s'appuient sur la plateforme 3DExperience développée par l'industriel qui propose déjà des jumeaux virtuels de villes entières ou d'équipements : voitures, avions, centres de données…
Il existe des situations dans lesquelles l'imagerie ou les données biologiques ne suffisent pas. Pour des patients à risque d'événement cardiovasculaire, le double numérique de leur cœur permettra d'observer plus finement l'évolution dans le temps des dépôts de lipides dans les coronaires et d'anticiper leurs conséquences fonctionnelles.
Dr Nicolas Pécuchet
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Oncologue et directeur Life Science & Healthcare Research chez Dassault Systèmes
Les cas d'usages des jumeaux numériques développés par le consortium sont la planification de chirurgie cardiaque pédiatrique, l'identification de patients éligibles à l'implantation d'un défibrillateur, la prévention à long terme de maladies cardio-vasculaires, le dépistage précoce de la maladie d'Alzheimer ou encore, avec le jumeau numérique d'un organoïde tumoral, l'optimisation des traitements de métastases hépatiques…
« L'industrie automobile ne fait plus de crash-test avec des mannequins : tout est virtuel. L'objectif est de parvenir à la même chose en santé : faire de l'expérimentation in silico, c'est à dire sous forme numérique, pour tester des molécules, de nouveaux traitements », s'enthousiasme Patrick Johnson. Il imagine demain ces jumeaux au service de la médecine de ville, pour mieux informer les patients, ou dans les services hospitaliers, pour faciliter les réunions de concertation pluridisciplinaire…
Des freins à lever
Dominique Chapelle, responsable scientifique du laboratoire commun AP-HP - Inria Daniel Bernoulli destiné à accélérer la recherche et l'innovation en santé numérique, est plus mesuré. « Pour l'instant, malgré leurs qualités réelles, les jumeaux numériques relèvent encore de la recherche et ne sont pas utilisés en routine médicale. Depuis 2010, on dispose de jumeaux numériques de cœur pour évaluer l'intérêt pour le patient de la pose de pacemakers. Qui est disposé à payer pour la généralisation de cette technologie, comment la faire adopter ? », interroge-t-il.
Il en pointe aussi les limites. « Soit ces modèles, à base d'équations qui décrivent des relations de causes à effet, sont alimentés par l'observation et la mesure, et il leur est difficile à ce stade de rendre compte des composantes biologiques, soit ils recourent à l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique. Ils nécessitent alors d'immenses quantités de données pour proposer des prédictions, et le côté "boite noire" de l'IA rend ces dernières peu acceptables pour des médecins ».
Pour autant, il est convaincu que les jumeaux numériques, sous une forme ou une autre, finiront par s'imposer. « Ils représentent un bénéfice énorme, à la fois sur le plan individuel, et pour la société dans son ensemble », conclut-il, citant en exemple le projet MAJOR développé pour l'AP-HP, dans lequel un modèle numérique du système cardio-pulmonaire des patients en réanimation utilise les données de monitorage pour limiter la survenue d'événements indésirables.
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