Enquêtes NETendances: 25 ans d'évolution numérique au Québec

Selon Astrid Alemao, responsable des enquêtes NETendances à l'ATN, les adultes québécois ne font plus vraiment la distinction entre l'utilisation de leur cellulaire ou de leur ordinateur lorsqu'ils utilisent l'Internet.

- Getty Images, SimonSkafar

En 2000, se connecter à Internet relevait encore de l'exception. Aujourd'hui, le numérique est partout. Les enquêtes NETendances retracent la transformation de son usage au Québec depuis les 25 dernières années. Astrid Alemao, responsable de ces enquêtes à l'Académie de la transformation numérique (ATN) de l'Université Laval, révèle trois grands axes d'évolution et des tendances à surveiller.

L'usage d'Internet

En 2000, seulement 34% des adultes québécois utilisaient Internet, contre 95% en 2024. Déjà en 2001, NETendances voyait l'émergence d'un fossé numérique. «Il était au détriment des personnes plus âgées, des personnes aux revenus plus faibles, des personnes en région. Ce fossé touchait le fait d'être connecté ou non», rappelle Astrid Alemao.

Aujourd'hui, on parle plutôt de fracture numérique qui touche des thématiques plus larges comme l'accès à du matériel de qualité et à une connexion performante, la littératie numérique, la capacité à utiliser des services en ligne et l'incapacité physique, avec les personnes malvoyantes par exemple. «On se préoccupe plutôt de la capacité d'utiliser le numérique de façon à améliorer sa vie», résume la responsable des enquêtes.

Le concept de fracture numérique reste au cœur des préoccupations de NETendances, mais un nouveau thème s'ajoute en 2025: la proche aidance numérique, c'est-à-dire la dépendance d'un adulte envers un autre pour accomplir des tâches numériques. «Est-ce qu'il y a un adulte dans mon entourage qui est dépendant de moi pour faire ses transactions bancaires, pour payer ses taxes en ligne, pour soumettre ses impôts? Au niveau de la société, c'est très important», souligne Astrid Alemao.

L'Internet mobile

«Évidemment, on ne mesurait pas l'utilisation du téléphone intelligent en 2000, mais à partir de 2010, l'Internet mobile a été un des focus», rapporte Astrid Alemao. Le pourcentage est passé de 17% des adultes québécois qui avaient un téléphone intelligent en 2010, à 87% aujourd'hui.

Son usage est tellement intégré dans les comportements numériques, que ce n'est plus un sujet en soi, ajoute la responsable. «Les gens ne font plus trop la distinction s'ils sont sur leur cellulaire ou sur leur ordinateur. Ils utilisent leurs services un petit peu partout, tout le temps.»

NETendance s'intéresse plutôt aux types d'activités en ligne, comme s'informer, se divertir ou utiliser des services. En ce qui concerne le téléphone intelligent, les données visent davantage l'accès, comme la connexion au réseau 5G, plus rapide et performant que les quatre générations précédentes.

Le commerce en ligne

Aujourd'hui, les trois quarts des adultes québécois magasinent en ligne. En 2000, ce chiffre était de seulement 12%, car 70% des personnes sondées considéraient que payer en ligne avec leur carte de crédit était peu sécuritaire. «Les gens ont vu les autres le faire ou l'ont fait une fois et ça s'est bien passé, donc la confiance s'est installée progressivement. Les habitudes se sont normalisées», précise Astrid Alemao.

Au-delà de la tendance générale, le commerce en ligne n'est pas à l'abri des fluctuations en lien avec des événements marquants. Durant la pandémie, l'enquête NETendances a montré une augmentation du pourcentage d'adultes québécois qui achetaient en ligne, passant de 63%, en 2019, à 78% en 2020. À l'inverse, avec la fermeture des entrepôts Amazon et les tensions commerciales avec les États-Unis, 73% des adultes québécois avaient diminué ou cessé leurs achats en ligne auprès de commerçants américains et 17% déclaraient avoir boycotté Amazon, ajoute la responsable.

Des nouvelles tendances à explorer

Depuis ses débuts, NETendances surveille les enjeux émergents et y adapte ses thématiques.

En 2025, la santé connectée sera un des nouveaux thèmes. «Comment les gens accèdent-ils à leur rendez-vous? Comment utilisent-ils des applications pour gérer leur santé physique et mentale? Comment le contenu auquel ils sont exposés sur Internet va-t-il influencer leurs décisions de santé?», résume Astrid Alemao.

Les enquêtes s'intéresseront aussi au divertissement connecté, comme les jeux vidéo et les jeux en ligne, et à la littératie financière numérique, c'est-à-dire le niveau de compréhension des concepts financiers et de gestion à travers des applications.

L'information et la désinformation en ligne sont aussi des enjeux émergents avec les sources d'information comme les influenceurs de nouvelles ou les balados. L'objectif est aussi de voir si les gens ont conscience des biais algorithmiques sur les réseaux sociaux, car en 2024, 40% des internautes s'informent régulièrement par ces plateformes.

L'intelligence artificielle (IA) est un incontournable, notamment dans son usage grandissant. Au Canada, un sondage de Léger a noté une croissance de 10 à 15% du nombre de personnes qui ont déjà utilisé une IA entre 2024 et 2025. «C'est assez énorme, souligne Astrid Alemao. Il y a cette augmentation rapide au début, mais au bout d'un moment, un palier sera atteint.»

Une nouvelle ère portée par l'expertise universitaire

Les enquêtes NETendances sont sous la responsabilité de l'ATN depuis 5 ans, à la suite de la fermeture de l'entreprise CEFRIO qui les avait lancées en l'an 2000. La reprise par l'ATN a permis d'enrichir les enquêtes grâce à une collaboration avec des scientifiques de l'Université Laval, qui fournissent bénévolement des analyses qualitatives pour interpréter les données. «C'est très rare que les professeurs nous disent non, parce que c'est une publication qu'ils connaissent, qu'ils lisent et qu'ils utilisent», rapporte Astrid Alemao, ajoutant que c'est aussi une source d'information précieuse pour les gouvernements et les entreprises.