10/06/2025 | Press release | Archived content
Le Rwanda a réalisé des avancées remarquables depuis une vingtaine d'années. Presque tous les foyers du pays ont désormais accès à la téléphonie mobile et à l'enseignement primaire. Plus de la moitié de la population a l'électricité, et un habitant sur cinq a accès à l'eau potable et à des services d'assainissement. Les Rwandais consomment aujourd'hui trois fois plus d'électricité et leur espérance de vie s'est accrue de 20 ans.
Ces progrès ont été rendus possibles par une augmentation relativement modeste des dépenses d'investissement, d'éducation et de santé, qui sont passées de 150 à 420 dollars par personne, ce qui est même inférieur à la moyenne en Afrique subsaharienne. La différence au Rwanda tient à une plus grande efficience des dépenses publiques, qui est une solution face aux pressions budgétaires résultant de la lenteur de la croissance, de l'augmentation de la dette, du vieillissement de la population et des besoins croissants en matière de défense. Le plus important est de faire en sorte que chaque centime provenant des contribuables soit utilisé à bon escient.
Selon notre nouvelle analyse portant sur 174 pays, parue dans la dernière édition du Moniteur des finances publiques, les États pourraient, en moyenne, tirer un tiers de valeur supplémentaire de leurs dépenses en adoptant les meilleures pratiques. Grâce à une plus grande efficience de leurs dépenses et à une meilleure allocation des ressources existantes, les pays émergents et les pays en développement peuvent augmenter leur production de 11 % à long terme et les pays avancés, de 4 %. Plus qu'une simple tactique budgétaire, dépenser plus intelligemment est une stratégie de croissance.
Qu'est-ce que « dépenser plus intelligemment » implique ?
Premièrement, il faut améliorer la répartition des dépenses. Dans la plupart des pays, l'investissement public, qui peut être un facteur favorable à la croissance, a diminué de 2 points de pourcentage des dépenses totales au cours des deux dernières décennies. L'éducation est un autre domaine où les dépenses publiques sont restées modestes, représentant environ 11 % des dépenses totales. Parallèlement, un grand nombre de pays sont confrontés à une masse salariale élevée dans le secteur public, qui représente en moyenne un quart des dépenses totales.
Deuxièmement, il convient de renforcer « l'efficience technique des dépenses », c'est-à-dire le rendement maximal pouvant être obtenu avec un niveau fixe de dépenses publiques. Nous évaluons cette efficience en comparant les résultats observés aux meilleures pratiques en matière de gestion, de technologie et de dispositifs institutionnels. Le Canada, par exemple, consacre environ 2 500 dollars par personne et par an à l'éducation, soit environ 300 dollars de moins que les autres pays avancés. Pourtant, la durée moyenne de scolarité des adultes est de 13,7 ans, ce qui place le Canada au deuxième rang mondial, derrière l'Allemagne.
Des gains économiques importants
Dépenser les deniers publics de manière intelligente peut considérablement stimuler la croissance à long terme, tant dans les pays avancés que dans les pays en développement.
Il ressort de notre analyse que si l'on réaffecte 1 % du produit intérieur brut vers l'investissement dans les infrastructures plutôt que de consacrer cette part à des dépenses publiques à faible impact, la production augmente d'environ 1,5 % dans les pays avancés et de 3,5 % dans les pays émergents et les pays en développement sur une période d'environ 25 ans. Réorienter le même montant vers l'investissement dans le capital humain, par exemple en améliorant les systèmes éducatifs, peut générer un rendement d'environ 3 à 6 % dans ces deux groupes de pays. Ce qui est aussi important, c'est que cette réorientation des dépenses peut réduire les inégalités de revenus.
Une plus grande efficience des dépenses amplifie ces gains à long terme. En augmentant l'efficience de l'investissement de 10 points de pourcentage, les gains de production peuvent être accrus de 1,4 %. Les résultats seront d'autant plus grands et immédiats que les pays combleront rapidement ces écarts.
Des mesures complémentaires sont aussi importantes. Dans les pays avancés, associer la recherche et le développement à l'investissement dans le capital humain contribue à améliorer la productivité. Dans les pays émergents et les pays en développement, combiner dépenses d'infrastructure et dépenses d'éducation permet d'équilibrer les gains à court terme et à long terme : le capital physique dynamise rapidement la production, tandis que le capital humain renforce la productivité future.
Faire aboutir les réformes
Les réformes en matière de dépenses sont difficiles à mettre en œuvre. Souvent, les pays fixent un niveau minimum légal de financement pour l'éducation, la santé ou la protection sociale. Il est aussi ardu de modifier les salaires et les pensions du secteur public. Environ un tiers des dépenses sont « verrouillées » à l'échelle mondiale et ce sont dans les pays avancés que la rigidité est la plus forte.
Pour autant, nous disposons de bons exemples de la marche à suivre. L'Estonie et la Suède ont réduit le niveau de rigidité en ayant recours à une planification budgétaire sur plusieurs années : toute nouvelle dépense doit faire l'objet d'une réduction compensatoire dans les années à suivre. Les allocations budgétaires sont aussi plus étroitement liées aux résultats obtenus par le passé dans ces pays. Cette stratégie de réforme des dépenses est plus efficace que des coupes budgétaires générales, qui risquent de perturber les services essentiels et de réduire l'efficience.
La lutte contre la corruption, le renforcement de l'état de droit et l'amélioration de la transparence budgétaire peuvent également contribuer à une plus grande efficience des dépenses. Des processus de passation de marchés publics concurrentiels, une meilleure gestion des investissements publics et la numérisation de la gestion des finances publiques sont aussi utiles. Ainsi, le Togo a amélioré l'efficience de l'investissement de 5 points de pourcentage après avoir mis en place en 2016 des analyses coûts-avantages de tous les projets et une planification pluriannuelle.
Tenir compte de l'espérance de vie pour fixer l'âge de la retraite ou mettre l'accent sur la prévention des maladies pour réduire les coûts futurs de santé peut être un moyen d'assurer la viabilité à long terme des dépenses sociales. Par ailleurs, il est indispensable d'aligner les rémunérations du secteur public sur les références du marché et de renforcer le contrôle de la masse salariale, en particulier dans les pays en développement où les salaires dans le secteur public dépassent souvent de 10 % ou plus ceux du secteur privé.
Enfin, en procédant à une revue des dépenses, assortie d'objectifs clairs et faisant le lien avec les décisions budgétaires, les pouvoirs publics peuvent identifier les économies possibles et accroître l'impact de leurs mesures. Ce type de revue a permis à la République slovaque de mettre en évidence des économies potentielles de 7 % des dépenses publiques.
En résumé, une plus grande efficience des dépenses et une meilleure affectation des ressources existantes permettent aux pays de renforcer leurs finances publiques, d'accroître leur résilience et d'améliorer leur croissance économique à long terme.