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11/13/2025 | News release | Distributed by Public on 11/13/2025 04:41

Bruno Retailleau : « Boualem Sansal est si Français, et il a tant manqué à la France ! »

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Bruno Retailleau : « Boualem Sansal est si Français, et il a tant manqué à la France ! »

13 novembre 2025

Pour l'ex-ministre de l'Intérieur, « les gratteurs de plaies sont des semeurs de haine » et le « en même temps » d'Emmanuel Macron « un double jeu ».

Boualem Sansal a finalement été libéré, un an après son arrestation par le régime algérien. Comment avez-vous réagi à l'annonce de sa libération ?

Avec beaucoup de soulagement et de joie. Je pense à sa famille, si digne. À tous les courageux, aussi, qui se sont mobilisés au sein du comité de soutien pour sa libération, quelles que soient leurs sensibilités, alors que trop de bonnes consciences se sont tues… Boualem va enfin retrouver le pays qu'il aime, et qu'il incarne : dans ce mélange d'intelligence et d'impertinence, dans son attachement charnel à notre langue. Il est si Français, et il a tant manqué à la France !

Boualem Sansal est resté près d'un an dans les geôles algériennes. À qui la faute ?

Il y a eu deux lignes politiques au gouvernement. Celle du « pas de vague » diplomatique, qui est un renoncement. Mais la diplomatie des bons sentiments a échoué. Et il y avait ensuite ma ligne : celle de la fermeté, de la défense des intérêts français comme de l'honneur de la France. Car j'ai toujours dénoncé le chantage mémoriel que pratique le régime algérien. Aucune douleur de l'histoire ne donne au pouvoir algérien le droit d'offenser la France et d'envoyer au cachot un écrivain franco-algérien. Malheureusement, au plus haut sommet de l'État, cette ligne ferme n'a pas été suivie.

Laurent Nuñez, votre successeur Place Beauvau, a déclaré dans un entretien au « Parisien » que le bras de fer n'a pas produit de résultats.

Mais le bras de fer n'a pas eu lieu ! J'ai pourtant tout essayé, tout tenté, pour que la France assume vraiment un rapport de force, en activant les quelques leviers dont je disposais à Beauvau. J'ai décidé de la suspension de l'accord de 2013 sur l'exemption des visas pour les officiels. J'ai aussi prononcé des interdictions d'accès au territoire français pour un certain nombre d'individus appartenant à la nomenklatura, mais j'ai également suspendu la validité des titres délivrés à des irréguliers par des consulats algériens en France. Le consulat de Toulouse avait en effet délivré des titres à des Algériens sans papiers : dès que nous nous en sommes aperçus, j'ai demandé aux autorités préfectorales de ne pas en tenir compte.

Vous avez évoqué le « plus haut sommet de l'État ». Où le situez-vous ?

Le Quai d'Orsay et bien sûr l'Élysée. Emmanuel Macron était pourtant bien placé pour savoir que les mains tendues à l'Algérie ont toutes été repoussées : en 2022, les deux chefs d'État algérien et français avaient signé une feuille de route bilatérale que le Quai d'Orsay avait qualifiée de partenariat d'exception. Or, depuis, les entreprises françaises ne cessent de perdre des parts de marché, le français a été éradiqué des programmes scolaires, et l'Algérie avait même interdit à nos avions de survoler son espace aérien pour aller appuyer nos forces qui combattaient les djihadistes au Sahel. Enfin, les contacts sécuritaires ont été stoppés net avant les Jeux olympiques, alors que, même avec la Russie, ces contacts s'étaient poursuivis.

Quand j'entends que c'est mon action au ministère de l'Intérieur qui a conduit à l'interruption des relations sécuritaires avec l'Algérie, ce n'est pas exact : avant même mon arrivée à Beauvau, la coopération entre nos services n'existait plus. Pire : les services algériens considéraient la France comme leur terrain de jeu. Je rappelle qu'ils ont tenté d'enlever un opposant sur notre sol : une opération de pieds nickelés qui, après avoir échoué, s'est transformée en projet d'assassinat. Je me suis opposé à ces actes inacceptables sur notre territoire, j'ai aussi combattu les appels à la haine lancés par les influenceurs algériens, comme j'ai dénoncé la mauvaise foi du régime algérien dans l'application des accords, notamment ceux de 1994 sur les OQTF. Ces accords obligent les deux États, la France ou l'Algérie, à reprendre leurs ressortissants. Or, je vous rappelle que l'individu qui a perpétré l'attentat de Mulhouse avait été présenté aux autorités algériennes à 14 reprises : jamais elles ne l'ont repris, et un homme est mort.

Pourtant, le 6 août, Emmanuel Macron envoie une lettre au premier ministre François Bayrou lui demandant « d'adopter une approche de plus grande fermeté ».

Le président de la République a, une fois de plus, fait du « en même temps » : hausser un peu le ton tout en baissant pavillon, c'est illisible et donc inefficace.

Vous voulez dire que cette lettre n'a été suivie d'aucun effet à l'Élysée ?

Aucun. Encore une fois : la ligne de fermeté n'a jamais été suivie. Regardez ce qui s'est passé cet été quand l'ambassade de France en Algérie s'est vantée d'avoir distribué 8300 visas étudiants, soit 1000 de plus que l'année précédente, alors même que l'Algérie ne reprend pas ses ressortissants dangereux.

Une des critiques de Laurent Nuñez est aussi de dire que le bilan en matière d'exécution des OQTF justifie le changement de ton. Cinq cents éloignements en octobre contre 1400 l'an dernier sur la même période.

Que ce soit 1400 ou 500, c'est beaucoup trop peu. Par ailleurs, au moment de la constitution du gouvernement, un des points sur lesquels je me suis heurté dans les négociations avec Sébastien Lecornu et avec le président de la République a été la politique des visas. J'estime qu'on ne peut pas demander au ministre de l'Intérieur de réguler les flux migratoires en lui donnant seulement la responsabilité des sorties. D'ailleurs, j'observe que pour ce qui concerne les sorties, nous sommes désormais numéro un des 27 pays européens. Preuve que nous avons obtenu des résultats en un an. En revanche, si on veut gérer les flux, on doit aussi gérer les entrées. Or, la France distribue à peu près 26 % de la totalité des visas des 27 pays de l'Union, soit 900 000 de plus que l'Allemagne. C'est incompréhensible. J'ai donc souhaité que le ministre de l'Intérieur, moi ou un autre, ait la compétence exclusive sur les visas, et non plus partagée avec le Quai d'Orsay. Concrètement, cela aurait permis de dire à l'Algérie : puisque vous ne délivrez qu'au compte-gouttes les laissez-passer consulaires pour vos ressortissants qui n'ont plus rien à faire en France, alors nous diminuons les visas que la France accorde aux Algériens. Voilà ce qu'aurait été une politique de fermeté assumée.

Mais à votre nomination Place Beauvau, vous vous étiez félicité d'avoir récupéré les visas ?

Ce n'était que la partie des visas de long séjour. Celle de court séjour est malheureusement restée au Quai d'Orsay. En outre, le ministère n'avait pas la compétence exclusive, il devait la partager avec le Quai d'Orsay. On ne peut pas combattre les désordres migratoires en ordre dispersé. En outre, cette mesure ne nécessite pas de modifier la Constitution ni même de voter une loi : elle est d'ordre réglementaire.

Dans la négociation avec Sébastien Lecornu, aviez-vous obtenu gain de cause ?

Non ! Et cela a été un des points qui m'ont convaincu que la rupture promise par Sébastien Lecornu n'était en définitive qu'une posture.

Comment expliquez ce « en même temps » d'Emmanuel Macron ?

Il y a d'abord la mauvaise conscience, celle de l'ancien pays colonisateur qui se reconnaît coupable pour l'éternité. Et puis, il y a cette crainte d'éventuelles réactions chez les Franco-Algériens. Je note que lors de la dernière élection présidentielle algérienne, la participation de la diaspora en France a été très faible. Un peu plus de 5 %. On voit bien que le pouvoir algérien mobilise peu en France. Cette crainte ne me semble donc pas fondée ; mais quand bien même elle le serait, quel aveu de faiblesse !

Quel rôle a joué Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères ?

Le Quai est un instrument au service de l'Élysée, car la politique étrangère est dans le domaine réservé du président de la République. Jean-Noël Barrot, avec lequel j'ai eu de bonnes relations, exécutait les décisions qu'Emmanuel Macron prenait.

Y compris quand il critiquait publiquement votre ligne de fermeté ?

Il relayait la ligne de l'Élysée. La politique étrangère de la France devrait se recentrer sur la défense de nos intérêts nationaux. Il se peut que certains l'aient oublié. Le Quai d'Orsay, pour moi, ne doit pas être une ONG.

Ce « en même temps » ne s'est-il pas transformé en double jeu ?

Mais le « en même temps » est toujours un double jeu ! Emmanuel Macron me laissait faire et envoyait Jean-Noël Barrot critiquer ma ligne et ouvrir les vannes des visas. Où est la cohérence ? Et où est la confiance ? Pour ma part, je n'ai jamais rusé, j'ai toujours joué franc jeu. En février dernier, j'avais demandé au premier ministre de réunir le comité interministériel de contrôle de l'immigration, et c'est à ce moment-là qu'a été annoncée l'adoption d'une riposte graduée. Lors de la conférence de presse, François Bayrou avait même évoqué la possibilité de remettre en cause les accords de 1968.

Que se passe-t-il ensuite ?

Rien, sauf au ministère de l'Intérieur avec les mesures que je pouvais prendre, contre les caciques du régime algérien notamment. Car, pendant qu'ils se moquent de notre pays, ils viennent s'y faire soigner, y envoient leurs enfants pour y faire de bonnes études, y achètent des appartements.

Malgré ce double discours, vous n'avez pas songé à démissionner ?

Je me suis posé la question de savoir si la fameuse lettre du président de la République, qui semblait me donner raison, n'avait pas aussi pour objectif de m'en dissuader…

Avec le recul, avez-vous des regrets de ne pas être parti sur ce sujet ?

Je ne regrette pas d'avoir tenté, jusqu'au bout, d'actionner jusqu'à leur maximum tous les leviers dont je disposais, et pas seulement sur l'Algérie.

L'Assemblée nationale a voté la dénonciation des accords de 1968. Que doit faire le gouvernement ?

C'est au chef de l'État qu'il appartient de dénoncer ces accords qui n'ont plus lieu d'être. Pour trois raisons. D'abord, ils sont totalement anachroniques puisqu'ils ont été conçus dans la foulée de l'indépendance : la situation migratoire n'a plus rien à voir avec celle des années 1960. Ensuite, ces accords donnent des privilèges totalement exorbitants aux Algériens, par rapport aux autres immigrés. Ils peuvent ainsi entrer sur le territoire français grâce à un seul visa de court séjour, au lieu d'un visa long séjour. Ils ont un accès facilité au regroupement familial. Pareil pour les conjoints de Français.

Ils bénéficient aussi d'un accès facilité aux prestations sociales, sans condition de durée de résidence pour le RSA ou le minimum vieillesse. Les étudiants peuvent facilement avoir un titre de séjour comme entrepreneur.
De même, on ne peut pas dégrader les certificats de résidence des Algériens s'ils commettent une infraction ou un délit. Si un Marocain ou un Tunisien en commet un, la France peut réduire la durée de son visa, voire lui retirer. C'est impossible pour un Algérien. Enfin, ces accords ne coûtent pas moins de 2 milliards d'euros à la France chaque année : le contribuable français paie ainsi de sa poche des avantages infondés accordés aux Algériens, alors même que l'Algérie ne respecte pas ses obligations minimales, quand il s'agit de reprendre ses ressortissants.

Avez-vous le moindre espoir qu'Emmanuel Macron se résolve à dénoncer cet accord ?

Non, il ne le dénoncera pas.

Pourquoi ?

Parce que ce n'est pas son logiciel. Il a fondamentalement intégré ce sentiment de pénitence, de culpabilisation. Et ce serait reconnaître, en réalité, que la politique de la main tendue est un échec.

En cas de dénonciation, faudra-t-il signer un nouvel accord ?

Non, il faudra en revenir au droit commun. Il faut parvenir à construire avec l'Algérie une relation normale, adulte, qui s'émancipe du passé. Le régime algérien n'a pas le monopole de la douleur : la relation entre la France et l'Algérie a incontestablement été douloureuse, mais elle l'a été pour nos deux pays. Assez de repentance. Car les gratteurs de plaies sont des semeurs de haine.

Il y en a en France aussi ?

Bien sûr. Au Parlement français, comme au Parlement européen. À gauche et notamment à La France insoumise. Je vous rappelle que LFI a refusé de voter les résolutions en faveur de Boualem Sansal.

>> Lire l'interview sur Lefigaro.fr

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