04/08/2025 | News release | Distributed by Public on 04/08/2025 12:05
Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à son arrivée à la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN (extraits - Bruxelles, 3 avril 2025)
Face aux temps troublés que nous traversons, face au nouveau désordre mondial qui s'installe, plus que jamais, les membres de notre alliance doivent faire preuve d'une solidarité sans faille.
Solidarité d'abord vis-à-vis de l'Ukraine, puisqu'aujourd'hui, le seul obstacle à la paix, c'est la Russie. Et ça n'est certainement pas l'Ukraine, puisqu'il y a trois semaines, les Ukrainiens ont consenti, et c'est un compromis courageux, à accepter la proposition de cessez-le-feu sans conditions qui leur ait été faite par les Etats-Unis d'Amérique. Et depuis trois semaines, nous avons vu Vladimir Poutine multiplier les manoeuvres dilatoires, poursuivre ses frappes sur les infrastructures énergétiques et poursuivre ses crimes de guerre. Il appartient désormais à la Russie de dire si, oui ou non, elle souhaite un cessez-le-feu. J'irai même un peu plus loin. La Russie doit aux Etats-Unis d'Amérique, qui se sont engagés pour ne pas venir à cesser le feu, une réponse : c'est stop, ou encore.
Solidarité face à la menace que représente aujourd'hui la Russie, et qui est une menace pour l'ensemble des membres de notre alliance, au nord comme au sud et à l'est comme à l'ouest. D'abord parce que la Russie consacre aujourd'hui 10% de sa richesse nationale à son effort de guerre, 40% de son budget national à ses dépenses militaires, et que Vladimir Poutine a annoncé cette semaine une nouvelle conscription de 160.000 soldats, la plus importante depuis 14 ans. Et puis ensuite, parce que Vladimir Poutine a choisi délibérément d'installer la menace dans le champ nucléaire, avec une révision de la doctrine, avec un partenariat renforcé avec les puissances proliférantes comme l'Iran ou la Corée du Nord, et puis avec l'utilisation inédite de cette menace comme un moyen d'intimidation au service de sa guerre d'agression en Ukraine.
Dans ce contexte, les efforts menés par la France et le Royaume-Uni doivent permettre un sursaut. Un sursaut dans le soutien à l'Ukraine, et nous avons annoncé par la voix du Président de la République, jeudi dernier à Paris, aux côtés du président Zelensky, un nouvel effort de 2 milliards d'euros en soutien à la résistance ukrainienne. La réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, conviés par le Président de la République à Paris a permis d'aboutir à un accord sur un travail conjoint pour soutenir l'effort américain et préparer les conditions d'une surveillance du cessez-le-feu, une fois qu'il aura été trouvé. Et puis au-delà, les membres de cette coalition de puissances volontaires et capables ont souhaité, pour certaines d'entre elles, préparer les conditions d'une force de réassurance qui, le moment venu, pourra permettre à ce qu'un accord de paix, qui sera conclu entre l'Ukraine et la Russie, puisse être véritablement durable, et ce sera d'ailleurs l'objet du déplacement, cette fin de semaine, des chefs des armées français et britannique en Ukraine. L'objectif, c'est bien de parvenir à la fin de cette guerre d'agression et à créer conditions pour que la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine soient durablement respectées.
J'ajoute d'ailleurs que le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté vaut pour l'Ukraine comme pour l'ensemble des pays de notre alliance et de leurs territoires ultramarins. Les frontières de l'Europe ne sont pas négociables. L'intégrité territoriale et la souveraineté des pays de l'Alliance ne le sont pas davantage.
Solidarité, je le disais, sur le développement du pilier européen de l'OTAN. Le moment est venu de le développer. Nous y sommes prêts. Nous y sommes d'ailleurs invités par nos partenaires américains. Nous sommes prêts en réalité à un double relèvement : le relèvement de la part de nos dépenses militaires dans notre richesse nationale, et le relèvement de la part européenne dans les dépenses militaires européennes.
Premier relèvement, je le disais, la part de nos dépenses militaires dans notre richesse nationale. Au niveau national, nous sommes parvenus, grâce à deux lois de programmation militaire voulues par le Président de la République, à atteindre le seuil des 2% de la richesse nationale consacrée à notre effort militaire, et le Président de la République a fixé un objectif de 3 à 3,5%. Et nous nous préparons à le faire : 3,5%, c'est à peu près le niveau des dépenses militaires américaines.
Le deuxième relèvement, celui de la part européenne des dépenses militaires européennes, c'est aussi l'un des objectifs que nous nous sommes fixés au niveau européen avec le Livre blanc sur la défense, avec les décisions récentes du Conseil européen. Nous sommes aujourd'hui à peu près à 50% de part européenne des dépenses militaires. Nos partenaires américains sont à peu près à 100% de part américaine des dépenses militaires américaines. Nous avons donc des marges de progrès considérables pour développer cette part européenne dans nos dépenses militaires.
Solidarité, je le disais, sans faille, qui est requise aujourd'hui de la part de tous les membres de l'Alliance. Solidarité qui est néanmoins éprouvée par les décisions qui ont été prises et annoncées hier par le président Trump, avec l'application des droits de douane réciproques, qui auront des conséquences négatives sur l'économie américaine comme sur les économies de l'ensemble des membres de l'Alliance. C'est le cas d'ailleurs de l'économie européenne, et le Président de la République recevra aujourd'hui à 16h les représentants des filières concernées pour évaluer les conséquences de ces décisions. L'Union européenne répondra, elle le fera dans un premier temps dès la semaine prochaine, en réplique aux droits de douane qui ont déjà été appliqués il y a quelques semaines par les Etats-Unis sur l'acier et l'aluminium. Et puis elle engagera, elle l'a déjà dit, des consultations pour prendre, le cas échéant, de nouvelles mesures, à la suite des droits de douane réciproques qui ont été appliqués hier soir. Comme l'a rappelé la présidente de la Commission européenne, l'Europe dispose de tous les moyens pour protéger les Européens, leurs intérêts et leur prospérité. Nous avons développé ces dernières années des instruments puissants de défense commerciale pour le faire. Mais notre réponse ne sera à la hauteur que si elle est unitaire, si les Européens font preuve d'unité. C'est ainsi qu'ils pourront entrer en position de force dans les négociations lorsqu'elles s'ouvriront au bénéfice de la prospérité européenne.
Merci à toutes et tous.