09/30/2025 | News release | Distributed by Public on 09/30/2025 22:20
La résolution du Conseil autorisant la nouvelle force a été adoptée mardi par 12 voix pour et 3 abstentions - celles de la Chine, du Pakistan et de la Russie. Présenté conjointement par les États-Unis et le Panama, le texte confie à la FRG des effectifs cinq fois supérieurs à ceux déployés jusqu'ici et un mandat élargi : mener des opérations ciblées contre les gangs, sécuriser les infrastructures vitales, épauler la police et l'armée haïtiennes, et préparer la tenue d'élections libres en Haïti.
« La décision de ce Conseil, aujourd'hui, marque un véritable tournant », a salué à l'issue du vote Ericq Pierre, l'ambassadeur haïtien à l'ONU. « En dotant la mission de mandats renforcés plus offensifs et plus opérationnels, le Conseil donne à la communauté internationale les moyens de répondre à la gravité de la situation en Haïti ».
Contrairement aux opérations de maintien de la paix classiques, la force sortante - officiellement la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS) - n'est pas sous l'égide de l'ONU à proprement parler. Dirigée par le Kenya, elle est pourvue d'un mandat limité, avalisé par le Conseil. La future FRG s'inscrit dans la même logique. Elle agira dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui habilite le Conseil à autoriser l'usage de la force lorsque la sécurité internationale est menacée.
La crise actuelle plonge ses racines dans la fragilité chronique du pays, marquée par des décennies d'instabilité politique, de pauvreté extrême et de catastrophes naturelles à répétition. Mais c'est l'assassinat du dernier président élu, Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, qui a précipité la bascule : vacance du pouvoir, luttes de clans et effondrement progressif des institutions ont ouvert la voie à l'expansion des gangs, d'abord à Port-au-Prince, la capitale, puis dans l'ensemble du pays.
Aujourd'hui, Haïti vit au rythme d'une violence systémique : meurtres, viols collectifs, enlèvements, rackets et sièges de quartiers entiers. Plus d'un million de personnes ont été déplacées et 5,7 millions font face à une insécurité alimentaire aiguë. À Port-au-Prince, près de 85 % du territoire est sous la coupe de gangs lourdement armés qui imposent la terreur. « Voilà le visage d'Haïti aujourd'hui », a martelé la semaine dernière Laurent Saint-Cyr, le chef de l'exécutif haïtien, à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU. « Un pays en guerre, un Guernica contemporain, une tragédie humaine ».
Pour William O'Neill, expert désigné des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti, la transformation de l'actuelle mission kényane est cruciale : « Pour vraiment inverser la tendance, démanteler les gangs et reconquérir des territoires, il faut une force beaucoup plus robuste ». L'ancienne mission, souligne-t-il, n'a « jamais disposé du matériel adéquat » et n'a « même pas atteint la moitié des effectifs prévus ».
Le nouveau Bureau d'appui des Nations Unies en Haïti (BANUH), créé par la résolution, sera censé combler ces lacunes en fournissant vivres, carburant, infrastructures, moyens aériens et maritimes, ainsi qu'un mécanisme de remboursement des équipements. William O'Neill juge cette dimension logistique décisive : jusqu'ici, les forces déployées « ont manqué de véhicules adaptés au terrain difficile, de pièces de rechange, d'hélicoptères et de moyens maritimes », incapacité qui a laissé aux gangs la possibilité de bloquer les routes et d'isoler la capitale.
À l'issue du vote du Conseil, le représentant des États-Unis, co-auteur du texte, a salué une décision qui permet, selon lui, à la communauté internationale de « se mettre à la hauteur » du défi sécuritaire haïtien. Si la MMAS a permis « d'éviter un effondrement complet du gouvernement », elle n'avait pas, a-t-il reconnu, « les moyens nécessaires pour réussir ». « Le vote d'aujourd'hui rectifie cette situation », a-t-il insisté. Washington a appelé à des contributions volontaires pour financer la mission, tout en soulignant que les Haïtiens devront « élaborer eux-mêmes un plan afin de reprendre leurs responsabilités en matière de sécurité ».
Le délégué du Panama, Eloy Alfaro de Alba, s'est également félicité de ce vote, estimant que « le peuple haïtien ne pouvait plus attendre ». Soulignant le large appui régional et international dont bénéficie la future FRG, il a exprimé l'espoir que ce nouvel effort permette de rétablir la sécurité « nécessaire à la restructuration politique » et à la tenue d'élections.
Au milieu de ces louanges, la Russie, qui s'est abstenue, a dénoncé une « aventure dangereuse et mal conçue ». Son représentant a reproché au Conseil de répéter les erreurs de la MMAS, minée par le manque chronique de financements et l'absence d'évaluation sérieuse de son efficacité. Il a mis en garde contre une mission dotée d'un mandat « quasi illimité » pour recourir à la force, sans mécanisme clair de financement ni garanties sur le recrutement de son personnel.
Moscou a aussi critiqué la volonté des États-Unis d'imposer des décisions « sans débat suffisant », estimant que la véritable solution passe par le renforcement des capacités de l'État haïtien, pour qu'il puisse lui-même rétablir l'ordre.
Quelques jours plus tôt, lors de son passage à l'ONU, M. Saint-Cyr avait défendu la création de la FRG, alertant sur les dangers d'un vide sécuritaire à la fin de la mission kényane, le 2 octobre.
Reste à savoir si la nouvelle force sera à la hauteur des attentes. Pour William O'Neill, tout dépendra de sa capacité à « reprendre le contrôle des grands axes » et à redonner aux Haïtiens la liberté de circuler sans être rançonnés. « Les gangs ne sont pas si puissants quand on y regarde de près. Ils n'ont jamais affronté une véritable force professionnelle, bien entraînée et équipée. La population les hait, ils n'ont aucun soutien ». Mais l'expert avertit : sans lutte contre l'impunité, la corruption et l'inégalité extrême, la Force de répression des gangs ne risque d'apporter qu'un répit.