République et Canton de Genève

01/14/2025 | News release | Distributed by Public on 01/14/2025 06:13

Colère au travail? Voici quelques pistes

Date de publication
14 janvier 2025
Colère au travail? Voici quelques pistes.
La colère est une émotion naturelle, elle fait partie des réponses instinctives possibles face à une menace. Néanmoins, elle peut aussi se révéler contreproductive. Dans un contexte professionnel, quelles pourraient être les conséquences d'un éclat de colère? Comment y faire face? Cet article propose d'aborder quelques pistes utiles pour apprendre à se contenir et mieux gérer sa propre colère.

Auteur-e-s: rédaction collective du Groupe de confiance

La colère est une émotion naturelle: c'est une des réponses instinctives face aux menaces et elle est donc nécessaire à notre survie. Elle se distingue du mécontentement ou de la simple irritation (lors qu'on éprouve de l'agacement) par son intensité supérieure, sa survenue moins fréquente et son fort caractère interpersonnel. On parle de rage à partir du moment où la personne est complètement envahie par cette émotion et qu'elle n'arrive plus à penser rationnellement aux conséquences de ses actes. Ces différents états émotionnels génèrent des changements physiologiques et biologiques comme par exemple des changements au niveau du rythme cardiaque, au niveau de la pression artérielle et au niveau hormonal. Ces réactions nous préparent à l'action mais à long terme elles peuvent avoir des conséquences négatives pour la santé.

La colère peut donc avoir du bon car elle nous transforme physiquement et nous mobilise. Elle nous prépare à l'action lors d'une agression, elle nous permet de nous battre et de nous défendre mais elle peut avoir aussi (et surtout) du mauvais notamment quand elle devient excessive et se transforme en agressivité, voire en violence.

La colère dans un contexte professionnel peut avoir plusieurs impacts négatifs: au niveau relationnel, en causant la dégradation des rapports interpersonnels et du climat de travail, au niveau de la communication car elle risque d'inhiber, voire de bloquer, les échanges ainsi que de freiner le feedback interpersonnel. Elle peut aussi générer des sentiments de crainte, des ressentiments, une envie de vengeance et par conséquent favoriser l'éclosion des conflits ou faire escalader des conflits déjà existants. Elle mine ainsi l'esprit d'équipe, favorise les stratégies d'évitement de la personne "colérique" et/ou pousse à son isolement et à son exclusion.

Il existe d'autres conséquences auxquelles on ne pense pas forcement: la colère influence la capacité décisionnelle. Une citation devenue populaire reprend ce trait en mettant en garde: "la colère est mauvaise conseillère".

La confusion mentale qui accompagne ces états émotionnels intenses peut pousser à des actions impulsives, peu (ou pas) réfléchies, qui vont à l'encontre de la résolution du casus belli qui en est l'origine. Dit autrement: la colère peut être l'origine d'une mauvaise, voire très mauvaise prise de décision, qui notamment dans le milieu professionnel va inévitablement générer des difficultés. C'est la raison pour laquelle la capacité à gérer sa propre colère fait partie des compétences clé indispensables pour un-e manager.

Le Groupe de confiance est régulièrement consulté par des personnes faisant état de relations professionnelles dégradées et très conflictuelles, à cause de la forte irritabilité ou du caractère "colérique" d'un ou d'une collègue, ou d'un ou d'une cadre, ainsi que par des managers ne sachant pas (ou plus) comment gérer ces situations au sein de leurs équipes. Avoir des compétences en gestion de la colère (pour soi-même ou pour les membres de son équipe) aide à y faire face.

Déjà à ce stade, il est important de souligner que la gestion des problématiques comportementales au travail fait partie du rôle hiérarchique au même titre que la gestion de la performance. La question de l'intervention vis-à-vis d'un membre du personnel ayant des problèmes de gestion de la colère ne se pose donc pas, mais il s'agit plutôt de déterminer comment le faire, d'autant plus si le problème nous concerne directement.

A titre liminaire il est important de souligner que la colère et ses excès peuvent être les symptômes d'une problématique de santé grave qui nécessite une prise en charge médicale par un expert. L'intensité et la fréquence des crises de colère sont certainement des indicateurs importants à surveiller.

Le mécanismede la colère

C'est un sujet complexe et, comme c'est souvent les cas avec les émotions, très subjectif. En schématisant et en simplifiant on peut toutefois retenir qu'il y a quatre leviers individuels principaux qui amplifient la colère:

  1. L'interprétation hostiled'une situation: si on pense se trouver face à une "attaque", une des réponses pourrait être la colère et la riposte violente contre les "agresseurs" (réels ou présumés).
  2. Le cumul. Lorsque plusieurs événements négatifs (réels ou perçus comme tels) se succèdent dans un laps de temps trop court pour permettre à la personne d'y faire face avec les ressources (psychiques, physiques, matérielles) qu'elle a à sa disposition.
  3. La rumination. Le fait de penser et de se préoccuper de façon excessive et récurrente à un sujet peut amplifier une réaction émotionnelle. Pour certains individus cette réaction va se manifester sous forme de colère et d'agressivité.
  4. Une carence dans la régulation des émotions. Certains individus ont plus de difficulté que d'autres à réguler les émotions et à gérer les impulsions.

Ces leviers entrent en jeu face à un (ou plusieurs) facteur(s) déclencheur(s): il s'agit souvent d'un obstacle (effectif ou perçu comme tel) qui s'oppose aux objectifs d'un individu (par exemple l'embouteillage qui va nous faire arriver en retard au travail).

D'autres causes peuvent favoriser la colère et son débordement, notamment: la provocation par une autre personne, l'agression (principe d'action-réaction), le manque de respect, l'injustice (réelle ou perçue comme telle), l'incompétence et les erreurs d'autrui, la transgression d'une règle explicite ou implicite par autrui entrainant un cout objectif ou subjectif pour soi. Sans oublier les facteurs physiques et physiologiques (bruit, chaleur, espace insuffisant, faim, soif, fatigue, manque de sommeil, etc.). La réaction face à tous ces événements est très personnelle et dépend de plusieurs paramètres (caractère, éducation, contexte social, santé, culture, valeurs, etc.).

Il est important de comprendre quels facteurs déclencheurs nous impactent le plus et dans quelle mesure nous pouvons agir pour les éviter, pour diminuer leur intensité et/ou leur fréquence. Ensuite, il existe des outils pour apprendre à réduire les effets sur soi de ces déclencheurs.

L'influence du contexte professionnel

Certains contextes professionnels peuvent générer des sentiments négatifs, du stress et de la colère. Sans surprise, ce sont aussi ces mêmes contextes qui stimulent l'éclosion des conflits et amplifient les problématiques psycho-sociales.

  • L'absence de clarté organisationnelle. Pour qu'il y ait un environnement de travail productif, efficace, sûr et sain, il convient d'avoir des instructions sur la manière d'accomplir le travail et des objectifs (SMART) clairs. Savoir qui fait quoi, comment, à quel moment et pourquoi, contribue à éliminer l'ambiguïté, la frustration, la colère et finalement les conflits.
  • Une mauvaise communication. Des informations lacunaires et/ou données au mauvais moment sont source d'incompréhension, d'inefficacité, d'erreurs et de frustration. La communication est un facteur qui influence très fortement la motivation, l'esprit d'équipe et le climat de travail.
  • Une pression excessive sur les résultats et/ou un environnement trop concurrentiel. Stress, anxiété, concurrence exacerbée peuvent favoriser les comportements hostiles et l'agressivité. Les liens relationnels entre les membres du personnel seront ainsi minés, l'intelligence collective inhibée et la coopération entravée. Au final, la productivité, la créativité et les capacités de résolution de problèmes de toute l'organisation vont en pâtir.
  • Une culture d'entreprise qui ne promeut pas le respect.
  • Une gestion des conflits insuffisante (voire absente) et une méconnaissance des causes sous-jacentes aux conflits. Le conflit est souvent le signe que quelque chose doit changer, il faudrait donc non seulement le gérer mais aussi en analyser la cause afin de mettre en place des actions correctives.
  • Une mauvaise gestion du changement. Le changement engendre souvent de la peur, de la frustration et de la colère. Pour minimiser ces effets négatifs tant sur le climat de travail que sur la productivité, il faudrait le concevoir et le planifier comme un processus nécessitant la collaboration des parties concernées. Pour ce faire, il devrait intégrer la participation de ces dernières et répondre (au moins partiellement) à leurs besoins et leurs attentes. Une attention particulière devrait être accordée non seulement à la programmation du processus mais aussi à la communication (pourquoi/comment/qui/quand).
  • L'absence d'une vision claire sur les différents facteurs impactant le climat de travail. Une multitude de facteurs et de combinaisons de ceux-ci peut impacter négativement le climat de travail. Parfois il peut être utile de se servir d'outils analytiques (tels que les sondages climat de travail ou les audits relationnels) afin d'avoir une meilleure vision de la situation et mettre en place un plan d'action ciblé pour y remédier.

Améliorer ces aspects aura un impact positif sur le climat de travail, la productivité et l'état émotionnel des membres du personnel.

La gestion de la colère au travail

Chaque personne peut apprendre à mieux gérer ses émotions. Tout d'abord se connaitre et savoir ce qui nous met en colère permet de mettre en place trois types de stratégies: l'évitement (ou l'élimination), la compensation et l'atténuation (à savoir mettre en place des mesures pour diminuer les effets négatifs). Le trafic qui nous énerve? Prenons le train (élimination). Le manque de sommeil nous fait exploser? Essayons de récupérer avec une turbo-sieste (compensation). On ne supporte plus le bruit? Utilisons des protections auditives (atténuation).

Il est aussi important de souligner qu'une hygiène de vie saine (un régime équilibré, une activité physique modérée et régulière, une quantité de sommeil adaptée etc.) permet de diminuer les facteurs de risque. La méditation est aussi un outil très efficace pour apprendre à maitriser ses émotions[1].

Bien évidemment ces mesures restent limitées et ne sont pas toujours applicables.

Au moment où nous ressentons la colère monter, voici quelques pistes qui pourraient aider à la gérer:

QUELQUES PISTES POUR GERER SA COLERE

Être attentif aux signaux d'alerte: suis-je en train de me mettre en colère?

Respirer calmement, essayer de se détendre.

Penser à autre chose, essayer de se distraire même pour un très court moment.

Ne pas réagir de suite (possibilité de compter jusqu'à 10, voire 100). Prendre le temps de réfléchir et d'analyser la situation.

Employer des techniques simples pour aider à prendre du recul et désamorcer les émotions intenses dans l'instant: par exemple le STOP (voir plus bas), une pratique basée sur la pleine conscience.

Avant toute action, si possible et au besoin, prendre une pause. Ne pas hésiter à quitter le lieu.

Se poser ces questions:

  • Ma colère est-elle justifiée?
  • Est-elle proportionnelle à la situation?
  • Pourquoi suis-je en colère? (Mon état est-il causé par cet incident ou suis-je en train de cumuler d'autres évènements?)
  • Est-ce que ça vaut la peine de se mettre en colère pour cela?

Décider si réagir, quand et comment. Analyser les options et leurs conséquences de manière réaliste.

Garder en tête que parfois, décider de ne pas être d'accord et interrompre une discussion poliment est une bonne option.

Selon l'enjeu et les possibilités, prendre conseil auprès d'un spécialiste (RH, Groupe de confiance etc.).

Si vous avez décidé que votre colère est justifiée et que vous avez bien analysé les risques et les avantages d'une confrontation avec la (ou les) personne concernée(s),

Vous pouvez:

  • Continuer la discussion (si cela est encore possible)
  • Proposer de reporter la discussion à un autre moment (et planifier un moment ad hoc ensuite)
  • Interrompre la discussion en verbalisant l'interruption. Par exemple: "Nous n'allons pas trouver une solution, mettons-nous d'accord de ne pas être d'accord et interrompons cette séance." Ou: "Je vous propose d'interrompre cette discussion, il y a trop de tensions et nous n'allons pas trouver une solution."Ou: "Arrêtons de hausser le ton. A ce stade je propose d'interrompre cette discussion puisqu'elle ne progresse plus de façon constructive. "

Si vous avez opté pour un report de la discussion: choisir un moment adéquat et un lieu qui garantisse la confidentialité; planifier assez de temps et pendant la séance, éviter les interruptions.

Lors de la discussion:

  • Garder toujours en tête que le message que vous voulez faire passer est plus important que votre colère. Ne pas se laisser détourner par ses émotions.
  • Aborder ses ressentis.
  • Se focaliser sur l'objet du problème et non pas sur la personne.
  • Rester ferme mais communiquer de façon respectueuse.
  • Utiliser les outils de communication non-violente[2]pour exposer son point de vue. Il est inutile, voire très contreproductif d'accuser, de menacer, d'insulter, de hurler.
  • Rester factuel.
  • Exprimer clairement ses besoins.
  • Maitriser son ton mais aussi son langage corporel.
  • Ecouter activement.

Chercher une solution mais savoir aussi accepter que certains problèmes peuvent ne pas avoir de solution (ou pas de solution rapide).

La technique STOP

Si tout ceci vous parait trop complexe, ou si la situation est devenue trop tendue, vous pouvez vous adresser au Groupe de confiance qui vous aidera à réfléchir à des pistes et notamment dans certains cas, pourra mettre en place une médiation.

Si vous avez décidé de ne pas exprimer votre colère et de ne pas confronter la (les) personne(s) concernée(s), vous pouvez décider de réprimer ou inhiber vos émotions pour les convertir en autre chose (par exemple en une activité sportive). Toutefois, cette stratégie n'est pas toujours optimale sur le long terme: le risque d'accumuler un "trop plein" et de développer des soucis de santé ou des comportements pathologiques existe.

En conclusion

Des outils de gestion de la colère peuvent aider sur le court terme, mais si cette émotion devient trop envahissante, il est indispensable de faire une analyse des causes profondes, voire de demander l'aide d'un expert.

Dans le cadre professionnel, il est recommandé de travailler de manière préventive sur les différents facteurs favorisant des situations au potentiel de tensions, et donc d'accès de colère. D'un point de vue organisationnel, des éléments tels que: une meilleure communication (au niveau qualitatif et quantitatif), des moyens de réduction du stress sur le lieu de travail, la mise en place d'une culture du feedback et la promotion des relations interpersonnelles respectueuses améliorent le climat de travail et permettent par conséquence de faire baisser le niveau d'une éventuelle colère.

Les membres du personnel de l'Administration cantonale peuvent bénéficier de plusieurs cours, notamment: " Gérer ses émotions dans ses relations professionnelles."

Petite bibliographie, presse et autre media:

Formations proposées par l'Etat de Genève:

Image Pixabay, auteur-e Tikwa

[1] La lettre d'information du GDC n° 30aborde ce sujet dans, "La pleine conscience dans le monde du travail : un outil, de nouvelles perspectives, des potentiels et des limites", février 2021

[2] Voir lettre d'information du GDC n°11"De l'importance de prendre sa part de responsabilité dans le conflit et de formuler ses attentes de manière constructive", juin 2015

Date de publication
14 janvier 2025