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01/08/2025 | News release | Distributed by Public on 01/08/2025 13:11

Syrie : malgré l'incertitude actuelle, l’ONU relance ses opérations humanitaires à grande échelle

Un mois après la chute du régime de Bachar Al-Assad en Syrie, l'incertitude demeure quant à la future transition politique du pays, alors que des signes d'instabilité se font jour dans et en dehors des territoires sous le contrôle des autorités de transition.

La tendance générale à l'accalmie des dernières semaines a toutefois permis à l'ONU de relancer ses opérations humanitaires sur le terrain pour subvenir aux besoins grandissants de la population syrienne.

Une transition incertaine

« La voie à suivre en matière de transition politique n'est pas claire », a indiqué mercredi l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Geir Pedersen, lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la situation dans le pays.

Après des décennies de règne sanglant, le régime du Président Assad s'est effondré dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 décembre 2024, point d'orgue d'une guerre civile sans fin qui ravage le pays depuis 2011. Les autorités ayant pris le relais à Damas sont en grande partie constituées de membres de l'ancien gouvernement d'Idleb, une région du nord-ouest du pays.

Selon M. Pedersen, les dirigeants actuels ont initialement prévu de se maintenir au pouvoir pendant une période de trois mois, « afin d'éviter l'effondrement de l'État ». Après cette période initiale, des arrangements devraient être pris pour mettre le pays sur la voie d'une transition politique.

Ahmed Al-Charaa, le nouveau dirigeant syrien de facto, a ainsi déclaré dans une interview sa volonté de mettre en place un processus de dialogue national inclusif, censé se solder par un vote sur les grandes orientations du pays. À cette occasion, il s'est prononcé pour la rédaction d'une Constitution par des experts d'ici deux à trois ans, ainsi que l'organisation d'élections dans les quatres prochaines années.

Or, l'Envoyé spécial constate que de nombreuses décisions relevant selon lui de la future phase de transition, concernant notamment la nature de l'État syrien, l'éducation nationale et le secteur sécuritaire, sont en train d'être prises de manière prématurée.

« On nous a fait part d'inquiétudes concernant le manque de transparence sur le calendrier, le cadre, les objectifs et les procédures relatives à une conférence de dialogue national, ainsi que la participation, en termes de critères de participation et de représentation équitable », a également déclaré M. Pedersen.

© UNICEF/Muhannad Aldhaher
Centre d'accueil pour familles récemment déplacées dans la ville de Raqqa, en Syrie.

Des signes d'instabilité

Au flottement politique actuel s'ajoutent des signes avant-coureur d'instabilité dans la zone sous le contrôle des nouveaux dirigeants.

« Nous avons reçu de nombreux rapports d'incidents violents dans la partie côtière du pays et dans les villes de Homs et Hama, notamment des témoignages de traitements dégradants et humiliants », s'est inquiété Geir Pedersen.

Les autorités de transition ont également mené des patrouilles et des opérations dites « de ratissage » visant à l'arrestation d'anciens responsables du régime Assad ou d'éléments armés dits loyalistes, accusés de crimes de guerre ou de refus de rendre les armes. Des vidéos circulent également, montrant ce qui s'apparente à des abus ou des exécutions sommaires de responsables de l'ancien régime.

M. Pedersen note toutefois l'existence de rapports selon lesquels les autorités de transition auraient arrêté certains auteurs de ces actes.

Poursuite des combats

Dans plusieurs parties du pays qui échappent actuellement au contrôle des nouveaux dirigeants, le conflit semble se poursuivre.

Le nord-est de la Syrie, ainsi que des pans de la ville d'Alep demeurent ainsi sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des Unités de protection du peuple kurde (YPG). Malgré le cessez-le-feu actuel, des affrontements et des échanges de tirs d'artillerie ont été signalés entre les FDS et l'armée nationale syrienne.

De son côté, la Turquie a indiqué que ses opérations militaires en cours dans la zone nord-est du pays pourraient s'intensifier.

L'Envoyé spécial s'est également dit préoccupé par la persistance d'activités militaires israéliennes dans la zone démilitarisée du Golan séparant la partie contrôlée par Israël et la Syrie, en violation de l'Accord de désengagement de 1974.

Parallèlement, face à la crainte que Daech mette à profit le changement de régime pour étendre son influence dans le pays, les opérations de la coalition menée par les États-Unis contre l'organisation terroriste se poursuivent, notamment des frappes aériennes américaines et françaises.

Points positifs : relative accalmie et reprise des opérations humanitaires

Malgré ces développements préoccupants, le chef de l'humanitaire de l'ONU, Tom Fletcher, a quant à lui insisté sur la tendance générale à l'apaisement depuis la chute du gouvernement Assad, début décembre.

« Ces dernières semaines ont été moins turbulentes », a-t-il salué ce matin, lors de la réunion du Conseil.

Cette accalmie a ainsi permis à l'ONU à reprendre ses opérations humanitaires « à plus grande échelle » sur le terrain.

Le mois dernier, 298 camions transportant de l'aide humanitaire sont entrés en Syrie depuis la Turquie, soit l'équivalent de l'ensemble des camions ayant franchi la frontière entre les deux pays au cours des six précédents mois.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a soutenu un pont aérien humanitaire à partir de l'Union européenne afin de fournir 50 tonnes de fournitures dans le nord du pays. Parallèlement, l'agence onusienne prend part à une campagne de vaccination en cours dans le camp de réfugiés d'al-Hol, au nord-est du pays.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a livré du pain à plus de 2,5 millions de personnes et l'UNICEF a aidé à rétablir le fonctionnement du barrage de Tichrine, dans le nord-est syrien, dont dépendent plus de 400.000 personnes.

Des besoins concidérables

« Mais davantage doit être fait », a reconnu le haut fonctionnaire, qui s'est récemment rendu à Homs, Alep et Idleb pour venir à la rencontre de civils.

Suite à ses visites, M. Fletcher s'est dit alarmé par la réduction actuelle de l'accès au soins de santé, déjà amoindris par des années de conflit, alors que près de 15 millions de personnes ont actuellement besoin d'aide en matière sanitaire.

En outre, près de 13 millions de personnes sont toujours confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, alors que le PAM a été contraint de réduire l'aide de 80% au cours des deux dernières années en raison d'un manque de financement. La pénurie actuelle de nourriture, d'eau et d'électricité est aggravée par le manque de carburant et de liquidités.

Au moment où l'hiver aggrave les conditions de vie de la population dans de nombreuses régions du pays, le chef de l'humanitaire a par ailleurs insisté sur la nécessité de protéger les civils déplacés au cours des deux derniers mois, soit plus de 620.000 personnes, auxquelles s'ajoutent plus de 7 millions de personnes qui étaient déjà déplacées avant la chute d'Assad.

« Nous devons soutenir le peuple syrien à ce moment crucial et l'aider à saisir l'opportunité actuelle », a insisté le haut responsable.