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WHO - World Health Organization Regional Office for Europe

10/07/2024 | Press release | Distributed by Public on 10/07/2024 18:28

Un an après l’attaque du 7 octobre en Israël : venir en aide à ceux qui ont aidé

Un an après l'attaque menée en octobre 2023 par le Hamas en Israël, la crise de santé mentale déclenchée par les atrocités commises cette journée est toujours bien réelle.

Les intervenants de première ligne, tels que les ambulanciers et le personnel de santé des hôpitaux qui ont accueilli les blessés ou qui ont été les premiers à se rendre sur les lieux de l'attaque, ont été les premiers témoins du carnage et de l'horreur. D'autres, qui ont ensuite participé à l'identification des corps et à la préparation des morts pour l'enterrement, ont aussi été particulièrement touchés par ce qu'ils ont vu.

Pour faire face à ce traumatisme collectif, une organisation, Mashiv Ha'Ruach (qui se traduit par « Ramener l'esprit »), offre un soutien psychosocial et de santé mentale aux intervenants de première ligne. Ses ateliers, soutenus par l'OMS/Europe, offrent aux participants un espace sûr pour discuter de leur expérience, renforcer leur résilience et développer des mécanismes d'adaptation qui leur permettent d'affronter l'avenir et de soutenir d'autres intervenants de première ligne.

Aider ceux qui ont aidé

Dans les jours qui ont suivi l'attaque, Eyal Kravitz, fondateur et directeur général de Mashiv Ha'Ruach, a regardé, comme beaucoup d'autres, des vidéos montrant des secouristes apportant leur aide dans des situations d'une difficulté inimaginable. « J'ai simplement pensé que les premiers intervenants et les soignants auraient besoin d'aide. J'ai donc décidé de créer un groupe de soutien pour les civils. » Il a collaboré avec le cofondateur Daniel Chermon et d'autres personnes à la formulation d'un plan d'action.

« Nombreuses sont les personnes qui se sont présentées pour venir en aide dans les jours qui ont suivi l'attaque », se souvient Daniel Chermon, « et alors s'est posée la question de savoir qui aide ceux qui apportent leur aide ».

Vered Atzmon Meshulam, cofondatrice et directrice professionnelle de Mashiv Ha'Ruach, est l'une de ces personnes qui ont apporté leur aide. Au lendemain de l'attaque du 7 octobre, elle s'est portée volontaire en tant que psychologue pour aider les familles endeuillées à identifier le corps de leurs proches.

Cette expérience difficile et profonde lui a permis d'entrer en contact avec des bénévoles en recherche et sauvetage qui ont été parmi les premiers à se rendre sur les lieux de l'attaque. L'expérience les a profondément affectés, et s'est accompagnée d'une forte augmentation de l'insomnie, du syndrome de stress post-traumatique, de la dépression et de l'anxiété, avec un effet domino qui a eu des répercussions sur leur famille et leur lieu de travail. Cependant, dans le chaos des mois qui ont suivi, il n'y avait aucune instance pour les soutenir dans leur épreuve.

L'organisation Mashiv Ha'Ruach est intervenue pour combler cette lacune en proposant un programme d'ateliers mis au point par Vered Atzmon Meshulam. Les ateliers ont lieu dans le cadre d'un séminaire-retraite qui se déroule dans le désert, loin du bruit et des distractions de la vie quotidienne. Les séances de groupe permettent aux participants de faire état de leur expérience et de constituer un réseau de soutien solide qui perdure après le séminaire-retraite.

« L'un des symptômes du traumatisme est le fort isolement ressenti par les personnes. Ils ont l'impression que personne ne peut comprendre ce qu'ils ont vu », explique Vered Atzmon Meshulam.

Parmi les groupes avec lesquels l'organisation a travaillé figurent les épouses des soldats blessés, les premiers intervenants bénévoles et le personnel du centre médical Soroka, qui a accueilli de nombreuses victimes de l'attaque.

Soigner ensemble les traumatismes

L'attaque du 7 octobre a profondément marqué et effrayé les Israéliens. Pour beaucoup, reprendre le cours de la vie et retrouver un sentiment de sécurité et de normalité semblait impossible à l'époque, et est encore difficile aujourd'hui.

Cependant, dans les premiers mois qui ont suivi l'attaque, de nombreux bénévoles n'étaient pas prêts ou disposés à parler de ce qu'ils avaient vu.

« Au début, personne n'estimait nécessaire de faire part de son expérience », explique Daniel Chermon. « Nous avons eu d'abord du mal à les convaincre de venir, mais une fois qu'ils sont venus, leurs collègues ont commencé à leur expliquer l'importance de ces séminaires-retraites. »

Des mots pour décrire les sentiments et faire part de son vécu

Oz Tal est bénévole depuis de nombreuses années auprès d'une organisation non gouvernementale (ONG) qui se consacre aux opérations de recherche et de sauvetage. Il est intervenu au lendemain de l'attaque, essuyant même des tirs alors qu'il tentait de récupérer des corps au festival Nova.

Il explique que les ateliers lui ont donné les mots qu'il faut pour décrire et exprimer ses sentiments, et que le fait de partager son expérience avec d'autres lui a permis de surmonter son traumatisme. Aujourd'hui, il encourage ses collègues à participer à un séminaire-retraite.

« Dans un premier temps, quand je leur propose de venir au séminaire-retraite, la plupart des bénévoles me disent qu'ils vont bien. Ils n'ont besoin de rien. Ils ne veulent pas venir. Mais pendant le séminaire-retraite, après avoir commencé à exprimer nos sentiments, quelqu'un commence à parler et à faire part de ses problèmes, puis tout le groupe s'y met. Vous ne pouvez pas imaginer l'esprit qui règne dans la salle à ce moment-là. »

Les ateliers prévoient des activités destinées à aider les participants à donner un sens à leur expérience traumatisante, à trouver des mécanismes d'adaptation et, en fait, les mots qu'il faut pour parler de ce qu'ils ont vécu.

« Les thérapeutes travaillent avec les bénévoles sur le sens qu'ils donnent à leur témoignage, car tout est bien réel », explique Vered Atzmon Meshulam. « On ne peut pas changer les éléments du témoignage qui dépeignent des horreurs, mais on peut changer la façon dont on parle avec soi-même de ce que l'on a vécu. »

Après le séminaire-retraite, les participants sont plus calmes, nous confie-t-elle. « J'ai reçu un message de l'épouse d'un bénévole qui a participé aux ateliers. Elle m'a expliqué que son mari avait totalement changé, que c'était la première fois qu'il dormait une nuit entière depuis le 7 octobre. »

L'organisation propose désormais des séminaires-retraites aux partenaires des employés et des bénévoles affectés par l'attaque afin de créer un réseau plus large de compétences en matière de résilience et de soutien.

Hodaya Leshem, une mère de 4 enfants qui a participé à un séminaire-retraite, est mariée à un soldat blessé. « Je n'ai bénéficié d'aucun soutien avant de participer aux réunions. Je devais soutenir tous les membres de ma famille et la communauté, mais il n'y avait personne pour me soutenir. »

Renforcer la résilience

Le Centre médical Soroka, situé à 40 kilomètres de Gaza, est l'hôpital qui a accueilli la plupart des blessés le 7 octobre. Au cours des 16 premières heures, le service des urgences a soigné environ 680 patients, dont 120 étaient gravement blessés.

De nombreux membres du personnel du Centre médical Soroka ont perdu des proches ou vivent dans les zones attaquées. Parmi les victimes, on compte 2 médecins et 2 personnels infirmiers à la retraite.

Le docteur Dan Schwarzfuchs, directeur général adjoint et directeur du Service des urgences du Centre médical Soroka, savait qu'il devait trouver un moyen devant permettre à ses collaborateurs d'expliquer ce qu'ils ont vécu.

« Ils sont forts », dit-il. « On ne peut pas survivre dans ce travail si on ne l'est pas. Mais il s'agit d'une expérience exceptionnelle qui a affecté tous les aspects de la vie des gens. Je savais au fond de moi que je devais trouver quelque chose qui les aiderait à rester résilients. »

« Chaque membre du personnel a son propre témoignage », poursuit-il. « La thérapie les rend plus forts et, grâce à cette expérience, nous sommes plus proches les uns des autres. Des collègues qui, auparavant, ne voulaient pas parler de leur expérience, s'ouvrent aujourd'hui parce qu'ils entendent celle des autres. Des personnes auxquelles je ne m'attendais pas à ce qu'elles participent le font maintenant. »

Ayelet Harris est responsable du département communautaire du mouvement Kibboutz. Dans les jours et les mois qui ont suivi l'attaque, elle a apporté un important soutien aux familles des habitants des kibboutz, la majorité de ces habitants ayant perdu des membres de leur famille et ayant dû être évacués.

« C'était la première fois que nous, les intervenants, pouvions nous exprimer. Nous devions toujours extérioriser notre énergie pour aider les autres et être là pour eux », explique-t-elle. « Lors du séminaire-retraite, c'était l'une des premières fois que je me sentais revigorée, car l'accent était mis sur moi et sur mes besoins. C'était un endroit sûr où je pouvais exprimer ce que je vivais, et quelqu'un était là pour m'écouter. C'était un endroit où je pouvais être moi-même. C'était une expérience rafraîchissante et régénérante. »

Un an après - le bilan

Depuis janvier 2024, Mashiv Ha'Ruach a soutenu près de 1 000 personnes grâce à ses séminaires-retraites.

« Les participants ne sont pas là uniquement pour eux-mêmes. Ils deviennent des ambassadeurs qui soutiennent 30 ou 40 personnes sur leur lieu de travail ou dans leur communauté », explique Eyal Kravitz.

Pour le premier anniversaire du 7 octobre, le docteur Schwarzfuchs viendra au Centre médical Soroka. « Je pensais rester à la maison avec mes propres souvenirs, mais je sais que certains des patients que nous avons soignés ce jour-là reviendront, pour essayer de boucler psychologiquement la boucle. Je m'y rendrai pour être là pour eux et pour mon personnel. »

Il estime qu'après 1 an, on est plus disposé à parler de son expérience.

« Au début, on doit se battre ou fuir. On se referme sur soi-même, on veut se contrôler. Mais j'ai l'impression que plus le temps passe, plus on a envie de parler. »

Daniel Chermon reconnaît que les personnes aidant les autres ont un énorme besoin de soutien psychosocial. « Nous n'avons pas créé Mashiv Ha'Ruach dans de bonnes conditions. Mais on en a besoin, et on en aura encore besoin dans les années à venir. »

Comme l'explique ensuite Eyal Kravitz, « le soutien de l'OMS a été essentiel pour nous permettre d'atteindre davantage de personnes et de groupes dans le besoin. Nous sommes fiers d'être la seule initiative de résilience en Israël à avoir reçu la reconnaissance de l'OMS, grâce à la recommandation du ministère israélien de la Santé. Ce partenariat est inestimable, et je tiens à exprimer notre profonde gratitude à l'OMS. »

Le mandat de l'OMS est de soutenir les prestataires de soins de santé et les civils dans le besoin, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent. Parallèlement au soutien apporté à Mashiv Ha'Ruach, l'OMS a aidé l'ONG israélienne Mosaica à lancer une initiative qui tire parti de l'influence des chefs religieux des communautés juives et musulmanes pour permettre aux populations d'obtenir un soutien essentiel en matière de santé mentale, en développant le recours à ces services et en réduisant la stigmatisation liée à la recherche d'une aide.