11/14/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/14/2025 07:41
Au terme de sa trente-huitième session extraordinaire consacrée à « la situation des droits de l'homme à El Fasher et alentours, dans le contexte du conflit en cours au Soudan », le Conseil des droits de l'homme a adopté ce midi une résolution par laquelle il condamne fermement l'escalade de la violence et les atrocités qui auraient été commises par les Forces de soutien rapide et leurs forces associées et alliées à El Fasher, notamment des meurtres à caractère ethnique, la torture, des exécutions sommaires, ainsi que le recours généralisé au viol comme arme de guerre.
Par ce texte, le Conseil appelle toutes les parties au conflit à faciliter un accès humanitaire immédiat, complet, sûr et sans entrave dans tout le Soudan, et a condamné toutes les formes d'ingérence extérieure qui alimentent le conflit. Il demande à la Mission internationale indépendante d'établissement des faits pour le Soudan de mener une enquête urgente sur les violations du droit international des droits de l'homme et les violations du droit international humanitaire qui auraient été commises à El Fasher et dans ses environs; et d'identifier les personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont responsables de violations du droit international des droits de l'homme. La résolution adoptée ce matin demande au Haut-Commissaire aux droits de l'homme de présenter au Conseil, avant sa 61ème session, un exposé oral sur la situation des droits de l'homme à El Fasher et demande à la Mission d'établissement des faits de présenter au Conseil, lors de sa prochaine session (61ème session), un rapport sur les résultats de son enquête.
À l'ouverture de la session ce matin, rappelant que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme avait publié plus de vingt déclarations sur El Fasher uniquement - des déclarations qui mettaient notamment en garde contre les conséquences d'une chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) -, M. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déploré que les atrocités qui se déroulent à El Fasher, et qui constituent les crimes les plus graves qui soient, étaient prévisibles et auraient pu être évitées. Il a recommandé que tous les États influents assurent la protection des civils à El Fasher et un passage sûr aux personnes qui tentent de fuir; qu'ils fassent pression pour que l'aide circule sans entrave; et qu'ils financent intégralement les programmes humanitaires. La communauté internationale doit aussi agir contre les individus et les entreprises qui alimentent cette guerre et en tirent profit, a souligné le Haut-Commissaire, faisant observer que le Soudan est en effet pris dans un affrontement par procuration pour ses ressources, de nombreux pays de la région et au-delà étant impliqués.
Pour sa part, M. Adama Dieng, Envoyé spécial de l'Union africaine pour la prévention du génocide et autres atrocités de masse, au nom également de M. Chaloka Beyani, Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, a souligné que depuis le déclenchement du conflit entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) en avril 2023, plus de 14 millions de personnes ont été déplacées de force, plus de 40 000 personnes ont été tuées et d'innombrables autres ont été victimes d'exécutions sommaires, de massacres, de tortures, de viols et d'attaques contre des travailleurs humanitaires. La famine délibérée des civils comme méthode de guerre, comme on l'a vu dans les villes assiégées d'El Fasher et de Kadugli, est expressément interdite par l'article 54 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, a rappelé M. Dieng.
Citant à son tour l'avertissement qu'avait lancé le Bureau des Nations Unies pour la prévention du génocide quant à l'existence d'indices forts d'une « intention délibérée d'infliger à ces groupes des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique totale ou partielle », M. Dieng a appelé la communauté internationale à redoubler d'efforts pour faire taire les armes au Soudan grâce à un engagement diplomatique solide, conformément à l'initiative « Faire taire les armes » de l'Union africaine et à la Charte des Nations unies, et à exiger la fin immédiate de l'afflux d'armes et de combattants au Soudan.
M. Surya Deva, Président du Comité de coordination des procédures spéciales [du Conseil des droits de l'homme], a lui aussi rappelé que les procédures spéciales ont, depuis le début du conflit, alerté à plusieurs reprises sur les atrocités généralisées, les déplacements massifs de populations et l'impact catastrophique du conflit sur les civils. Il a exprimé sa profonde préoccupation face aux exécutions sommaires à caractère ethnique, face à la famine confirmée à El Fasher et à Kadugli, ainsi que face à l'ampleur de la crise des déplacements de populations, la plus importante au monde, marquée par des attaques répétées contre des camps [de personnes déplacées] et par des conditions de vie indignes. Il a exhorté la communauté internationale à agir pour mettre fin aux violences, protéger les civils, retrouver les disparus et assurer la responsabilité des auteurs.
Mme Mona Rashmawi, membre de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits des Nations Unies pour le Soudan, a indiqué que de larges parties d'El Fasher constituaient désormais une scène de crime et que la situation déjà documentée était dévastatrice.
Une représentante du Women's Action Group a condamné ce qu'elle a qualifié de massacre systématique de la population d'El Fasher par les milices des FSR et a affirmé que ces dernières avaient perdu toute légitimité pour faire partie de quelque plan de paix que ce soit.
Le Soudan, en tant que pays concerné, a à son tour affirmé avoir averti de longue date, en vain, contre les agissements des milices des FSR. Le pays a demandé que la communauté internationale fasse pression sur les États concernés, en particulier les Émirats arabes unis, afin qu'ils cessent d'armer ces milices, et que les FSR soient inscrites sur la liste internationale des organisations terroristes.
A l'instar du Haut-Commissaire, plusieurs intervenants ont en outre lancé un avertissement concernant la recrudescence de la violence au Kordofan: le Kordofan ne doit pas subir le même sort que le Darfour, a insisté M. Türk.
De nombreuses délégations ont pris part au débat*. Exerçant leur droit de réponse, les Émirats arabes unis ont nié accorder un soutien aux FSR et le Tchad a assuré que, contrairement à ce qu'ont affirmé des ONG, il ne facilitait pas le passage d'armes vers le Soudan.
La documentation relative à cette session extraordinaire se trouve sur le site webdu Conseil.
La situation des droits de l'homme à El Fasher et alentours, dans le contexte du conflit en cours au Soudan
Déclarations liminaires
Ouvrant la session extraordinaire, M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a d'emblée déploré que les atrocités qui se déroulent à El Fasher, et qui constituent les crimes les plus graves qui soient, étaient prévisibles et auraient pu être évitées. En effet, au cours de l'année écoulée, le Haut-Commissariat a publié plus de vingt déclarations sur El Fasher uniquement, sur la base d'informations vérifiées. En particulier, le Haut-Commissariat a mis en garde contre la propagation de la famine à El Fasher, alors que les gens mouraient de faim, et a mis en garde contre les conséquences d'une chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (FSR).
Personne, a poursuivi le Haut-Commissaire, ne devrait donc être surpris par les informations selon lesquelles, depuis que les FSR ont pris le contrôle d'El Fasher, il y a eu des massacres de civils, des exécutions ciblées sur des bases ethniques, des violences sexuelles, y compris des viols collectifs, des enlèvements contre rançon, des détentions arbitraires généralisées, des attaques contre des établissements de santé, du personnel médical et des travailleurs humanitaires, ainsi que d'autres atrocités effroyables.
La communauté internationale a clairement le devoir d'agir, a affirmé M. Türk: « [elle] doit s'opposer à ces atrocités, qui sont une manifestation de cruauté pure et simple visant à asservir et à contrôler toute une population. Elle doit prendre des mesures pour empêcher la poursuite des violations massives des droits de l'homme, souvent motivées par des considérations ethniques, au Darfour et au-delà. Et elle doit veiller à ce que les civils d'El Fasher et des environs aient accès à l'aide humanitaire et à la protection dont ils ont désespérément besoin », a insisté le Haut-Commissaire.
Concrètement, M. Türk a recommandé que tous les États influents assurent la protection des civils à El Fasher et un passage sûr à celles et ceux qui tentent de fuir; qu'ils fassent pression pour que l'aide circule sans entrave; et qu'ils financent intégralement les programmes humanitaires.
Les États doivent ensuite mener une action concertée pour traduire en justice tous les auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme dans le conflit, a souligné le Haut-Commissaire. À cet égard, a-t-il indiqué, le Haut-Commissariat recueille des preuves des violations, qui pourraient être utilisées dans des procédures judiciaires. En outre, la Cour pénale internationale (CPI) a indiqué qu'elle suivait de près la situation, a fait remarquer M. Türk.
La communauté internationale doit aussi agir contre les individus et les entreprises qui alimentent cette guerre et en tirent profit, a souligné le Haut-Commissaire, faisant observer que le Soudan est en effet pris dans un affrontement par procuration pour ses ressources, de nombreux pays de la région et au-delà étant impliqués.
M. Türk a demandé à toutes les personnes influentes de défendre le droit international, notamment en plaidant pour un renvoi urgent - par le Conseil de sécurité - de la situation dans l'ensemble du pays à la CPI, et en faisant de l'embargo sur les armes une réalité, non seulement au Darfour, mais dans tout le pays.
Le Haut-Commissaire a enfin demandé à toutes les parties au conflit de donner la priorité à leur pays et à leur population, et de s'engager dans des négociations de paix sérieuses et dans une trêve humanitaire.
Pour conclure, M. Türk a lancé un avertissement concernant la recrudescence de la violence au Kordofan, avec des bombardements, un blocus et des personnes chassées de leurs foyers, au mépris flagrant de la vie des civils. Le Kordofan ne doit pas subir le même sort que le Darfour, a insisté le Haut-Commissaire.
Pour sa part, M. ADAMA DIENG, Envoyé spécial de l'Union africaine pour la prévention du génocide et autres atrocités de masse, au nom également de M. CHALOKA BEYANI, Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, a souligné que depuis le déclenchement du conflit entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) en avril 2023, la population civile a enduré des souffrances inimaginables. Plus de 14 millions de personnes ont été déplacées de force, plus de 40 000 personnes ont été tuées et d'innombrables autres ont été victimes d'exécutions sommaires, de massacres, de tortures, de viols et d'attaques contre des travailleurs humanitaires.
La famine délibérée des civils comme méthode de guerre, comme on l'a vu dans les villes assiégées d'El Fasher et de Kadugli, est expressément interdite par l'article 54 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, a rappelé M. Dieng.
M. Dieng a cité un avertissement lancé par le Bureau des Nations Unies pour la prévention du génocide : « Le ciblage systématique des communautés non arabes, en particulier les Four, les Zaghawa et les Masalit au Darfour, par des massacres et des violences sexuelles, y compris des viols; par l'obstruction de l'aide humanitaire, créant ainsi des conditions destinées à causer la mort; et par la destruction de maisons, de fermes, d'établissements de santé, de points d'eau et d'autres moyens de subsistance, constitue des indices forts d'une intention délibérée d'infliger à ces groupes des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique totale ou partielle ».
M. Dieng a appelé la communauté internationale à redoubler d'efforts pour faire taire les armes au Soudan grâce à un engagement diplomatique solide, conformément à l'initiative « Faire taire les armes » de l'Union africaine et à la Charte des Nations unies, et à exiger la fin immédiate de l'afflux d'armes et de combattants au Soudan - afflux qui contribue directement au ciblage systématique de groupes identitaires spécifiques et à la situation déjà désespérée dans le pays.
M. Surya Deva, Président du Comité de coordination des procédures spéciales [du Conseil des droits de l'homme], a rappelé que les procédures spéciales ont, depuis le début du conflit, alerté à plusieurs reprises sur les atrocités généralisées, les déplacements massifs de populations et l'impact catastrophique du conflit sur les civils. Il a souligné que, depuis plus de deux ans, la population soudanaise a subi une violence constante et un mépris du droit international, nombre d'informations faisant état de massacres, d'exécutions sommaires, de violences sexuelles, d'enlèvements, de déplacements forcés, du recrutement d'enfants, de destructions d'infrastructures et d'attaques contre les humanitaires.
M. Deva a rappelé qu'après 540 jours de siège, El Fasher est tombée aux mains des Forces de soutien rapide, avec des atrocités durant et après la prise de la ville, notamment des homicides ciblés selon l'origine ethnique et des violences sexuelles contre des femmes et des filles. Il a fait état de viols commis devant des proches, de détentions assimilables à de la torture et d'attaques visant des abris de personnes déplacées.
M. Deva a exprimé sa profonde préoccupation face aux exécutions sommaires à caractère ethnique, face à la famine confirmée à El Fasher et à Kadugli, ainsi que face à l'ampleur de la crise des déplacements de populations, la plus importante au monde, marquée par des attaques répétées contre des camps [de personnes déplacées] et par des conditions de vie indignes.
Le Président du Comité de coordination des procédures spéciales a souligné les conséquences régionales de cette violence et s'est joint aux autres mécanismes onusiens pour condamner les violations et pour appeler à un cessez-le-feu immédiat, à la protection des civils et à un accès humanitaire sans entrave. Il a exhorté la communauté internationale à agir pour mettre fin aux violences, protéger les civils, retrouver les disparus et assurer la responsabilité des auteurs.
Enfin, M. Deva a indiqué que les procédures spéciales se tenaient prêtes à soutenir les efforts du Conseil et a rappelé que la protection des droits humains et le respect du droit international demeurent essentiels pour une paix durable.
Mme Mona Rishmawi, membre de la Mission internationale indépendante d'établissement des faits des Nations Unies pour le Soudan, a indiqué que de larges parties d'El Fasher constituaient désormais une scène de crime. Elle a expliqué que la Mission avait recueilli des témoignages et des preuves faisant état d'exécutions délibérées, de torture, de viols, d'enlèvements contre rançon, de détentions arbitraires et de disparitions forcées à grande échelle, et que la situation déjà documentée était dévastatrice.
Mme Rishmawi a rapporté que l'université d'El Fasher avait été transformée en lieu d'exécution, et que des personnes fuyant l'hôpital saoudien avaient décrit l'exécution sommaire de civils et de personnel médical. Des survivants ont évoqué des corps abandonnés dans les rues et des tranchées creusées dans et autour de la ville, leurs récits étant confirmés par des preuves numériques vérifiées, a-t-elle indiqué.
Mme Rishmawi a souligné que la ville avait été assiégée pendant dix-huit mois, sa population bombardée et coupée d'approvisionnement en nourriture, eau, médicaments et aide humanitaire, et que le scénario redouté s'était réalisé. Des milliers de civils restent portés disparus, et seuls quelques milliers ont atteint un lieu sûr.
Mme Rishmawi a ajouté que certains civils avaient marché jusqu'à quarante kilomètres sans eau ni nourriture, et que des points de contrôle des FSR étaient le théâtre de fouilles invasives, de nudité forcée, d'interrogatoires sur l'ethnicité et de pillages. Des vidéos authentifiées montrent des hommes encerclés, battus, humiliés et parfois exécutés à bout portant, a insisté l'experte. Elle a fait état de viols, y compris collectifs, de centaines de femmes et de filles le long des routes de fuite, et a attiré l'attention sur la nature ethnique, politique et genrée des crimes, filmés et diffusés sans dissimulation. Elle a ajouté que des tactiques similaires étaient en cours au Kordofan, où l'encerclement, le blocage de l'aide et l'apparition de la famine font craindre une répétition de ce qui s'est produit à El-Fasher.
Ces horreurs, conséquences de décennies d'impunité, auraient pu être empêchées et doivent cesser, a poursuivi Mme Rishmawi. Elle a appelé les États qui soutiennent ou arment les responsables à agir en ce sens et à garantir que les individus et entités impliqués rendent des comptes. Elle a rappelé la présentation récente, à l'Assemblée générale, des conclusions de la Mission dont elle est membre, et a souligné que les enquêtes indépendantes permettent de fonder l'action internationale. Elle a conclu son intervention en soulignant que le peuple soudanais a besoin d'une fin immédiate des violences, d'une protection effective et d'une voie crédible vers la justice.
Une représentante du Women's Action Group a condamné ce qu'elle a qualifié de massacre systématique de la population d'El Fasher par les milices des FSR. Un grand nombre de femmes et de filles ont en effet été violées, des personnes ont été torturées et tuées, et, dans un hôpital, plus de 400 patients et personnels ont été assassinés, a-t-elle dénoncé. Les auteurs de ces actes ont filmé ces crimes et s'en sont félicités, a-t-elle ajouté. D'autres violations du droit international sont à déplorer, notamment des attaques contre des camps de réfugiés et le vol de terres, a-t-elle en outre souligné.
Le manque de reddition de comptes a encouragé les Forces de soutien rapide, a poursuivi la représentante, avant d'affirmer que ces dernières [les FSR] avaient perdu toute légitimité pour faire partie de quelque plan de paix que ce soit. Elle a demandé à la communauté internationale de tout faire pour que la population reprenne confiance dans les instances internationales.
Le Soudan, en tant que pays concerné, a affirmé avoir averti de longue date, en vain, contre les agissements des milices des FSR. Il a demandé que la communauté internationale fasse pression sur les États concernés, en particulier les Émirats arabes unis, afin qu'ils cessent d'armer ces milices. La communauté internationale n'a rien fait contre les milices et les pays qui les aident, avec pour résultat la guerre existentielle qui se mène actuellement et des tueries fondées sur la race et l'appartenance ethnique, a dénoncé la délégation soudanaise, avant de demander que les FSR soient inscrites sur la liste internationale des organisations terroristes.
Aperçu du débat
Durant le débat, de nombreuses délégations ont exprimé leur profonde consternation face à la situation humanitaire et aux violations massives des droits de l'homme à El Fasher et dans plusieurs régions du Darfour et du Kordofan. Elles ont décrit un tableau qu'elles ont jugé d'une gravité exceptionnelle: après des mois de siège, a-t-il été souligné, la prise de la ville s'est accompagnée d'atrocités documentées par des témoignages concordants et des images vérifiées, comprenant des exécutions sommaires, des attaques ciblées en raison de l'origine ethnique, des actes de torture, des attaques contre des infrastructures médicales et humanitaires, ainsi que des déplacements forcés de grande ampleur.
De nombreuses délégations ont insisté sur la situation dramatique des femmes, des enfants et des personnes âgées, particulièrement exposés à la violence, à la faim et au manque de services essentiels. Les violences sexuelles, y compris les viols systématiques, collectifs ou commis en public, ont été décrites comme un instrument de terreur délibérée. Plusieurs interventions ont en outre alerté sur le sort de milliers d'enfants confrontés à la malnutrition sévère, privés d'éducation ou victimes de recrutement forcé.
Un grand nombre d'intervenants ont souligné que l'obstruction persistante de l'aide humanitaire aggrave une crise multidimensionnelle marquée par la faim extrême, la propagation de maladies, l'effondrement des infrastructures sanitaires et l'impossibilité d'évacuer les blessés. Ils ont appelé à l'ouverture immédiate de couloirs humanitaires, à la levée des sièges et à un accès sûr et sans entrave pour les organisations humanitaires, tout en rappelant la nécessité de protéger les travailleurs humanitaires et les installations médicales.
Plusieurs délégations ont dénoncé les actions des Forces de soutien rapide (FSR), décrites comme responsables d'un large éventail de violations à El Fasher et autour de la ville. Elles ont évoqué des attaques ciblées contre des civils, des exécutions sommaires, des abus infligés aux personnes en fuite, ainsi que l'usage systématique de violences sexuelles contre les femmes et les filles. Les FSR ont été accusées de bloquer l'aide humanitaire, de détruire des infrastructures civiles essentielles et de contribuer à l'apparition de conditions proches de la famine. Ces actes ont été présentés comme s'inscrivant dans un schéma organisé de violence et de domination, aux conséquences humanitaires particulièrement graves.
Plusieurs délégations ont insisté sur l'urgence d'un cessez-le-feu complet et durable, affirmant qu'aucune solution militaire ne peut mettre fin à cette crise et qu'un processus politique inclusif, mené par les Soudanais eux-mêmes, est indispensable. Elles ont souligné l'importance de relancer les efforts diplomatiques régionaux, notamment ceux de l'Union africaine, de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et des Nations Unies, afin d'obtenir rapidement une trêve humanitaire.
Plusieurs intervenants ont d'autre part exprimé leur préoccupation face à l'implication d'acteurs extérieurs, notamment des Émirats arabes unis. Ils ont dénoncé des formes d'ingérence, notamment les transferts d'armes ou encore les appuis financiers ou logistiques, qui, selon eux, alimentent les hostilités et aggravent les souffrances des civils. Certains ont rappelé que ces soutiens contrevenaient aux résolutions de l'Union africaine et du Conseil de sécurité, appelant les États influents à favoriser une désescalade et à renforcer le respect de l'embargo sur les armes. Des organisations de la société civile ont, elles aussi, estimé que l'absence de contrôle sur ces appuis extérieurs avait contribué à la persistance des violations.
De nombreux intervenants ont dénoncé l'impunité persistante, considérée comme un facteur clé de la répétition de crimes graves. Plusieurs délégations ont rappelé les analyses des mécanismes onusiens selon lesquelles certaines violations pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. Elles ont insisté sur l'importance de renforcer le travail de la Mission d'établissement des faits, de garantir son accès à toutes les zones concernées et de poursuivre des enquêtes approfondies et impartiales. D'aucuns ont également mis en avant la nécessité d'un rôle accru des mécanismes judiciaires internationaux, notamment de la Cour pénale internationale.
Les organisations de la société civile ont, elles aussi, présenté un tableau extrêmement sombre et détaillé de la situation. S'appuyant sur des témoignages directs et des données vérifiables, elles ont décrit des exactions systématiques: exécutions menées maison par maison, attaques ciblant des groupes ethniques spécifiques, enlèvements, disparitions forcées et actes de torture dans des lieux de détention improvisés. Elles ont aussi documenté des violences sexuelles commises de manière structurée, souvent accompagnées de pillages, de destructions de biens et de séparations forcées. Selon plusieurs d'entre elles, ces abus s'inscrivent dans un schéma cohérent de persécution.
Les organisations de la société civile ont alerté sur les risques extrêmes encourus par les populations toujours piégées dans les zones assiégées, où elles sont exposées à une famine imminente, à l'absence d'eau potable, à la propagation rapide de maladies, à l'épuisement des services de santé et à l'impossibilité d'évacuer les blessés. Ont été décrites des scènes de fuite chaotique, au cours desquelles des civils auraient été attaqués, battus, violés ou exécutés en tentant de quitter El Fasher ou d'autres localités.
Les organisations ont également dénoncé une inaction internationale qu'elles ont jugée prolongée et dangereuse, rappelant que des avertissements précoces avaient été ignorés. Elles ont exhorté le Conseil à renforcer ou étendre le mandat de la Mission d'établissement des faits, à imposer des sanctions ciblées contre les responsables, à assurer une application stricte de l'embargo sur les armes et à accroître le soutien aux ONG locales. Elles ont également plaidé pour une pression diplomatique accrue afin de garantir un accès humanitaire sécurisé.
Enfin, plusieurs organisations ont souligné que les conclusions des investigations ne doivent pas rester lettre morte et ont appelé à leur utilisation dans des procédures judiciaires internationales ou nationales, afin de garantir justice, réparation et prévention de nouvelles violences.
*Liste des intervenants : Royaume-Uni (au nom d'un groupe de pays), Norvège (au nom d'un groupe de pays), Ghana (au nom du Groupe des États africains), Union européenne, Algérie (au nom du Groupe des États arabes), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Koweït, Qatar, République de Corée, Japon, Espagne, Afrique du Sud, Algérie, Indonésie, Éthiopie, Belgique, Kenya, Mexique, Allemagne, Suisse, Chine, Macédoine du Nord, Ghana, Maldives, Chypre, Brésil, Roumanie, République démocratique du Congo, France, Pays-Bas, Chili, Albanie, Bulgarie, Bangladesh, Maroc, Gambie, Viet Nam, Malawi, Royaume-Uni, Émirats arabes unis, ONU Femmes, Arabie saoudite, Luxembourg, Jordanie, Slovaquie, Égypte, Monaco, Irlande, Türkiye, Ukraine, Grèce, Tchad, Liechtenstein, Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Australie, Venezuela, Canada, Érythrée, Pakistan, Uruguay, Cameroun, Autriche, Sierra Leone, Nigeria, Slovénie, Zambie, Malaisie, Iraq, Malte, République de Moldova, Portugal, Nouvelle-Zélande, État de Palestine, Andorre, Zimbabwe, Mauritanie, Tunisie, Croatie, Fonds des Nations Unies pour la population, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Rwanda, Iran, Liban, Angola, Oman, Yémen, République-Unie de Tanzanie, Italie, Libye, Saint-Siège, Arménie, Soudan du Sud.
Ont également pris part au débat les organisations de la société civile ci-après: Cairo Institute for Human Rights Studies; Article 19 - Centre international contre la censure; Association for Women's Rights in Development; Maat for Peace, Development and Human Rights Association; Human Rights Watch; Amnesty International; International Service for Human Rights; Réseau Unité pour le Développement de Mauritanie; Christian Solidarity Worldwide; Fédération internationale pour les droits humains (FIDH); Legal Action Worldwide; Elizka Relief Foundation; Geneva Institute for Human Rights (GIHR); Alliance internationale pour la défense des droits et des libertés; Institut international pour les droits et le développement; Africa Culture Internationale; Partners for Transparency; Interfaith International; African Centre for Democracy and Human Rights Studies; Al Gora Community Development Association; Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO); Forum for Development and Human Rights Dialogue; et Association Ma'onah for Human Rights and Immigration.
Adoption d'une résolution sur la « Situation des droits de l'homme à El-Fasher et alentours, dans le contexte du conflit en cours au Soudan »
Aux termes de la résolution adoptée sans vote à l'issue de cette session extraordinaire, et intitulée « Situation des droits de l'homme à El-Fasher et alentours, dans le contexte du conflit en cours au Soudan» (A/HRC/S-38/L.1 tel qu'amendé par oral), le Conseil condamne fermement l'escalade de la violence et les atrocités qui auraient été commises par les Forces de soutien rapide et leurs forces associées et alliées à El Fasher et alentours, notamment les atrocités à grande échelle telles que les meurtres à caractère ethnique, la torture, les exécutions sommaires, le recrutement forcé et la détention arbitraire de civils, ainsi que le recours généralisé au viol et à d'autres formes de violence sexuelle et sexiste comme arme de guerre.
Le Conseil exprime sa profonde préoccupation face aux conséquences humanitaires catastrophiques à El Fasher et dans ses environs, où, selon certaines informations, un nombre important de civils, dont des milliers d'enfants, [sont] confrontés à des déplacements forcés, à des attaques à grande échelle, à des violences sexuelles et sexistes, à l'extorsion, aux arrestations et détentions arbitraires par les FSR, et des dizaines de milliers de personnes [sont] déplacées d'El Fasher depuis le 26 octobre 2025 vers des villes voisines.
Le Conseil exprime son inquiétude face à la famine qui sévit à El Fasher et à Kadugli, comme l'a confirmé le Comité d'examen de la famine de la Classification intégrée de la sécurité alimentaire le 3 novembre 2025, selon lequel plus de 21,2 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, et condamne l'utilisation de la famine comme arme de guerre.
Le Conseil appelle toutes les parties à autoriser et à faciliter un accès humanitaire immédiat, complet, sûr et sans entrave dans tout le Soudan; condamne le fait que toutes les parties au conflit privent la population de l'aide humanitaire essentielle; et demande en particulier aux Forces de soutien rapide (FSR) et aux Forces armées soudanaises (FAS) de permettre à l'aide vitale d'atteindre la population touchée à El Fasher et dans les zones environnantes.
Le Conseil réitère sa ferme condamnation du conflit armé qui se poursuit entre les FAS et les FSR, ainsi que leurs forces associées et alliées, et de toutes les violations signalées du droit international humanitaire, ainsi que de toutes les violations et tous les abus des droits de l'homme commis dans ce contexte, y compris les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité présumés.
Le Conseil condamne toutes les formes d'ingérence extérieure qui alimentent le conflit. Il rappelle à toutes les parties au conflit, ainsi qu'aux acteurs extérieurs, qu'il s'agisse d'États ou d'autres entités, qui facilitent le transfert d'armes et de matériel militaire vers le Darfour, leur obligation de respecter et d'appliquer l'embargo sur les armes en vigueur au Darfour, conformément à la résolution 1556 (2004) du Conseil de sécurité du 30 juillet 2004.
Le Conseil demande à la Mission internationale indépendante d'établissement des faits pour le Soudan de mener une enquête urgente sur les violations du droit international des droits de l'homme et les violations du droit international humanitaire qui auraient été commises à El Fasher et dans ses environs; et d'identifier toutes les personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont responsables de violations du droit international des droits de l'homme. Il demande au Haut-Commissaire de présenter au Conseil, avant sa 61ème session, un exposé oral sur la situation des droits de l'homme à El Fasher et demande à la Mission d'établissement des faits de présenter au Conseil, lors de sa prochaine session (61ème session), un rapport sur les résultats de son enquête.
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HRC25.017F