10/30/2025 | Press release | Archived content
Mesdames et Messieurs,
Comme l'a dit le Président de la République lors de ses propos en conclusion de cette conférence en soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, nous ne pouvions pas demeurer des spectateurs silencieux de la tragédie qui se joue dans cette région. Et je veux commencer par saluer le travail de médiation qui a été conduit d'abord par des acteurs régionaux, le Kenya, l'Angola et puis le Togo au nom de l'Union africaine. Et puis, plus récemment, le travail conduit par les États-Unis d'Amérique et le Qatar pour trouver une solution au conflit qui embrase la région, faire cheminer les parties vers un cessez-le-feu et vers une paix juste et durable.
C'est dans ce contexte que s'est inscrite cette conférence, avec pour ambition d'apporter un complément essentiel pour traiter de l'urgence et traiter de l'humain. En effet, les chiffres ont été rappelés tout au long de la journée. Ils sont insoutenables et ils témoignent de la déchirure d'une humanité blessée et de la détresse des populations civiles qui sont les victimes du conflit dans l'est de la République démocratique du Congo. Mais c'est leur dignité, la dignité des peuples de cette région qui nous commandait à agir, qui commandait à la France d'agir, la France membre permanent du Conseil de sécurité avec une responsabilité éminente vis-à-vis de la paix et la sécurité dans le monde, aux côtés du Togo, chargé par l'Union africaine de rapprocher les positions et de faire cheminer les uns et les autres dans la bonne direction. Et c'est pourquoi, avec mon co-président Robert Dussey, nous nous étions fixés trois objectifs dont je considère qu'ils ont été atteints.
Le premier, c'était de faire entendre les voix du terrain, des agences des Nations unies, des organisations non gouvernementales qui, au quotidien, et en prenant tous les risques, apportent le soin, l'alimentation et la protection aux populations si éprouvées par des mois et des années de conflit. Nous les avons entendues et leur diagnostic a confirmé l'urgence qu'il y avait à réunir ici à Paris, aujourd'hui, une conférence humanitaire, de mobiliser la communauté internationale, pour apporter des réponses à la hauteur de l'enjeu.
Et c'était là le deuxième objectif, mobiliser des financements à la hauteur de l'urgence dans un moment où le plan des Nations unies n'était financé qu'à 16%. Là encore, l'objectif est atteint puisque nous avons mobilisé plus de 1,5 milliard d'euros d'assistance aux populations sur le terrain. Ce seront des médicaments, de l'aide alimentaire, mais aussi des capacités, des moyens de reconstituer les capacités au profit des populations qui vivent dans la région des Kivu et des Grands Lacs.
Puis le troisième objectif, c'était d'apporter des garanties concrètes sur la circulation de l'aide humanitaire, puisqu'il ne s'agit pas seulement de lever des financements, encore faut-il que l'aide puisse parvenir aux populations qui en ont le plus besoin. Et nous avons acté, à l'occasion d'un échange qu'a présidé le président de la République, la réouverture de l'aéroport de Goma pour des vols humanitaires de jour aux instruments dans les prochaines semaines, avec l'ouverture par ailleurs de corridors humanitaires en provenance notamment du Burundi, tout cela dans le respect de la souveraineté de la République démocratique du Congo.
Et donc à la fois sur la nécessité de donner l'occasion aux acteurs de l'humanitaire de pouvoir s'exprimer et partager avec la communauté internationale leurs diagnostics, sur la nécessité de lever des financements à la hauteur de l'urgence et sur la nécessité de lever les entraves au travail des organisations humanitaires et à la distribution de l'aide, je crois que nous avons aujourd'hui à Paris fait œuvre utile. D'une certaine manière, les résultats sont tout à fait fidèles à l'esprit dans lequel nous nous sommes placés avec les autorités togolaises pour préparer cette conférence. Je veux rappeler le caractère régional de cette crise qui nous a conduits à inclure tous les pays de la région, tous les pays des Grands Lacs en apportant notre soutien aux médiations africaines. Nous aurons ce soir au Quai d'Orsay un échange politique avec les ministres des États de la région, les responsables des médiations américaine et qatarie pour voir ensemble comment appuyer au mieux les efforts qui sont aujourd'hui menés.
Et puis cette mobilisation internationale aura permis aussi de compléter la séquence humanitaire par des volets économiques et politiques pour traiter à la fois de l'urgence et ouvrir des perspectives d'un retour à une stabilité durable. Puisque pendant que nous nous mobilisions ici à Convention, au Centre de conférence du ministère des affaires étrangères français, la ministre déléguée présidait une réunion dédiée à l'intégration économique régionale au sein du Forum de Paris sur la paix en appui au cadre d'intégration économique régionale proposé par la médiation américaine. À cette occasion, nous avons donné la parole aux acteurs de terrain, entreprises et organisations régionales, pour avancer ensemble sur les dividendes de la paix et un plan d'action au service de l'intégration régionale a été adopté par l'ensemble des participants.
Voilà, Mesdames et Messieurs, dans un monde traversé par les crises, la région des Grands Lacs peut et doit devenir un symbole de résilience. Aujourd'hui, à Paris, nous avons démontré que la communauté internationale ne ferme pas les yeux sur ce conflit et que la France, une nouvelle fois, est au rendez-vous.
- -
Q - Question au ministre français, M. Barrot. Quelles garanties avez-vous obtenues pour la réouverture de Goma ? Avec qui, tout simplement, avez-vous négocié pour que cet aéroport rouvre, le M23, le Rwanda, qui ?
R - Je le disais tout à l'heure, il est important et essentiel de lever les financements internationaux pour apporter des réponses aux populations qui traversent de grandes épreuves et de terribles souffrances. Encore faut-il que les travailleurs humanitaires puissent faire leur travail dans des conditions de sécurité acceptables. Le Président de la République a relevé tout à l'heure que 13 d'entre eux avaient perdu la vie depuis le début de l'année. Et encore faut-il que les voies d'accès soient ouvertes. Et c'est la raison pour laquelle les médiateurs américains et qataris, de même que les autorités congolaises et rwandaises souhaitent que ces voies puissent s'ouvrir pour laisser entrer l'aide aussi massivement que possible. Cette conférence internationale a été l'occasion d'accélérer les discussions sur ce sujet, qui vont se poursuivre dans le cadre de la médiation qatarie avec une impulsion nouvelle qui aura été donnée ici depuis Paris.
Q - Merci beaucoup pour la parole. Je suis Ben Dibanzilua Futi, de la République démocratique du Congo, du journal Le Potentiel. Alors, je veux savoir, à l'est du pays de la République démocratique du Congo, pendant que je vous parle, je dois le confirmer, sans peine d'être contredit, qu'il y a des milliers de personnes qui meurent, les femmes violées, les entreprises fermées et vous allez remarquer même certains enfants sont privés de leur droit à l'éducation. Alors, j'aimerais savoir au niveau de l'Union africaine, quel sera le rôle de l'Union africaine justement pour s'assurer du suivi des engagements humanitaires pris lors de la conférence ? La deuxième question est de savoir, à Kinshasa, l'absence des deux présidents qui sont considérés comme les protagonistes et même de l'Union africaine, à savoir Paul Kagame et son homologue, Yoweri Museveni, suscite des tensions persistantes. Est-ce qu'on peut dire que l'absence de ces deux présidents peut, en fait, faire en sorte que les différentes clauses de cette conférence ne soient pas abouties ?
[…]
R - À mon tour je voudrais donner deux éléments de réponse. Le premier qui concerne la mobilisation : j'ai dit à plusieurs reprises que tous les pays de la région étaient représentés au niveau du chef d'État ou de gouvernement ou au niveau du ministre des affaires étrangères ou du ministre des armées. Mais que la mobilisation ne s'arrête pas là, puisqu'on a accueilli aujourd'hui à Paris plus de 70 pays qui ont participé de manière diverse à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. Ensuite, vous avez raison de poser la question, d'une certaine manière, de la traçabilité de l'aide humanitaire, de l'assistance qui est apportée lors de ces conférences. Ce qui me permet de rappeler qu'un mois après le 8 octobre 2023, c'est à Paris qu'a eu lieu la première conférence internationale humanitaire pour Gaza ; qu'un an après le début de la guerre terrible au Soudan, c'est encore à Paris qu'a eu lieu la première grande conférence internationale d'aide humanitaire au profit des populations soudanaises ; qu'un mois après les incursions terrestres au Liban, à l'automne 2024, il y a à peu près un an, c'est encore à Paris que s'est tenue, au profit du Liban, la première et principale grande conférence de soutien humanitaire et d'assistance à la population, à la souveraineté libanaise.
Et donc nous nous trouvons aujourd'hui à notre place et dans notre rôle. Mais nous avons veillé puisque nous avons su ces dernières années mobiliser la communauté internationale face à l'urgence et sans aucun double standard, sans faire de deux poids deux mesures, puisque nous avons répondu à toutes les crises avec le même degré d'implication et avec la même mobilisation de nos équipes, auxquelles je veux rendre hommage ce soir, pour atteindre les objectifs que nous fixions à chaque fois. Mais cette question de la traçabilité est importante. Nous l'avons mise en œuvre, notamment dans le cadre de l'aide qui a été mobilisée pour le Soudan. Et comme nous le faisons désormais à chaque fois que nous mobilisons la communauté internationale, nous ferons un suivi attentif des décaissements des engagements pris aujourd'hui à Paris.
Q - Patient Ligodi pour Radio France Internationale, RFI. Monsieur le ministre, quand vous dites 1,5 milliard d'euros, vous prenez en compte les 500 millions qui ont été déjà mobilisés cette année ou bien il s'agit de nouvelles annonces ? Et le 1,5 milliard, c'est pour cette année simplement ? Parce que la réponse humanitaire dont on parle, le plan dont on parle, c'est un plan annuel et c'est pour 2025. Merci beaucoup.
R - Ce que je peux vous dire, c'est que nous nous étions fixés un objectif à un milliard que nous avons réussi, par notre mobilisation sans relâche, la mobilisation de notre coprésidence, de nos ambassades, à dépasser, ce qui est un motif de satisfaction. Mais une nouvelle fois, ce qui ne résout pas tout à fait les problèmes, puisque ce à quoi nous aspirons, ce que nous voulons pour la région, c'est un cessez-le-feu conduisant à une paix durable dans la région des Grands Lacs. C'est pourquoi nous avons d'ailleurs travaillé à contribuer, par les discussions qui ont eu lieu au Forum de Paris sur la paix, à l'intégration régionale, à l'intégration économique régionale, qui sera l'un des piliers de cette paix durable dans la région. Et donc c'est une étape que nous sommes fiers d'avoir pu franchir mais qui nous oblige à rester mobilisés non seulement sur le front humanitaire mais sur le front politique et économique.